Réforme du droit des contrats : quels impacts pour les projets liés au droit de l’environnement ?

Par Graziella DODE, Elève-avocat (Master 2 Droit de l’environnement, de la sécurité et de la qualité des entreprises, Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines; Master 2 Droit des affaires, Université de Nantes) Issue d’un processus de longue haleine, l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a été publiée au Journal Officiel du 11 février 2016. Elle entrera en vigueur le 1er octobre 2016. Précisions d’emblée que les contrats conclus antérieurement demeureront soumis à la loi en vigueur au jour de leur conclusion (sauf exceptions listées à l’article 9 de l’ordonnance, telles que les actions interrogatoires, qui seront applicables dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance), et que les actions introduites en justice introduites avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance seront poursuivies et jugées conformément à la loi ancienne. Tous les projets qui requièrent la conclusion d’un contrat, et plus largement la mise en œuvre de relations contractuelles, seront concernés par la réforme. D’un point de vue environnemental, sans être exhaustif, il pourrait s’agir des projets suivants : Les projets de parcs éoliens, de centrales solaires et de méthanisation : promesses de vente, promesses de bail, contrats de vente. Les contrats d’installations de centrales, les contrats de fourniture et de maintenance. Les cessions de sites et les transmissions d’entreprises soumises ou non à la législation ICPE : négociation et conclusion de contrats de cessions d’actifs (SPA, GAP, EPC, AMO…) Tout autre type d’accord faisant l’objet d’un contrat : accords de confidentialité, conventions de prestations de services, contrait de partenariat… La visibilité, l’accessibilité, la modernisation, la sécurité juridique et l’attractivité sont les objectifs de cette réforme dont voici les principaux apports. Dispositions préliminaires Le plan du livre III du Code civil est remanié, les titres III à IV bis modifiés et restructurés. Il s’agit d’une codification à droit constant de la jurisprudence, et de la pratique, de sorte que les dispositions entérinées sont déjà bien connues des praticiens et des opérateurs économiques. Pas de changements majeurs donc, même si la codification est d’une ampleur certaine car le droit commun des contrats n’avait pas été modifié depuis la création du Code civil en 1804. Une nouvelle définition du contrat Le nouvel article 1101 définit le contrat comme « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations », abandonnant ainsi les notions d’obligations de faire, de ne pas faire et de donner. Consécration des principes de liberté contractuelle, de force obligatoire du contrat et de bonne foi Selon le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance, les articles 1102 à 1104 consacrant ces principes expriment des règles générales qui innervent la matière afin de faciliter l’interprétation de l’ensemble des règles applicables au contrat et, au besoin, d’en combler les lacunes. S’agissant de la bonne foi, le célèbre article 1134 du Code civil se retrouve divisé entre les articles 1103 et 1104. La bonne foi doit désormais être respectée à tous les stades de la vie du contrat, y compris au moment des négociations et de la formation du contrat. Il s’agit d’une disposition d’ordre public à laquelle les parties devront impérativement veiller tout au long de leurs relations contractuelles. A défaut, tant que le contrat n’est pas conclu, elles risquent l’engagement de leur responsabilité délictuelle, et donc le paiement de dommages-intérêts (voir par ex. Civ. 1ère, 15 mars 2005, n° 01-13.018). Après la conclusion du contrat, les parties risquent l’engagement de leur responsabilité contractuelle. Pour rappel, le devoir de bonne foi implique notamment un comportement loyal et une coopération entre les parties. Cela peut être le respect de la confidentialité d’un projet au stade des pourparlers ou un comportement loyal au cours de l’exécution du contrat. Par exemple, ne constituerait pas un tel comportement celui d’une partie à un contrat prévoyant la création d’un parc éolien qui développerait en parallèle un projet concurrent. La formation du contrat (conclusion, validité, contenu et sanctions) La conclusion du contrat Engagement de la responsabilité de l’auteur d’une faute dans l’initiative, le déroulement et la rupture des pourparlers  Cette responsabilité sera en principe de nature extracontractuelle, sauf aménagement conventionnel, précise le rapport relatif à l’ordonnance. L’article 1112 ajoute que la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu. Affirmation d’une obligation générale d’information L’obligation d’information, corollaire de la bonne foi, est érigée en règle générale du droit des contrats          (art. 1112-1). Il s’agit d’une « exigence de transparence qui oblige chacun des négociateurs à informer l’autre de tous les éléments propres à l’éclairer dans sa prise de décision » (D. Mazeaud, Mystères et paradoxes de la période précontractuelle, in Mélanges J. Ghestin, 2001, LGDJ, p. 637, spéc. P. 642), telle que la viabilité de l’opération envisagée (en revanche le devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation). La dissimulation intentionnelle d’une telle information sera constitutive d’un dol susceptible d’entraîner la nullité du contrat et le paiement de dommages-intérêts. Cette obligation n’est pas sans rappeler l’information due par le vendeur d’un terrain ayant été occupé par une installation classée ou une mine (art. 514-20 du code de l’environnement, art. L. 125-5-IV du code de l’environnement, art. L. 154-2 du code minier). Consécration du régime de l’offre L’article 1133 définit la formation du contrat par la rencontre d’une offre et d’une acceptation. L’offre ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable (art. 1116). Par ailleurs, il est désormais affirmé que l’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable. Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur (art. 1117). Il est enfin acquis que le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant (théorie de la réception, art. 1121). Consécration du régime du pacte de préférence L’ordonnance définit le pacte de préférence (art. 1123) et prévoit les…

