Toujours un temps d’avance …

Voici un nouvel arrêt (CAA Lyon, 24 avril 2012  n° 10LY02293) très intéressant quant à la compréhension que se fait le juge administratif de la cohabitation des radars météorologiques et des éoliennes. D’abord, on constatera qu’il est intervenu sans aucune expertise judiciaire et avant la récusation  par le Tribunal  administratif d’Amiens du même expertqui s’était prononcé sur le sujet pour la Cour administrative de Douai. Et on regrettera que la juridiction lyonnaise  se soit crue armée pour trancher elle-même le débat engagé par un opérateur sur la zone d’impact Doppler maximale. Mais surtout cet arrêt demeure sans doute le seul à cette date à se prononcer aussi nettement sur la question des enjeux  de sécurité civile d’une éventuelle perturbation de la veille météorologiques en partant des données concrêtes du territoire. Or à notre sens cette question doit être impérativement posée et ne recevra pas partout la même réponse – même si on a le sentiment que l’argument a ici été un peu gâché. Tout sera affaire d’espèce … Abbeville ou Avesne-sur-helpes ne recoupent certrainement pas les enjeux ici retenus par le juge. On sait ainsi que Météo-France a pu justifier ses avis défavorables dans des procédures de permis de construire éoliens, sollicitées très au nord de la France,  au nom des phénomènes  pluvieux de type cévenols… Dans la même veine Météo-France peut soutenir que les éoliennes l’empêchent de prévenir les populations des tornades … Mais leur alerte est-elle réellement opérationnelle ? Météo-France nous dit encore être empêché de suivre les nuages toxiques … Mais les éoliennes ne s’arrêtent-elles pas ? Il n’est pas question d’opposer la vocation des éoliennes à prévenir les maux que Météo-France se contente au mieux de prédire (quand l’alerte est possible mais si météo-France a pour slogan le temps d’avance !) mais d’exiger que dans ce débat que la sécurité civile ne soit plus convoquée par Météo-France pour protéger pour lui-même le réseau radars … Gageons que si le juge administratif semble hésitant, bien que saisi par des opérateurs requérants qui ressemble un peu à une armée mexicaine il contribue progressivement à s’approcher de ce qu’exigera ici l’Etat de droit : la censure de la motivation alibi.

Des précisions quant au contenu du DPE pour les centres commerciaux

L’arrêté du 18 avril 2012 relatif au diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les centres commerciaux existants proposés à la vente ou à la location en France métropolitaine publié au JO le 28 avril dernier apporte des précisions bienvenues quant au diagnostic par les articles R. 134-1 à 5 du Code de la Construction et de l’Habitation. Il vient définir le contenu du modèle proposé pour la réalisation du diagnostic de performance énergétique, à l’instar des 2 arrêtés du 8 février 2012 relatifs au DPE pour les bâtiments existants proposés à la vente ou à la location s’agissant des maisons individuelles. Cet encadrement de la méthodologie participe de l’objectif tenant à l’amélioration de la fiabilité du DPE que c’est fixé le Gouvernement et dont se fait l’échos le site du Ministère de l’écologie.

Eoliennes : mitage vous avez dit mitage ?

