Statistiques de la délinquance environnementale

Statistiques de la délinquance environnementale

Par Maitre David DEHARBE (Green Law Avocats) La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 (portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : JO 24 août) comporte un volet pénal substantiel. En premier lieu, (art. 279 s. de la 2021-1104 du 22 août 2021), l’article L. 173-3 du code de l’environnement et aggrave les peines applicables aux faits prévus aux articles L. 173-1 et L. 173-2 du même code lorsque ces faits entraînent des atteintes graves et durables à la santé, la flore, la faune ou la qualité de l’air, du sol ou de l’eau. Ensuite  le nouvel article L. 231-1 du code de l’environnement réprime le fait, en violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité, prévue par la loi ou le règlement, d’émettre dans l’air, de jeter de déverser ou de laisser s’écouler dans les eaux superficielles ou souterraines ou dans les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou plusieurs substances dont l’action ou les réactions entrainent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction. Remarquons que le respect des autorisations administratives d’émission et des prescriptions de rejet vaut excuse. Dans la même veine, le nouvel article L. 231-2 du code de l’environnement réprime le fait d’abandonner, de déposer ou de faire déposer des déchets sans satisfaire aux prescriptions concernant les caractéristiques, les quantités, les conditions techniques de prise en charge des déchets et les procédés de traitement mis en œuvre, lorsqu’ils provoquent une dégradation substantielle de la faune et de la flore ou de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau sont punis de trois d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende. Enfin, le nouvel article L. 231-3 du code de l’environnement définit l’infraction d’écocide comme une circonstance aggravante dès lors que les faits précités sont ici réputés devoir être commis de manière intentionnelle. Sont encore qualifiées d’écocides les infractions entrainant des atteintes graves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau (art. L. 231-2 commises de façon intentionnelle). Sont considérés par le législateur comme durables « les effets nuisibles sur la santé ou les dommages à la flore ou à la faune d’une durée d’au moins sept ans ». Les sanctions sont fixées à pas mois de dix ans d’emprisonnement et 4,5 millions euros d’amende, montant pouvant même être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction. Précisons encore que le point de départ du délai de prescription de l’action publique court à compter de la découverte du dommage. Ainsi à l’heure où législateur s’efforce d’aggraver la responsabilité pénale des délinquants environnementaux avec de nouvelles incrimination et des causses aggravantes les données statistiques sont précieuses (étude statistique publiée par Interstat et ci-dessous reproduite). Le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure, fait un premier état des lieux sur les atteintes à l’environnement constatées par la police et la gendarmerie sur la période 2016-2021. En 2021, les services de police et de gendarmerie nationales ont enregistré 31 400 délits ou contraventions à l’environnement, un nombre en augmentation de 7 % par rapport à 2016 (soit +1,3 % en moyenne par an). Au sein de ce phénomène délinquant très hétérogène, un tiers relève d’actes visant les animaux, 25 % d’actes liés à l’exploitation forestière ou minière illégale et 13 % d’infractions à la règlementation sur la chasse et la pêche. Parmi les affaires environnementales traitées par les parquets (hors actes visant les animaux), celles enregistrées par les services de sécurité en représentent près de la moitié (47 %) en moyenne. De par leur nature, contrairement à la majorité des autres formes de délinquance, la moitié des infractions environnementales sont commises dans des communes rurales, soit un taux de 9,3 infractions pour 10 000 habitants (contre 4,5 au niveau national). La Guyane présente un taux d’infractions environnementales neuf fois plus élevé que la moyenne nationale (42 pour 10 000 habitants) en raison de la forte concentration des infractions liées à des exploitations minières illégales. Les côtes atlantique et méditerranéenne concentrent les taux d’infractions liées aux forêts (exploitation forestière illégale et non-respect des règles de prévention des incendies) pour 100 km² de surface forestière les plus élevés. S’agissant des seuls délits environnementaux enregistrés en 2021, près de la moitié des plaignants sont des personnes morales, quelle que soit la catégorie d’atteinte considérée sauf les actes visant les animaux (3 plaignants sur 5) pour lesquels un quart seulement le sont. A l’inverse, moins de 10 % des mis en cause par la police ou la gendarmerie sont des personnes morales et parmi les personnes physiques mises en cause, il s’agit quasi-exclusivement (86 %) d’hommes et plus de la moitié a entre 30 et 59 ans.

