Le décret relatif au fonds de solidarité Covid-19 pour les entreprises

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) A la suite de la fermeture de plusieurs entreprises dans le cadre du confinement, le gouvernement a dû prendre des mesures afin de venir en aide notamment aux PME et TPE. Un décret n°2020-371 a été pris le 30 mars 2020 à la suite d’une ordonnance n°220-317 en date du 25 mars 2020, portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises. Cette dernière avait organisé les modalités de son financement par l’État et les collectivités territoriales volontaires, notamment les régions, les collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie. Ainsi quelles seront les entreprises bénéficiaires des indemnités, sous quelles formes et quelles montants? Enfin comment ce fonds sera géré et quelles seront les modalités afin d’en bénéficier ? Le décret fixe le champ d’application du dispositif, les conditions d’éligibilité et d’attribution des aides, leur montant ainsi que les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds. La création de ce fonds a pour but le reversement d’une aide financière sous la forme d’une subvention (I) avec des modalités d’attribution spécifiques (II). I/ L’attribution d’une aide financière sous forme de subvention Deux types d’aides financières ont été mise en place une principale (I.1.) et une complémentaire (II.2.) avec une gestion et des finalités différentes. I.1. Une aide financière principale En effet, ces  aides prendront la forme de subventions. Elles ne seront versées aux entreprises qui ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public entre le 1er et le 31 mars 2020 ou ont subi une perte du chiffre d’affaire de 70 % durant cette même période par rapport à l’année précédente. Il s’agit du même pourcentage utilisé comme critère dans la suspension des loyers. Pour les jeunes entreprises cette baisse sera prise en compte par rapport au chiffre d’affaire entre sa création et le 29 février 2020. Concernant les sommes reversées, il faut différencier deux cas :lorsqu’elles ont subi une perte du chiffre d’affaire supérieur ou égal à 1500 euros, l’indemnité sera d’un montant forfaitaire de 1500 euros. lorsque la perte est inférieure l’indemnité sera proportionnelle à cette perte. La perte du chiffre d’affaires est définie par des critères restrictifs. Il s’agit de la différence entre le chiffre d’affaire durant le 1er mars au 31 mars 2020 et : le chiffre d’affaire durant la même période de l’année pour les jeunes entreprises celui entre leur création et le 29 février 2020 ou pour les personnes physiques ayant bénéficié d’un congé maladie, accident du travail ou maternité durant la période du 1er au 31 mars 2020 ou les personnes morales dont le dirigeant a bénéficié d’un tel congé pendant cette période, le chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre le 1er avril 2019 et le 29 février 2020. Par conséquent, le but de cette aide est de compenser la baisse du chiffre d’affaire due  au confinement et aux diverses mesures de prévention. Sa gestion sera confiée au Directeur des finances publiques. Son rôle consistera en l’ordonnancement de l’aide ainsi que le contrôle de l’exactitude des informations transmises dans le cadre de la procédure décrite ci-après. I.2. Une aide financière complémentaire En plus de l’aide principale, une aide complémentaire d’un montant forfaitaire de 2 000 euros  sera attribuées selon là aussi des conditions restrictives : aux entreprises respectant les critères généraux détaillés plus tar lorsqu’elles emploient une personne en CDD ou CDI à compter du 1er mars 2020. lorsqu’elles ne peuvent régler leurs dettes dans les 30 jours suivants Leur demande d’un prêt de trésorerie postérieur au 1er mars 2020 a été refusé Nous pouvons déduire du dernier critère que cette indemnité vise à compenser le refus d’un prêt bancaire  pour ces entreprises et donc de pallier au manque de trésorerie. L’aide complémentaire sera elle gérée par les préfets. II/ Les modalités d’attribution Ces modalités consistent à la définition restreintes des entreprises bénéficiaires (II.1.) ainsi qu’à des procédures spécifiques en fonction de l’aide demandée. (II.2.) Les entreprises bénéficiaires De manière générale, ces aides seront à destination aussi bien des personnes physiques que des personnes morales de droit privé. De même, aux critères exigés ci-dessus s’ajoutent des critères généraux dans la sélection des entreprises bénéficiaires. Ainsi sont concernées par ce fonds de solidarité : ont débuté leur activité avant ler février 2020 n’ont pas déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020 d’un effectif inférieur ou égal à 10 salariés le montant de leur chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 1 million d’euros le bénéfice imposable n’excède pas 60 000 euros (augmenté des sommes versées au dirigeant) et pour celles dont l’exercice n’est pas clos 83 333 euros entre la date de création et le 29 février 2020. les personnes physiques ou les personnes morales, leur dirigeant majoritaires ne sont pas titulaires au 1er mars 2020 d’un contrat de travail à temps complet ou d’une pension de vieillesse et n’ont pas bénéficié entre 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d’indemnités journalières de 800 euros. Ne sont pas contrôlées par une société commerciale au sens de l’article L233-3 du code de commerce Dans le cas contraire que les seuils des effectifs salariés, du montant du chiffre d’affaires et le bénéfice ne soient pas dépassés. Des modalités concernent Wallis-et-Futuna notamment afin d’adapter les montants à la devise locale. Ces différents critères sont partie identiques à ceux exigés dans le cas de la suspension des loyers et des factures d’eau, de gaz et d’électricité. Ainsi les entreprises éligibles à la suspension des loyers auraient de fortes chances d’êtres éligibles à l’aide financière. La procédure de candidature La procédure de candidature diffère selon qu’il s’agit de l’aide principale ou de l’aide complémentaire. L’aide principale se fait par voie dématérialisée au plus tard le 20 avril 2020. Néanmoins, aucun site n’a été indiqué à ce jour ni dans le décret ni dans quelques déclarations que ce soient. Étant donné que la gestion a été confiée à la Direction des finances publiques, nous pourrions supposer une déclaration en ligne…

