Contrat de vente de chaudière: la clause limitative de réparation survit en cas de résolution du contrat de vente (Com. 7 février 2018, n°16-20.352, revirement)

Par Ségolène REYNAL – Avocate collaboratrice Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation vient de juger que, en cas de résolution d’une vente, la clause qui plafonne le montant des dommages-intérêts dus en cas de mauvaise exécution du contrat demeure applicable (Cass, 7 février 2018). Faits: Une société Y. a procédé à des réparations sur une chaudière d’une centrale exploitée par la société Z. Cette dernière a obtenu, après la survenance de nouvelles fuites, une expertise judiciaire qui a conclu qu’elles étaient imputables aux soudures effectuées par la société Y. Cette dernière a été assignée par sa cocontractante en résolution du contrat de vente de la chaudière, restitution et paiement de dommages-intérêts, en réparation de ses préjudices matériels et de ses pertes d’exploitation. La société Y. a demandé l’application de la clause limitative de réparation, dont l’objet est de limiter par avance et de façon contractuelle, le montant des dommages-intérêts à une certaine somme. Par un arrêt du 20 février 2016, la Cour d’appel de Nancy condamne la société Y. à payer à la société Z. la somme de 761.253,43 € à titre de dommages-intérêts. L’arrêt retient que la résolution de la vente emportant anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur, il n’y a pas lieu d’appliquer la clause limitative de responsabilité. Cette décision étaitune application d’une jurisprudence bien acquise (Com.29 juin 2010, n°09-11841). Le 7 février 2018, la Cour de cassation censure toutefois l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point. La Haute juridiction judiciaire estime en effet qu’en cas de résolution d’un contrat pour inexécution, les clauses limitatives de réparation des conséquences de cette inexécution demeurent applicables. La cour d’appel a par conséquent violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016. Portée de cette décision: C’est un revirement de jurisprudence que la Cour de cassation vient d’opérer. Auparavant, la résolution de la vente importait anéantissement rétroactif du contrat, les clauses régissant les conditions et les conséquences de la résiliation ne devaient pas trouver application (Com. 5 octobre 2010, pourvoi n°08-11630). Seules survivaient les clauses de règlement des différends au motifs qu’elles sont autonomes par rapport au contrat. Ce revirement de jurisprudence semble être l’application du nouvel article 1230 du Code civil issue de l’ordonnance du 10 février 2016 consacré à la résolution du contrat. Cet article dispose : « La résolution n’affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence. » Dès lors qu’une clause limitative de réparation a pour finalité de régler un effet du contrat postérieur à la résolution, à savoir le montant de la réparation due cette clause survit à la résolution du contrat résolu qui en est le support. Le revirement de jurisprudence ici opéré par la Cour de cassation s’est fait à la lumière de ces nouvelles dispositions et on doit en déduire une autonomisation de la clause limitative de réparation. Pourrait-on élargir cette solution aux clauses limitatives de responsabilité et aux clauses pénales ? Il semblerait que oui, dès lors qu’il n’existe aucune justification à limiter leur application aux seuls contrats de vente et que cette solution tend à renforcer la valeur de telles clauses, la logique présiderait alors à une application à tous les contrats commerciaux. Pour éviter toute difficulté d’interprétation il est conseillé de prévoir expressément au contrat, et pour chaque clause concernée, que celle-ci « produira effet, même en cas de résolution ». De nombreux acteurs industriels de l’énergie peuvent être concernés par cette nouvelle jurisprudence (fabricants de matériel, fournisseurs, installateurs).

Solaire/ liquidation des sociétés spécialisées en photovoltaïque : l’irrégularité du contrat de crédit comme sortie de secours ? (Cass, 30 avr.2014)