Voici un jugement TA Lille – 120412 – 0901813 qui explicite très nettement l’idée que les éoliennes, en tant que constructions soumises à permis de construire, mitent le paysage. C’est là une thèse qui peut se comprendre mais dont nous ne partageons pas les présupposés et qui mérite d’être débattue en doctrine. Certes l’éolienne est incontestablement tenue pour une construction en jurisprudence administrative, comme le démontre la lecture que font les juridictions des lois montagne et littoral (cf. CE, 16 juin 2010, Leloustre, aff. 311840 – Dominique GUIHAL, RJEP, n° 682, janvier 2011, commentaire n° 4 ; Jean-Luc PISSALOUX, revue Lamy des collectivités territoriales n° 63, 12/2010 ; Charles- André DUBREIL, DA, n° 11, novembre 2010, commentaire n° 151 ; Jean-Luc MAILLOT, La semaine juridique Administrations et collectivités territoriales n° 44, novembre 2010 ; I. MICHALLET, AJDA 2010, p. 1892. Cf également CAA Nantes, 28 janvier 2011, n° 08NT01037, note L. Bordereaux, Environnement n° 5, p. 27 – B. Baut-Ferrarese, « L’opposabilité de la loi littorale à l’implantation d’éoliennes », la Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 13/2011, 2120). L’on reste pour notre part extrêmement réservé sur l’idée d’un mitage éolien du paysage. Car une éolienne n’est pas un lieu de vie ni d’ailleurs d’activité, contrairement aux habitations et autres installations commerciales, industrielles ou artisanales. Intellectuellement du moins peut-on adopter ce point de vue critique sur l’arrêt pour reprocher aux conseillers d’Etat d’entretenir la fausse idée d’un mitage éolien d’un paysage participant du mythe de la nature vierge ! Sur cette question on incite les juristes à accepter de se plonger dans la sociologie du droit et en particulier la fameuse introduction de l’Eco-pouvoir de Pierre Lascoume ou les conceptions absolues de la nature objet ou sujet explicitées par François Ost dans sa Nature hors la loi. Reste que le droit positif jurisprudentiel est ce qu’il est. Pour les membres du Palais Royal, l’éolienne est une « construction » ayant un effet mitant. Le Tribunal administratif de Lille avec l’espèce rapportée suit cette option de la Haute juridiction. Il faut néanmoins prendre toute la mesure du résultat auquel conduit cette lecture de l’article R.111-21 du code de l’urbanisme : ici on accorde au final une protection au paysage pauvre (d’ailleurs le Tribunal lui-même relève lui que les machines « s’incrivent dans un paysage d’openfield très ouvert, mais dépourvu de caractère particulier) contre « l’isolement » des éoliennes, ce qui contredit la démarche classique du Conseil d’Etat qui consiste aussi à caractériser la typicité du paysage avant de censurer les atteintes qui y sont portées (CE, 28 novembre 2007, « SA Jeumont », N° 279076). Et les juridictions du fond nous avaient habitué à respecter cette méthodologie du Cosneil d’Etat (cf. D. Deharbe, « Les représentations imagées du paysage devant le juge administratif  – l’exemple du contentieux éolien « , in Images et environnement, Colloque Toulouse, LGDJ, 2012).  Et certains pourront même considérer que le raisonnement du Tribunal parvient à ce résultat un peu bobo … l’on protège juridiquement le regard que l’on porte sur nos champs tout en acceptant au demeurant une surexploitation des sols et une expositions quantitative et qualitative de la ressource en eau. Ainsi l’éolienne aurait pour défaut d’être visible en territoire ouvert … la palisse aurait aussi ajouté qu’en paysage pauvre cela est parfaitement acceptable surtout si l’on retient une lecture intégrée de l’article R. 111-21 qui prend en compte la contribution des éoliennes à la politique climatique devenue un des objectifs du code de l’urbanisme (cf. art. L 1110).  Le Tribunal ne l’a pas compris ainsi, s’arrêtéant in fine à l’idée que l’éolienne a un effet de mitage quelle que soit lla qualité du paysage. Mais rien n’empêche de soutenir le contraire devant les autres juridictions du fond pour essayer d’inverser cette tendance …  

Energie: vers des lettres de cachet contre les opérateurs photovoltaïques ?

[dropcap]L[/dropcap]a publication au Journal officiel d’hier d’un décret limitant le montant de l’indemnisation due par les gestionnaires de réseau de distribution d’électricité a pu faire croire à une partie de la filière photovoltaïque qu’un nouvel obstacle venait d’être dressé contre la possibilité de faire valoir ses droits (Décret n° 2012-38 du 10 janvier 2012 fixant le barème des indemnités dues en cas de dépassement des délais d’envoi de la convention de raccordement ou de réalisation du raccordement des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable d’une puissance inférieure ou égale à trois kilovoltampères ). Cependant, s’il fait incontestablement penser à une réduction supplémentaire du sentiment d’Etat de droit (1), il faut en relativiser juridiquement la portée (2). 1) Un sentiment d’affaiblissement de l’Etat de droit Indéniablement, les opérateurs photovoltaïques auront été déçus par l’Etat de droit, trompés par le Ministère de l’Ecologie et le Gouvernement et sacrifiés par la perception à court terme que se fait le Conseil d’Etat de l’intérêt général (ordonnance de référé du 28 janvier 2011 et arrêt « ciel et terre » du 18 novembre 2011). Le décret ci-dessous téléchargeable leur donnera probablement le sentiment d’un retour à l’Ancien régime et au règne de l’arbitraire. Ce décret_n°2011-2020_du_29_décembre_2011 établit un barème dérisoire des préjudices causés aux producteurs d’installations photovoltaïques d’une « puissance installée » de 3kVA par l’envoi tardif des conventions de raccordement par les gestionnaires de réseau d’électricité, et par le raccordement pouvant lui-même être tardif. Après avoir malmené le principe de non rétroactivité (dont il avait pourtant été mis en garde par plusieurs parlements: voir les débats parlementaires de la Loi Grenelle II, et notamment les discussion en Commission des Affaires économqiues sur l’article 33 du texte devant l’Assrbmlée Nationale…devenu l’article 88), le Gouvernement et sa Ministre de l’Environnement sacrifient celui de la réparation du sur l’autel des besoins de financement du tout nucléaire. 2) Une portée du barème à relativiser Cependant, à bien lire le décret, qui revient finalement à un décret d’application de l’article 88 V de la Loi Grenelle II codifié à l’article L342-3 du Code de l’énergie, il convient de voir qu’il n’a pour objet – que de garantir légalement une indemnisation minimale – aux producteurs d’une installation de moins de 3kVA. Il serait erroné d’y voir là l’exclusion légale ou réglementaire du régime d’inmnisation de droit commun pour les installations d’une puissance supérieure: cela ne ressort ni directement du texte, ni indirectement des débats parlementaires. Et s’agissant d’un exception, elle s’interprète strictement. En tout état de cause, certains avaient fort heureusement anticipé ce type de manoeuvre et pourront se contenter d’arguer de l’antériorité de leur recours juridictionnel contre le gestionnaire … ils ne seront pas privés du procès en réparation auquel ils pouvaient légitiment prétendre à moins que le Gouvernement entende méconnaître (comme il l’a déjà fait pour le même article 88 de la loi grenelle II, mais en son III° : TC, 13 décembre 2010, « Green Yellow) le droit à un procès équitable garanti par l’article 6,§1 de la CEDH. Rappelons en effet que le gestionnaire a des obligations dont le non respect est d’ores et déjà reconnu (voir les décisions du CoRDIS du cabinet commentées ici) Pour les attentistes, l’exception d’illégalité voire d’inconstitutionnalité du décret, si tant est que le gestionnaire entende l’invoquer au contentieux, sera indispensable avec les aléas que l’on sait. David DEHARBE Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat

