Parc éolien en mer de Dieppe : avis conforme favorable de l’AFB

Par David DEHARBE (Green Law Avocat) et Lucie MARIN (stagiaire, diplômée Master 2 droit de l’environnement Lille 2) Le développement des énergies renouvelables (EnR) répond aux enjeux actuels de développement durable et de transition énergétique. Si l’Union européenne a posé l’objectif d’ici de 2020 d’atteindre 20% de la consommation totale des énergies dans les pays de l’Union européenne issue de sources renouvelables, la France a voulu aller plus loin en se fixant un objectif de 23%. Néanmoins aujourd’hui la France se trouve nettement en dessous de ce chiffre et doit donc multiplier ses efforts en la matière. L’éolien en mer ou éolien offshore apparaît être une bonne solution pour ce faire, puisqu’il produirait jusqu’à deux fois plus d’énergie que l’éolien terrestre en raison de ses mâts plus élevés qui permettent une puissance de vent plus importante et plus régulière.  La société Eoliennes en mer Dieppe-Le Tréport (EMDT) a été désignée lauréate du deuxième appel d’offres éolien offshore de l’Etat en juin 2014. EMDT, dont l’actionnariat est constitué des sociétés ENGIE, EDP Renewables et de la Caisse des Dépôts, a ainsi été sélectionnée pour la construction, l’installation et l’exploitation d’un parc éolien offshore au large de Dieppe et du Tréport en Haute-Normandie. A la suite du débat public organisé en 2015, le maître d’ouvrage a entendu poursuivre son projet qui prévoit l’installation de 62 éoliennes d’une puissance unitaire de 8 MW. Le parc éolien sera situé à 16 km de Dieppe et à 15 km du Tréport, sur une étendue de 91,5 km2. Avec une puissance totale de 496 MW, le parc devrait produire en moyenne 2000 GWh par an, soit la consommation électrique annuelle d’environ 850 000 personnes. Un tel projet permettrait en outre la création de 750 emplois directs. Le parc, dont la construction est prévue entre 2019 et 2021, pour une mise en service en 2021, a cependant rencontré des difficultés, notamment en raison du fait qu’un tiers de son périmètre est situé dans le Parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d’Opale (PNM), qui est sous la compétence de l’Agence française pour la biodiversité (AFB).   Le projet a tout d’abord fait l’objet d’un avis défavorable du Conseil de gestion du PNM avec 34 voix contre, 20 pour et 2 abstentions. Afin de prendre en considération les critiques, EMDT a modifié son projet en conséquence et son budget (de 650 000 euros à 8 millions d’euros). Le projet a dès lors évolué sur les points suivants : La prise en compte des impacts potentiels cumulés avec d’autres projets dans le périmètre du parc ; Les effets des impacts potentiels sur les fonds marins et les espèces y vivant ainsi que sur les dynamiques sédimentaires ; La prise en compte des impacts potentiels sur les oiseaux et les chiroptères en raison du nombre et de la dimension des éoliennes (62 éoliennes de 196m de haut) ; Les impacts potentiels sur les mammifères marins et les espèces halieutiques ; L’effet sur la qualité de l’eau et les sédiments ; L’impact paysager.   Quatre mesures supplémentaires ont en particuliers été retenues : Ne pas faire de battage de pieux dans les zones de travaux pendant les 4 mois de forte présence d’espèces marines, en lien avec leurs périodes de reproduction et de développement ; Rehausser la hauteur de l’éolienne pour réduire les risques de collisions avec l’avifaune ; Augmenter le budget du Groupement d’intérêt scientifique (GIS) qui sera créé pour effectuer des suivis scientifique et technique ; Revoir les anodes sacrificielles qui sont souvent en métaux qui se dissolvent dans l’eau et peuvent être polluants.   Suite à ces importantes modifications, l’AFB a rendu le 20 février 2018 un avis favorable avec réserves, à 25 voix pour, 7 contre et 2 abstentions. Ainsi l’Agence note les « améliorations significatives » qui ont été apportées au projet, notamment concernant la protection du milieu marin. Elle émet tout de même des réserves, qui devront être levées avant la décision d’autorisation administrative ou juste après sa délivrance, s’agissant de : La nécessité de compléter certains suivis pour une amélioration des différents impacts ; La rehausse de plusieurs niveaux d’impacts, notamment pour le déclenchement des mesures Eviter, Réduire, Compenser (ERC) ; La révision de niveaux d’enjeux qui, le cas