OGM: vers une transposition de la directive 2001/18/CE par voie d’ordonnance !

Ou comment une ordonnance sur les OGM ne porte pas son nom….. Saisissant l’occasion qui lui a été offerte par l’article 256 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement de  prendre, par ordonnance, « toutes mesures pour modifier la partie législative du code de l’environnement afin 1° d’en adapter les dispositions au droit communautaire dans les domaines des espaces naturels, de la faune et de la flore, des milieux marins, de l’air et de l’atmosphère et de la prévention des pollutions et des risques, notamment en matière de déchets », le Gouvernement a adopté un projet d’ordonnance, soumis à consultation du public entre le 25 octobre et le 10 novembre 2011 (ci-dessous téléchargeable), tendant à mettre la législation française en conformité avec la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement. Curieusement, le titre du projet d’ordonnance  (projet d’ordonnance portant diverses dispositions d’adaptation du droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des pollutions et des risques)  ne renseigne aucunement sur le contenu du texte qui est, en fait, relatif aux organismes génétiquement modifiés.  Dès lors, la démarche empruntée par le Gouvernement donne le sentiment que cette nécessaire mais bien tardive transposition de la directive  est réalisée en toute discrétion pour éviter d’ouvrir la porte aux débats parlementaires sur un sujet dont nul n’ignore la sensibilité ! Rappel de l’historique Alors qu’à la suite de l’annulation contentieuse des dispositions réglementaires assurant la transposition de cette directive du fait de leur contrariété avec les articles 7 et 3 de la charte de l’environnement du  1er mars 2005, les pouvoirs publics devaient travailler à l’adoption d’un texte de  loi  avant le 30 juin 2010  tendant à assurer la transposition du texte communautaire (CE, 24 juillet 2009, Comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique, req. n°305314 et n°305315, conclusions Edouard Geffray, RFDA 2009, p. 963 ; note Sophie-Justine Liéber et Damien Botteghi, AJDA 2009, p.1818), le texte législatif en question n’a jamais vu le jour.  Certes, en 2010, un député (Bertrand Plancher) fut missionné pour rédiger un rapport sur la question mais la version finale de ce rapport – sur la base duquel le texte de loi devait être rédigé – n’a pas été publiée !  Aussi, depuis le 30 juin 2010, l’Etat français  ne respecte pas les exigences posées dans la directive 2001/18/CE dont le délai de transposition expirait le 17 octobre 2002. Suite aux procédures en manquement engagées contre la France en raison du retard accusé dans la transposition de cette directive (CJCE, 15 juillet 2004, aff. C-419/03 et CJCE, 9 décembre 2008, C-121/07), le Gouvernement a adopté deux décrets n° 2007-358 et n° 2007-359 du 19 mars 2007 pour satisfaire aux obligations européennes posées en matière de mise sur le marché de produits non destinés à l’alimentation composés en tout ou partie d’OGM ou encore relatives  à la dissémination à d’autres fins que la mise sur le marché. Or, ces décrets avaient été adoptés sur le fondement de dispositions législatives (la loi n° 92-654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l’utilisation et de la dissémination des organismes génétiquement modifié avait précisé qu’un décret en Conseil d’Etat devait définir les modalités entourant l’information délivrée au public sur les effets de la dissémination) dont le Conseil d’Etat a pu estimer qu’elles avaient été implicitement abrogées par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 (en ces articles 7 et 3).  L’abrogation implicite des dispositions législatives antérieures  Rappelons qu’aux termes de ces articles,  – « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » (art. 7)   – et  que « toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences » (art. 3).  Conséquemment, l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle a induit l’abrogation des dispositions législatives en date de 1992 qui autorisaient le Gouvernement à intervenir en la matière et donc entraîné la compétence exclusive du législateur, notamment pour préciser les conditions et les limites entourant le droit de toute personne à accéder aux informations relatives à l’environnement (CE, 3 octobre 2008, Commune d’Annecy, req. 297931, chronique Edouard Geffray et Sophie-Justine Liéber AJDA 2008, p. 2166 ; CC, décision n°2008-564 DC du 19 juin 2008, loi relative aux organismes génétiquement modifiés, notes Olivier Dord, AJDA 2008, p.1614) ).  Depuis  l’entrée en vigueur de la charte de l’environnement, « une disposition réglementaire ne peut plus intervenir compétemment dans le champ d’application de l’article 7 de la Charte au titre du pouvoir réglementaire autonome, et le pouvoir réglementaire d’application de la loi se trouve lui-même réduit à la portion congrue » (Conclusions du rapporteur public Edouard Geffray sur les affaires n° 305314 et 305315, RFDA 2009, op. cit.).  Quant aux dispositions réglementaires adoptées postérieurement à l’entrée de la Charte et prises sur le fondement de dispositions législatives renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de transposer la directive, elles sont annulées sur le fondement de l’incompétence puisque la Charte a nécessairement abrogé le renvoi législatif ! Toutefois, pour éviter de créer un vide juridique sur la réglementation de l’information et les mesures de prévention entourant les OGM, utilisant sa jurisprudence « Association AC ! » (CE, 11 mai 2004, req. n° 255886), le Conseil d’Etat avait modulé les effets de ses décisions en reportant au 30 juin 2010 l’annulation des dispositions réglementaires  incompétemment  adoptées au regard des nouvelles règles de partage des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire découlant de la Charte de l’environnement. L’adoption d’une ordonnance qui tait son nom Malheureusement, on l’a dit, le texte de loi attendu pour assurer une transposition correcte de la directive n’est jamais intervenu et, depuis la mi-2010, l’état…