Eau: condamnation d’un distributeur d’eau pour coupure d’eau illégale (TI Soissons, 25 sept.2014)

Par une ordonnance de référé en date du 25 septembre 2014, le tribunal d’instance de SOISSONS a condamné un distributeur d’eau pour coupure d’eau illégale à une famille dans l’incapacité de payer ses factures (ici disponible: jugement TI SOISSONS 25.09.14). En l’espèce, le distributeur d’eau avait coupé entre le 28 juillet et le 15 septembre l’alimentation en eau d’une famille en grande difficulté financière qui était dans l’incapacité de payer ses factures. Rappelons que l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles prévoit : « Dans les conditions fixées par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement. En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie, d’eau ainsi que d’un service téléphonique restreint est maintenue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide ». Dans le cadre du litige qui lui était soumis, la tribunal d’instance de SOISSONS fait application de cette disposition et condamne le distributeur d’eau: « Selon l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la Loi n°2013-312 du 15 avril 2013 «  En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie, d’eau ainsi que d’un service téléphonique restreint est maintenue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide  auprès de la collectivité par cette personne ». Il découle de ce texte qu’un client d’un distributeur d’eau, qui est de bonne foi, mais qui, compte-tenu de l’existence d’une situation financière très obérée, est en retard dans le règlement de ses factures, a, en vertu de son droit fondamental à l’eau, le droit d’obtenir une aide de la collectivité publique pour disposer du maintien de la fourniture d’eau dans sa résidence principale, ou, à défaut, le droit de réclamer un plan d’apurement de sa dette auprès de son fournisseur, qui ne peut pas interrompre la fourniture d’eau si cet usager respecte les modalités de paiement de celle-ci qui ont été convenues entre les parties. (…) En l’espèce, la bonne foi de Madame Fabienne M… épouse D….est présumée. La L…. n’allègue ni ne prouve aucun élément qui serait susceptible d’établir sa mauvaise foi, concernant sa réelle volonté de s’acquitter du règlement de ses factures d’eau, alors qu’il résulte des termes d’un courrier en date du 18 septembre 2014, émanant de la Société S…, adressé à Madame Fabienne M….épouse D…., que cette dernière a versé 2 acomptes d’un montant de 30,00 €, le 20 août 2014, et de 50,00 € le 08 septembre 2014, conformément à l’échéancier convenu entre les parties ». En condamnant le distributeur d’eau, le tribunal d’instance souligne le droit fondamental de toute personne à l’eau. L’ordonnance rendue par la juridiction civile est l’occasion de mettre en lumière l’application des dispositions de l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles. On retiendra de cette disposition: Que toute personne, en cas de non-paiement de ses factures d’eau consécutives à des difficultés financières à le droit d’obtenir de l’aide de la collectivité publique pour disposer du maintien de la fourniture d’eau et le distributeur doit dès lors maintenir son service. A défaut, toute personne a le droit de réclamer un plan d’apurement de sa dette auprès du fournisseur qui ne peut alors interrompre la fourniture en cas de respect des modalités de règlement convenus entre les parties. En tout état de cause, la juridiction saisie d’un litige appréciera la bonne foi du particulier qui est présumée mais peut être combattue par le distributeur. Notons que l’article L115-3 du code de l’action sociale et des familles s’applique à l’ensemble des distributeurs de fourniture d’eau mais également aux distributeurs d’énergie et de services téléphoniques. Compte-tenu des difficultés financières de nombreuses familles, il est fort à parier que les tribunaux seront de plus en plus sollicités au visa de cette disposition comme le démontrera également le futur jugement rendu par le tribunal d’instance de BOURGES dans un litige identique au présent litige concernant un autre distributeur et dont le délibéré est attendu le 12 novembre prochain…. Affaire à suivre. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat