Validation d’une délibération fixant rétroactivement le tarif de la redevance d’enlèvement des OM

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats). david.deharbe@green-law-avocat.fr Par des délibérations des janvier 2012, février 2013, janvier 2014 et avril 2015, le conseil communautaire d’une communauté d’agglomération a fixé, respectivement pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015, les tarifs de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères. Afin d’obtenir l’annulation des titres exécutoires émis par la communauté d’agglomération pour le recouvrement de redevance d’enlèvement des ordures ménagères ainsi fondées, une société a fait citer la communauté d’agglomération devant la juridiction de proximité. Cependant, cette juridiction a sursis à statuer et a ordonné le renvoi au tribunal administratif de Poitiers de la question de la légalité des délibérations par lesquelles les tarifs de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères ont été fixés pour les années en cause. Finalement par un jugement en date du 12 juillet 2018 (téléchargeable ici TA poitiers-12-juillet-2018, n°1701087), le tribunal administratif de Poitiers a jugé que lorsque la redevance d’enlèvement des ordures ménagères a déjà été instituée mais qu’aucune délibération fixant le tarif annuel de cette redevance n’a été adoptée avant le début d’une année, l’organe délibérant peut alors fixer rétroactivement ce tarif en cours d’année (I). D’autre part, il a considéré que les sociétés dont le siège se trouve au domicile d’une personne physique, peuvent légalement se voir imposer le paiement de cette redevance, y compris de sa composante collecte (II). I/ La fixation rétroactive du tarif de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères Dans un premier temps, le tribunal administratif de Poitiers rappelle le principe selon lequel : « la délibération par laquelle l’organe délibérant institue la redevance d’enlèvement des ordures ménagères ou en fixe le tarif peut, en principe, avoir aucune portée rétroactive ». Ce principe de non-rétroactivité des tarifs de la redevance rappelé par le tribunal, est issu de celui de non-rétroactivité des actes administratifs (CE, ass., 25 juin 1948, Société du journal L’Aurore, Rec. Lebon, p. 289). En ce sens, déjà en 2010, le Conseil d’Etat avait déclaré illégale la délibération d’un conseil d’une communauté de communes qui fixait, de manière rétroactive, les éléments forfaitaires du tarif de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (CE, 27 septembre 2010, n°311003, M. Clochard et autres). D’ailleurs le Conseil d’Etat juge que la délibération litigieuse fixant les tarifs de la redevance d’enlèvement et de traitement des ordures ménagères à compter du 1er janvier 2003 n’est entrée en vigueur que le 12 août 2003, après sa transmission au contrôle de légalité est illégale car rétroactive (CE, 6 mai 2011, n° 339270). Cependant, dans un second temps, le tribunal juge que : « lorsque la redevance d’enlèvement des ordures ménagères a déjà été instituée et qu’aucune délibération fixant le tarif annuel de cette redevance n’a été adoptée avant le début d’une année, l’organe délibérant peut fixer ce tarif en cours d’année ». Ainsi, contrairement à la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, ass., 25 juin 1948, Société du journal L’Aurore, Rec. Lebon, p. 289 ; CE, 6 mai 2011, n° 339270, commune de Villeneuve de la Raho), le tribunal estime qu’une délibération qui fixe de manière rétroactive le tarif de la redevance d’enlèvement des ordures ménagère peut être légale. Le tribunal justifie cette position en estimant que : « eu égard à la nature et à l’objet des redevances pour service rendu, qui constituent la rémunération des prestations fournies aux usagers, un retard pris pour l’adoption du tarif annuel d’une redevance déjà instituée ne saurait avoir pour effet de décharger les usagers de toute obligation de payer une redevance en contrepartie du service dont ils ont effectivement bénéficié ». En l’espèce, le tribunal juge que : « ces délibérations ayant pour seul objet de fixer, pour chacune des années considérées, le tarif d’une redevance déjà instituée par une délibération du conseil communautaire, elles ne sont pas entachées d’une rétroactivité illégale ». En chargeant les usagers du paiement des services dont ils ont bénéficié, sans que le tarif ait été préalablement fixé, le tribunal semble avoir décidé de faire primer la continuité du service financé par la redevance sur la prévisibilité juridique de son montant. Mais surtout à revisiter les limites de la jurisprudence Société du journal L’Aurore, on relève que le « Conseil d’Etat admet la rétroactivité d’actes sans lesquels des situations ne peuvent être réglés » (GAJA, P. 393). Ainsi le règlement d’une campagne de production, adopté en cours  de campagne, en l’absence de dispositions antérieures effectives peut rétroagir au début de cette campagne (CE Ass. 21 octobre 1966, Société Graciet Rec. 560). . II.Les sociétés domiciliées chez une personne physique assujetties au paiement de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères, y compris de sa composant collecte Tout d’abord, le tribunal administratif de Poitiers rappelle qu’en application de l’article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, la communauté d’agglomération ne peut fixer le tarif de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères et assimilées qu’en fonction de l’importance du service rendu par ce service public industriel et commercial à chaque catégorie d’usagers. Ensuite, le tribunal estime que : « la gestion administrative d’une société au domicile d’un particulier est de nature à augmenter la masse des déchets collectés de sorte que, même en l’absence de mise à disposition d’équipement de collecte autre que ceux mis à la disposition du particulier, un service supplémentaire de collecte est effectivement rendu par la collectivité publique à la société ». En l’espèce, le tribunal juge que les délibérations qui assujettissent les sociétés dont le siège se trouve au domicile d’une personne physique au paiement de la redevance, y compris de sa composante collecte, ne sont pas illégales.