Immobilier: le notaire n’est pas responsable en cas de clause claire et explicite d’exclusion de garantie contre les vices cachés

Par Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat   Par un arrêt en date du 3 février 2016 (C.cass, 1ère civ, 3 février 2016 n°15-10.219) la Cour de cassation rappelle que le notaire ne manque pas à ses obligations professionnelles lorsque la clause excluant la garantie des vices cachés insérée dans l’acte est claire, précise et rédigée dans des termes aisément compréhensibles, et ne comportait aucun caractère technique pour un acquéreur non averti. En l’espèce, une vente fût signée concernant un immeuble à usage commercial. L’acte de vente prévoyait une clause d’exclusion de garantie des vices cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol ou les bâtiments. Par suite, à l’occasion de travaux réalisés sur les lieux, des vices cachés ont malheureusement été découverts. L’acquéreur s’est alors dans un premier temps tourné vers le vendeur mais a vu son action rejetée. C’est dans ces conditions que l’acquéreur s’est décidé à se retourner contre le notaire en responsabilité et indemnisation. Rappelons que l’article 1641 du code civil dispose que le vendeur «est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ». Il découle de cet article 1641 du code civil que la garantie contre les vices cachés ne s’applique donc : – Qu’en présence d’un vice ; – D’un vice qui était caché lors de la vente ; – Et à condition qu’il soit invoqué dans le délai prévu à cet effet. Le vice s’apprécie par rapport à la destination normale de la chose. La formule jurisprudentielle habituelle au visa de l’article 1641 du code civil est celle d’un « défaut ou vice rendant la chose impropre à sa destination normale » (Cass. 3ème Civ., 14 fév. 1996 : Bull. Civ. 3, n° 47 ; Paris, 16 sept. 1997, TA 97, p. 1390). Les parties peuvent décider contractuellement d’écarter cette garantie : on parle alors de clause d’exclusion de garantie de vices cachés. Le notaire rédacteur de l’acte peut voir sa responsabilité engagée si une faute est commise. En l’espèce, dans le cadre du litige qui lui était soumis, la Cour de cassation confirme l’appréciation portée par la Cour d’appel qui avait rejeté les demandes de l’acquéreur aux motifs : « Attendu que l’arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la clause excluant la garantie des vices cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol ou les bâtiments insérée dans l’acte de vente est particulièrement claire et précise et rédigée dans des termes aisément compréhensibles, ne comportant aucun caractère technique pour un acquéreur non averti et lui permettant, ainsi, de prendre conscience de la portée de son engagement lorsqu’il a acquiescé aux différentes conditions en paraphant chacune des pages de l’acte, et que cette clause a été validée par l’arrêt du 3 septembre 2009, en raison de la bonne foi de la venderesse non professionnelle ; que l’arrêt ajoute que la lecture de l’acte a été faite par le notaire aux parties et que les termes non ambigus de cette clause ne portaient pas à explication spécifique de sa part, chacune des parties étant en mesure de comprendre son sens et sa portée ; que, de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d’appel a pu déduire, sans inverser la charge de la preuve, que le notaire n’avait pas manqué à ses obligations professionnelles ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche qui critique des motifs surabondants, n’est pas fondé pour le surplus ». Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle l’étendue de l’obligation de conseil que doit le notaire envers ses clients mais aussi les limites que cette obligation. Il est utile de rappeler que ce devoir de conseil revêt un caractère impératif: le devoir de conseil est un devoir professionnel obligatoire auquel le notaire ne peut se soustraire sous aucun prétexte et quelle que soit la nature de son intervention (C.cass, 3ème civ. 18 octobre 2005, juris-data n°2005-030336). Plus encore, l’obligation de conseil du notaire porte donc tant sur la validité de l’acte que sur les risques juridiques et économiques encourus. Si la clause est rédigée dans des termes clairs, que l’une et l’autre des parties est à même de comprendre, il n’est pas requis de la part du notaire qu’il explicite davantage la portée de cette disposition et aucune faute ne pourra lui être reprochée. De l’importance donc de bien veiller à la rédaction et la lecture des actes de vente qui peuvent prévoir des régimes exonératoires ou des clauses limitatives, notamment sur les questions d’absence de raccordements et qui se rencontrent fréquemment en matière immobilière (la jurisprudence en la matière est foisonnante : voir en ce sens: Cass. 3e civ., 19 oct. 1971 : Bull. civ. 1971, III, n° 498 ; D. 1972, jurispr. p. 77 ; CA Paris, 8 déc. 1989 : D. 1990).