échéant, peuvent entraîner une révision des niveaux d’impacts. L’AFB a également précisé que l’arrêt des machines devra être envisagé en cas de forte moralité des oiseaux marins ou des chiroptères. Cet avis de l’Agence est un avis conforme : les services de l’Etat devront donc le suivre. C’est pourquoi il ne ne fait pas l’unanimité. Si certains, comme Hervé Morin, Président du conseil régional de Normandie saluent « une excellente nouvelle qui va permettre le développement de la filière française des énergies marines renouvelables », ou comme le conseiller régional écologiste Claude Taleb pour qui c’est « une formidable nouvelle pour la réussite de la transition énergétique et pour l’avenir de la Normandie », d’autres ne l’entendent pas de la même manière. En effet, les pêcheurs et nombre d’élus locaux contestent encore l’emplacement du parc : Nicolas Langlois, maire de Dieppe, regrette le fait « qu’on pourrait avoir le parc éolien et une zone de pêche réservée », de même pour Laurent Jacques, maire du Tréport. En outre le président du PNM, Dominique Godefroy, a annoncé sa démission quelques heures après la communication de l’avis favorable. Mais la modification de cette zone n’est pas chose aisée : cette zone est liée à l’appel d’offres et donc seul l’Etat pourrait la modifier à la suite d’un nouvel appel d’offres, c’est-à-dire d’un nouveau processus long et couteux : c’est ce qu’avait déjà rappelé le ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot en janvier. Un long combat est ainsi encore à prévoir pour l’implantation de ce parc offshore, d’autant que les comités régionaux des pêches de Normandie et des Hauts-de-France envisagent de créer une ZHAD (zone halieutique à défendre). Rappelons juridiquement les étapes à venir pour le parc qui déboucheront sur des autorisations délivrées après enquête publique et qui sont susceptibles de recours devant la Cour administrative d’appel de Nantes, compétente pour en connaître en premier et dernier ressort (cf. art….

Nouvel acteur dans le paysage environnemental : l’Agence française pour la biodiversité voit le jour

Par Graziella Dode, Green Law Avocats Le décret n° 2016-1842 du 26 décembre 2016 relatif à l’Agence française pour la biodiversité, publié au Journal Officiel du 27 décembre 2016, a donné naissance à cette nouvelle institution qui contribue, s’agissant des milieux terrestres, aquatiques et marins : à la préservation, à la gestion et à la restauration de la biodiversité ; au développement des connaissances, ressources, usages et services écosystémiques attachés à la biodiversité ; à la gestion équilibrée et durable des eaux ; à la lutte contre la biopiraterie. Le décret, qui entre en vigueur le 1er janvier 2017, prévoit l’organisation et le fonctionnement de l’AFB, créée par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. L’AFB est un établissement public qui fusionne les établissements publics de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), les Parcs nationaux de France (PNF), l’Agence des aires marines protégées (AAMP) et l’Atelier technique des espaces naturels (ATEN), groupement d’intérêt public. La section 2 relative aux Groupements d’intérêt public dans le domaine de l’environnement du Code de l’environnement (chapitre Ier du titre III du livre Ier) est donc remplacée par les dispositions relatives à l’AFB. Ainsi, parmi les précisions apportées, il peut être relevé que cette établissement comprend 43 membres répartis en 5 collèges comprenant notamment des représentants de l’Etat, des différents ministères, des représentants d’établissements publics nationaux œuvrant dans le champ des compétences de l’Agence, des personnalités qualifiées dans le domaine de la protection de la biodiversité terrestre, marine ou de la ressource en eau et des milieux aquatiques, des représentants des secteurs économiques intéressés par les activités de l’Agence, des représentants d’associations agréées de protection de l’environnement ou d’éducation à l’environnement et de gestionnaires d’espaces naturels, de représentants de collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que des parlementaires. Le conseil d’administration règle les affaires de l’établissement et délibère sur les sujets exposés à l’article R. 131-28-7 du Code de l’environnement (orientations stratégiques, programmes d’activités et d’investissement, rapports, création