Par un arrêt en date du 30 avril 2014 (C.cass, 30 avril 2014, n°13-15581), la Cour de Cassation rappelle que le contrat de crédit destiné à financer la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques constituant des travaux de construction relève des opérations énumérées à l’article L 312-2 du Code la consommation, ce qui entraîne un certain formalisme qui peut être favorable aux producteurs d’électricité. En l’espèce, un couple de particuliers avait souscrit auprès d’un organisme de crédit la somme de 28 600 euros destiné à financer la vente et l’installation sur leur immeuble d’équipements de production d’électricité par panneaux photovoltaïques. Il semblerait que l’installation produisait de l’électricité destinée à être vendue mais aussi à être consommée. Devant une installation mal exécutée et où il avait d’ailleurs pu être constaté que la sécurité des lieux était compromise, les particuliers avaient assigné la société installatrice des panneaux solaires, son mandataire judiciaire (puisque cette dernière était placée en liquidation judiciaire) et la société de crédit au titre de l’article L312-2 du Code de la consommation. Il est important de relever que les particuliers,, de manière habile, soutenaient que le contrat de crédit qu’ils avaient souscrit était soumis aux dispositions de l’article L312-12 du Code de la consommation et qu’en tout état de cause le contrat de prêt et le contrat principal étaient interdépendants de telle sorte que la résolution du contrat principal emportait de plein droit la résolution du contrat de prêt. Notons que la banque soutenait que le contrat de crédit en l’espèce n’entrait pas dans le champ d’application protecteur de l’article L312-12 du Code de la consommation lequel dispose : « Les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux prêts qui, quelle que soit leur qualification ou leur technique, sont consentis de manière habituelle par toute personne physique ou morale en vue de financer les opérations suivantes : 1° Pour les immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation : a) Leur acquisition en propriété ou la souscription ou l’achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d’amélioration ou d’entretien de l’immeuble ainsi acquis ; b) Leur acquisition en jouissance ou la souscription ou l’achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en jouissance, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d’amélioration ou d’entretien de l’immeuble ainsi acquis ; c) Les dépenses relatives à leur réparation, leur amélioration ou leur entretien lorsque le montant du crédit est supérieur à 75 000 € ; d) Les dépenses relatives à leur construction ; 2° L’achat de terrains destinés à la construction des immeubles mentionnés au 1° ci-dessus ». Les conséquences de cette soumission de certains contrats de prêt à l’article L312-12 du Code de la consommation sont nombreuses puisqu’un formalisme doit être respecté. L’article L312-10 du Code la consommation prévoit ainsi un délai de réflexion de dix jours au bénéfice de l’emprunteur:  « L’envoi de l’offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu’elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l’emprunteur. L’offre est soumise à l’acceptation de l’emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. L’emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l’offre que dix jours après qu’ils l’ont reçue. L’acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi ». En l’espèce, la Cour de cassation rejette l’argumentation de la banque et confirme le raisonnement suivi par la Cour d’appel en rappelant : « Mais attendu qu’ayant constaté que le prêt contracté était d’un montant supérieur à 21 500 euros et qu’il était destiné à financer la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques constituant des travaux de construction et permettant aux propriétaires d’un immeuble à usage d’habitation non seulement de vendre l’électricité produite à un fournisseur d’énergie, mais également d’en bénéficier pour leur usage personnel, la cour d’appel en a exactement déduit que ce prêt relevait des opérations énumérées à l’article L. 312-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en la cause ».   Plus encore et pour justifier le versement de dommages et intérêts la Cour de cassation précise :  « Mais attendu qu’ayant retenu, par motifs adoptés, que l’absence d’émission d’une offre de prêt immobilier avait fait obstacle aux dispositions plus protectrices des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, notamment celles relatives à la formation du contrat et au délai de réflexion de dix jours prévu à l’article L. 312-10, la cour d’appel a caractérisé le préjudice subi par les emprunteurs ».   La Haute juridiction se focalise donc dans le litige qui lui est soumis sur l’irrégularité du contrat de crédit pour justifier la réparation des particuliers, sans se positionner sur les motifs qui auraient pu justifier en l’espèce la résolution du contrat principal (chantier de l’installation laissé à l’abandon). D’un point de vue pratique, cet arrêt de la Cour de cassation est particulièrement intéressant puisqu’il permet de rappeler aux particuliers qui ont contracté des prêts en vue de financer leurs projets d’installations photovoltaïques qu’une action en résolution du contrat principal et du contrat de prêt peut être exercée, indépendamment du placement en liquidation judiciaire de la société spécialisées dans l’installation photovoltaïque. Face à la multiplication du placement en liquidation ou redressement judiciaire de nombreuses sociétés spécialisées dans la vente et l’installation de centrales photovoltaïques, l’action en résolution du contrat de prêt devient donc une arme juridique redoutable comme en témoigne le présent arrêt. Ainsi et concrètement les particuliers en obtenant la résolution de leur contrat de prêt pourront atténuer sensiblement leur préjudice en n’ayant plus à subir le remboursement des échéances de prêts pour une installation hors service ou mal posée. Me Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat