Le Conseil d’Etat valide le décret de classement ICPE des aérogénérateurs (CE, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13 juillet 2012, n° 353565 et 353577)
Nous avons suivi sur le Blog de Green Law Avocat le combat mené par deux opérateurs éoliens contre le classement ICPE des aérogénérateurs. On ne se faisait guère d’illusion quant au sort qui serait réservé à la QPC qui mettait en cause le principe même d’un classement des éoliennes. Au contraire nous fondions de vrais espoirs dans une contradiction évidente entre la loi elle-même et le décret. Les répliques d’Audiard perdurent par leur résonance … Autant s’en remettre à ce monument du genre que constitue « Les Tontons » pour concéder que cet espoir a été victime du porte-flingue du Gouvernement. L’arrêt est sans appel: le Gouvernement pouvait selon le Conseil d’Etat aggraver les conditions du classement éolien (CE, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13 juillet 2012, n° 353565 et 353577). « La puissance de feu d’un croiseur et des flingues de concours » On pouvait considérer que la stratégie contentieuse consistant à soutenir devant le Conseil d’Etat la non-conformité du décret de classement à la loi Grenelle II était la bonne. En effet, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 codifiée à l’article L. 553-1 du code de l’environnement, dans son dernier alinéa, prévoit la soumission au régime de l’autorisation ICPE des « installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent constituant des unités de production telles que définies au 3° de l’article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, et dont la hauteur des mâts dépasse 50 mètres sont soumises à autorisation au titre de l’article L. 511-2, au plus tard un an à compter de la date de publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 précitée ». Étant rappelé que le 3° de l’article 10 de la précitée du 10 février 2000 vise « les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent qui sont implantées dans le périmètre d’une zone de développement de l’éolien terrestre définie selon les modalités fixées à l’article 10-1 ou qui sont implantées sur le domaine public maritime ou dans la zone économique exclusive et les installations qui utilisent l’énergie marine, l’énergie solaire thermique ou l’énergie géothermique ou hydrothermique. Ces installations doivent constituer des unités de production composées d’un nombre de machines électrogènes au moins égal à cinq, à l’exception de celles pour lesquelles une demande de permis de construire a été déposée avant la date de publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement et de celles composées d’une machine électrogène de puissance inférieure ou égale à 250 kilowatts et dont la hauteur du mât est inférieure à 30 mètres », les opérateurs requérants en ont logiquement déduit qu’en vertu de l’article L. 553-1 du code de l’environnement, n’étaient soumis à autorisation que les aérogénérateurs de plus de 50 m, faisant partie d’une unité de production composée d’un nombre de machines au moins égal à cinq. Or le décret querellé contredit incontestablement les conditions de classement ainsi posées par la loi, à plusieurs titres : une seule éolienne de 50 mètres au mat ou 20 MW éoliens sont encore soumis à autorisation par l’administration. D’ailleurs le Conseil d’Etat a bien été contraint de se ranger à cette évidence : “Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des dispositions combinées de l’article L. 553-1 du code de l’environnement, issu du VI de l’article 90 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, et du 3° de l’article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité auquel renvoient ces dispositions, que le législateur a entendu que les installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent constituant des unités de production composées d’un nombre de machines électrogènes au moins égal à cinq et dont la hauteur des mâts dépasse cinquante mètres soient soumises au régime de l’autorisation des installations classées pour la protection de l’environnement prévu par l’article L.511-2 du même code“. « Sans être franchement malhonnête, au premier abord, comme ça, il… a l’air assez curieux cet arrêt ». Mais selon la Haute juridiction, « toutefois, il ne résulte ni de ces dispositions, ni des travaux parlementaires ayant précédé l’adoption de la loi du 12 juillet 2010 que le législateur ait entendu priver le Premier ministre de l’exercice du pouvoir de police spéciale qu’il détient en vertu de l’article L. 511- 2 du code de l’environnement pour soumettre à autorisation, enregistrement ou déclaration les autres installations présentant des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit encore pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ». Quand le silence de la loi coïncide avec celui des travaux parlementaires, « faut plus comprendre, faut prier », nous dit Audiard ! Il est permis de ne pas être convaincu par cette analyse, qui rejoint celle présentée, sans réelle conviction, par le Ministre de l’écologie dans ses écritures en défense produites quelques jours seulement avant l’audience et finalement reprise par M. le Rapporteur public. Mais alors, on se demande bien pourquoi le législateur a pris la peine de définir de manière précise, aussi bien au regard de la hauteur des mâts que du nombre d’aérogénérateurs, les conditions de la soumission à autorisation. Peu importe, autrement dit, ce que le législateur a décidé à cet égard, puisqu’en tout état de cause l’administration restait libre de faire ce qu’elle voulait sur le sujet… Au contraire, il est évident que lorsque la question du classement et en particulier de la soumission à la procédure, lourde, d’autorisation des éoliennes est apparue par le biais d’amendements au cours des débats, ceux-ci ont précisément consisté à dégager une solution alors jugée équilibrée, en ne soumettant à autorisation que les aérogénérateurs répondant à certaines conditions. Mais l’administration est passée outre. A…