et gestion d’aires marines protégées, les actions en justice et les transactions, …). « Le conseil d’administration donne en outre son avis sur toute question qui lui est soumise par son président, le directeur général ou le ministre chargé de l’environnement », est-il précisé. Il a donc un rôle consultatif pour le ministre en charge de l’environnement. Le décret apporte ainsi un véritable éclairage sur le rôle de l’AFB, son organisation et son fonctionnement. Pour rappel, l’article L. 131-9 du Code de l’environnement définit les missions de l’Agence, à savoir : « 1° Développement des connaissances en lien avec le monde scientifique et les bases de données déjà existantes dans les institutions productrices de connaissances : a) Mise en place, animation, participation à la collecte des données, pilotage ou coordination technique de systèmes d’information sur la biodiversité, l’eau, les milieux aquatiques, leurs usages et les services publics de distribution d’eau et d’assainissement ; b) Conduite et soutien de programmes d’études et de prospective, contribution à l’identification des besoins de connaissances et d’actions de conservation ou de restauration ; c) Conduite ou soutien de programmes de recherche, en lien avec la Fondation française pour la recherche sur la biodiversité ; 2° Appui technique et administratif : a) Appui technique et expertise, animation et mutualisation des techniques et bonnes pratiques, coordination technique des conservatoires botaniques nationaux ; b) Concours technique et administratif aux autres établissements publics chargés de la gestion de l’eau, de la biodiversité et des espaces naturels, notamment par la création de services communs ; cette création ne peut intervenir qu’à la demande du conseil d’administration de l’établissement public intéressé, statuant à la majorité des deux tiers ; c) Appui technique et expertise aux services de l’Etat, aux collectivités territoriales et aux établissements publics chargés de la gestion de l’eau, de la biodiversité et des espaces naturels dans la mise en œuvre des politiques publiques ; d) Appui technique et expertise aux services de l’Etat, aux collectivités territoriales et aux établissements publics chargés de la gestion de l’eau, de la biodiversité et des espaces naturels pour la mise en œuvre de plans de lutte contre l’introduction et le développement des espèces invasives ; e) Appui technique et expertise auprès des acteurs socio-économiques dans leurs actions en faveur de la biodiversité ; f) Appui au suivi de la mise en œuvre des règlements et directives européens et des conventions internationales, contribution aux comptes rendus qu’ils prévoient et participation et appui aux actions de coopération et aux instances européennes ou internationales, en concertation avec l’Agence française de développement et le Fonds français pour l’environnement mondial ; g) Appui à la préservation des continuités écologiques transfrontalières et aux actions de coopération régionale définies entre la France et les Etats voisins ; 3° Soutien financier : a) Attribution d’aides financières à des projets en faveur de la biodiversité et de la gestion durable et équilibrée de la ressource en eau ; b) Garantie de la solidarité financière entre les bassins hydrographiques, notamment en faveur des bassins de la Corse, des départements d’outre-mer ainsi que des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie ; 4° Formation et communication : a) Participation et appui aux actions de formation, notamment dans le cadre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et de l’enseignement agricole ; b) Structuration des métiers de la biodiversité et des services écologiques ; c) Communication, information et sensibilisation du public ; d) Accompagnement de la mobilisation citoyenne et du développement du bénévolat ; 5° Gestion ou appui à la gestion d’aires protégées ; 6° Contribution à l’exercice de missions de police administrative et de police judiciaire relatives à l’eau et à l’environnement, en liaison avec les établissements publics compétents dans le cadre d’unités de travail communes. Les agents affectés à l’Agence française pour la biodiversité chargés de missions de police de l’eau et de l’environnement apportent leur concours au représentant de l’Etat dans le département et au représentant de l’Etat en mer pour exercer des…