Directives ENR et biocarburants: enfin la transposition!

Suite à l’habilitation donnée par l’article 2 de la loi n°2011-12 du 5 janvier 2011 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne, par ordonnance n°2011-1105 du 14 septembre 2011, le Gouvernement français a  transposé certaines des dispositions contenues dans les directives 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et 2009/30/CE du 23 avril 2009 portant sur les spécifications relatives à l’essence, au carburant diesel et aux gazoles. Le  récent code de l’énergie enregistre donc  des modifications  afin de répondre aux objectifs fixés par les textes européens. Tout d’abord, pour mettre le droit français en conformité avec l’article 15 de la directive 2009/28/CE, l’article 1er de l’ordonnance modifie les dispositions du code de l’énergie relatives aux garanties d’origine. Jusqu’à présent partagée entre les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution, la gestion des garanties d’origine de l’électricité produite à partir de sources renouvelables (délivrance, transfert et annulation)  doit être confiée à un opérateur unique qui établit et tient à jour un registre électronique des garanties d’origine accessible au public. Toutefois, jusqu’à la désignation de cet organisme, le gestionnaire du réseau  de transport continue à gérer le système de délivrance et de suivi des garanties d’origine (article 7). A côté du principe d’unicité et d’exclusivité dans la gestion des garanties d’origine (art. L. 314-14 du code de l’énergie),  le code de l’énergie reconnaît également les garanties émises  dans d’autres Etats de l’Union européenne (art. L. 314-15 du code de l’énergie). Parmi les modifications apportées au code de l’énergie, l’article 2 de l’ordonnance du 14 septembre 2011 offre une nouvelle rédaction de l’article  L. 641-6 du code de l’énergie pour préciser que l’Etat crée les conditions permettant de porter la part des énergies renouvelables  dans tous les modes de transport, en 2020, à au moins 10 % de la consommation finale d’énergie dans les transports.  Il s’agit ainsi de répondre à l’objectif  d’utilisation d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique  de 23 % pour la France en 2020, dont 10 % dans le secteur des transports (directive n°2009/28/CE). En outre, il est demandé  aux fournisseurs de carburants de réduire de 10 % au plus tard le 31 décembre 2020 les émissions de gaz à effet de serre et de présenter un rapport annuel  relatif à l’intensité des émissions de gaz à effet de serre des carburants (articles L. 641-7 et L. 641-8 du code de l’énergie). Enfin, de nouveaux articles relatifs aux biocarburants et aux bioliquides sont introduits dans le code de l’énergie.  Il est précisé que seuls les biocarburants et les bioliquides répondant aux « critères de durabilité » (exigences du développement durable) sont pris en compte pour déterminer la contribution des biocarburants et des bioliquides à la réalisation des objectifs nationaux de développement des énergies renouvelables dans le secteur des transports (art. L. 661-2 du code de l’énergie). Définis aux articles L. 661-4 à L. 661-6 du code de l’énergie, les critères de durabilité applicables aux biocarburants et bioliquides s’appuient notamment sur un pourcentage minimal de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 35 % par rapport aux émissions de gaz à effet de serre résultant des carburants et combustibles d’origine fossile – pourcentage porté à 50 % au 1er janvier 2017 – (art. L. 661-4 du code de l’énergie), sachant que  les biocarburants et bioliquides ne peuvent pas être produits à partir de matières premières provenant de terres de grande valeur en termes de biodiversité, de terres présentant un important stock de carbone ou de terres ayant le caractère de tourbières (art. L. 661-5 du code de l’énergie). Quant aux opérateurs qui mettent à la consommation des carburants et combustibles liquides contenant des biocarburants ou bioliquides, ils sont tenus de démontrer que leurs produits satisfont aux critères de durabilité et produisent, à cette effet, des déclarations de durabilité qui sont contrôlées par l’autorité administrative ou la personne désignée à cette fin (art. L. 661-7 et L. 661-8 du code de l’énergie). Patricia DEMAYE-SIMONI Maître de conférences en droit public