Electricité: les nouveaux dispositifs de comptage LINKY précisés

Un arrêté qui ne porte pas son nom:  Il faut noter la publication au JO de ce jour de l’Arrêté du 4 janvier 2012 modifiant les dispositifs de comptage sur les réseaux d’électricité (Arrêté pris en application de l’article 4 du décret n° 2010-1022 du 31 août 2010 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics d’électricité, JORF n°0008 du 10 janvier 2012 page 468, texte n° 31).  Il y est précisé que les modifications concernent trois domaines:  1° Les fonctionnalités des dispositifs de comptage aux différents 2° Les conditions d’interopérabilité des dispositifs de comptage déployés sur le territoire ; 3° Les modifications à apporter aux documentations techniques de référence des gestionnaires Bien que l’arrêté ne le mentionne pas explicitement, il s’agit là d’une généralisation du nouveau dispositif de comptage LINKY. En effet, l’arrêté est pris en application du décret du 31 août 2010 (Décret n° 2010-1022 du 31 août 2010 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics d’électricité en application du IV de l’article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité ) qui prévoit quant à lui que: « Pour l’application des dispositions du IV de l’article 4 de la loi du 10 février 2000 susvisée et en vue d’une meilleure utilisation des réseaux publics d’électricité, les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d’électricité mettent en oeuvre des dispositifs de comptage permettant aux utilisateurs d’accéder aux données relatives à leur production ou leur consommation et aux tiers autorisés par les utilisateurs à celles concernant leurs clients. Les dispositifs de comptage doivent comporter un traitement des données enregistrées permettant leur mise à disposition au moins quotidienne. Les utilisateurs des réseaux et les tiers autorisés par les utilisateurs y ont accès dans des conditions transparentes, non discriminatoires, adaptées à leurs besoins respectifs et sous réserve des règles de confidentialité définies par le décret du 16 juillet 2001 susvisé. Les résultats de l’expérimentation Bien que l’arrêté est pris au visa d’une « proposition » de la CRE de juillet 2011, modifiée en novembre, il s’agit en réalité d’une délibération de la CRE accessible sur le site (Délibération de la CRE du 7 juillet 2011 portant communication sur les résultats de l’expérimentation d’ERDF relative au dispositif de comptage évolué Linky) qui précise justement que : « Le projet d’ERDF s’inscrit dans le cadre de l’article 4-IV de la loi du 10 février 2000, récemment codifié à l’article L. 341-4 du code de l’énergie, qui précise que les dispositifs de comptage mis en oeuvre par les gestionnaires de réseaux de distribution doivent permettre aux fournisseurs de « proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l’année ou de la journée et incitant les utilisateurs de réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée «  Une mise en oeuvre imparfaite Les critiques à l’encontre de ce nouveau dispositif de comptage doivent être entendues: qu’il s’agisse de l’efficacité alléguée des compteurs pour une meilleur maîtrise des consommations, que de son coût sur le long terme. Il est patent à cet égard de constater le fossé existant entre l’évaluation du cabinet mandaté par la CRE (3,8 milliards d’euros) et celui d’ERDf (4,3 milliards d’euros). Certes, la transposition de la directive communautaire (Directive 2006/32/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques et abrogeant la directive 93/76/CEE) doit effectivement être faite. Mais il reste que les économies d’énergie qui motivent officiellement ce nouveau compteur ne doit pas conduire à une augmentation indue de la facture d’électricité ni à une opacité des informations recueillies.