Vers une politique pénale environnementale

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le 22 novembre 2020, le garde des Sceaux, Eric Dupont Moretti et la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, ont annoncé la création de deux délits : le délit général de pollution et le délit de mise en danger de l’environnement. Ainsi les ministres de la Transition écologique et de la Justice préfèrent-ils à un crime d’écocide – comme l’avait prôné la convention citoyenne pour le climat – deux délits en la matière. Le délit d’écocide (selon l’expression désormais consacrée) permettra de sanctionner les atteintes effectives et graves à l’environnement. Les peines encourues, modulées en fonction de l’intentionnalité de l’auteur, iront de trois à dix ans d’emprisonnement selon qu’il s’agit d’une infraction d’imprudence ou d’une infraction intentionnelle. Les amendes, quant à elles, seront pour le moins dissuasives afin que le contrevenant soit assuré de ne pas pouvoir tirer bénéficier de son délit : de 375 000 € à 4,5 millions d’euros. Parallèlement, un autre délit devrait être créé : le délit de mise en danger de l’environnement. Ceci afin de sanctionner les pollutions qui, bien que non réalisées, seraient rendues possibles du fait de la violation délibérée d’une obligation. La peine encourue serait alors d’un an de prison et de 100 000 euros d’amende. Enfin, pour assurer la poursuite de ces nouveaux délits, seront mis en place, dans le ressort de chaque cour d’appel, des juridictions spécialisées de l’environnement. On le voit les bases d’une politique pénale sont ainsi posées avec des incriminations générales et des juges pour les sanctionner… Mais attention à la démagogie ambiante du tout répressif et à la création de monstres juridiques dont on ne perçoit pas bien les effets… le maquis des polices environnementales recèle une réglementation foisonnante de plus en plus complexe et incohérente, là où la sanction pénale exige un comportement délictueux sinon évident du moins facile à prouver. Pour avoir expérimenté pendant une vingtaine d’années l’arbitraire des sanctions administratives en matière d’installations classées (dont le modèle a servi finalement de matrice à tout le code de l’environnement) et bataillé contre elle sans relâche devant le juge administratif, nous sommes il est vrai quelque peu effrayés par la pénalisation qui se prépare… Se pose inévitablement la question des moyens. Il ne suffira de doter la magistrature de juges verts, il leur faudra encore et surtout maîtriser le droit public de l’environnement et accepter de penser leur office pour l’articuler avec les sanctions administratives, qui constituent aujourd’hui la vraie pierre angulaire du droit environnemental répressif. Et surtout, il faudra qu’une expertise judiciaire environnementale digne de ce nom vienne épauler nos juges si on ne veut pas que la machine pénale sombre dans l’arbitraire scientifique. Ne manque plus que la volonté de poursuivre. Mais là encore il faudra raison gardée…. A trop poursuivre ceux qui font et entreprennent mais prennent le risque de polluer, on s’expose aux sirènes d’un retour à la nature vierge … Il suffit d’avoir été auditionné par la très jeune police de l’OFB pour comprendre combien par exemple cette Inspection de l’environnement instruit pour imposer de nouvelles pratiques, quitte à nier l’activité économique. Nous sommes à l’aube de la grande simplification du droit de l’environnement qui exige que l’homme soit symboliquement puni. La nouvelle politique pénale devra trouver sur sa route des avocats qui ne peuvent pas se contenter de l’applaudir des deux mains en prenant le risque de se déconnecter de toute réalité sociale. Il nous appartiendra aussi de raisonner le verdissement des poursuites, pour rappeler les liens ontologiques existants entre l’homme et la nature. L’environnement est une notion complexe, objet de luttes de définition … la politique pénale veut y contribuer ; certes, mais accordons une vraie défense pénale à ceux qui vont bientôt être sommés d’expier leurs emprunte écologique.

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