La suspension des loyers commerciaux en plein confinement

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) A la suite du confinement annoncé le 16 mars dernier, de nombreuses entreprises ont dû fermer leurs portes. Les conséquences économiques et financières seront à la mesure de la durée du confinement. La loi d’urgence contre le coronavirus a été adopté. Son article 11 relatif à la suspension des loyers commerciaux permet au Gouvernement de prendre des mesures afin « de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises, au sens du décret no 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie ». L’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 est parue au Journal officiel de ce jour (JORF n°0074 du 26 mars 2020 – texte n° 37). Aux termes de l’article 4 de l’ordonnance suspendent en ces termes les obligations de paiement de certains loyers et chargés afférentes à ces contrats :  «  Les personnes mentionnées à l’article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce. Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée ». Si le mécanisme est étendu aux charges locatives (art. 4 de l’ordonnance n°2020-317), on doit encore souligner que le dispositif ne semble pas couvrir expressément les redevances d‘occupation dues en vertu de conventions d’occupation du domaine public Le texte se contente par ailleurs d’indiquer que le non-paiement des échéances de loyers commerciaux, par les personnes éligibles au fonds de solidarité, durant l’état d’urgence sanitaire et jusqu’à deux mois après le terme de celui-ci, n’est pas susceptible de sanction financière. Mais une incertitude demeure : les échéances sont-elles annulées ou reportées et dans ce cas ? A tout le moins on peut considérer que le règlement des échéances est suspendu dès lors que l’obligation de paiement n’est plus juridiquement sanctionnée. En revanche si les entreprises ne sont sans doute pas dispensées du paiement de leurs loyers, elles sont assurément protégées des effets d’une clause résolutoire et/ou de pénalités courus durant la période de confinement : “Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er. Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme. Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l’article 1er” (art. 4 ord. n° 2020-306 du 25 mars 2020). C’est l’article 1er de la même ordonnance qui fixe son champ d’application personae :  « Peuvent bénéficier des dispositions des articles 2 à 4 les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 susvisée. Celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d’une attestation de l’un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure. Les critères d’éligibilité aux dispositions mentionnées ci-dessus sont précisés par décret, lequel détermine notamment les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la crise sanitaire ». Le champ d’application nécessite un décret d’application, finalement intervenu : c’est le décret du 31 mars 2020 dont il convient de faire une lecture combinée avec celui qui fixe les conditions d’éligibilité des entreprises, à savoir le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. Finalement aux termes des décrets des 30 et 31 mars 2020, sont éligibles au fonds de solidarité créé par l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020, toutes les petites entreprises, en ce compris les indépendants et les professions libérales qui remplissent les conditions cumulatives suivantes : -Ont moins de 10 salariés, -Réalisent un chiffre d’affaire inférieur à un million d’euros et présente un bénéfice imposable inférieur à 60.000 euros -Subissent une fermeture administrative ou qui auront connu une perte de chiffre d’affaires de plus de 70% au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019. Plus clairement que pour les loyers et les charges l’article 3 de l’ordonnance 2020-316 du 25 mars 2020, statuant sur l’exigibilité des factures d’eau, de gaz et d’électricité durant la même période, prévoit expressément que : « Le paiement des créances dues à ces échéances ainsi reportées est réparti de manière égale sur les échéances…