CHAUFFAGE AU BOIS : SOUS LES BUCHES L’INTERDICTION…

Par David DEHARBE (Green Law Avocat) “Sous les pavés, la plage” disait le slogan soixante-huitard des jeunes parisiens en quête de liberté… Les (vrais) ruraux risquent de découvrir l’interdiction sous leur tas de bûches, empilées en stères pour l’hiver prochain …  En effet un sénateur n’hésite plus à proposer l’interdiction légale des cheminées et autres foyers ouverts. Et il ne manque finalement pas d’arguments pour prendre cette initiative. Une fois de plus (que l’on songe par ex. à la liberté d’entreprendre ou de circuler…) les exigences environnementales bousculent une facette de la liberté fondée sur certains mythes fondateurs de la société : le droit de se chauffer autour du feu qui a été une conquête de l’humanité. Comment une telle inversion des valeurs est-elle possible ? En 1996, la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE) affirmait le droit de chacun à respirer un air qui ne nuise pas à la santé. Aujourd’hui, la pollution atmosphérique est un enjeu sanitaire, économique et politique encore bien présent. Elle causerait en France pas moins de 40 000 décès prématurés selon le programme européen Clean air for Europe (CAFE). En réaction à l’activation d’une vigilance pollution nationale entre avril et juin, le sénateur Didier Rambaud, membre du groupe La République En Marche (LREM), a adressé au Ministre d’Etat de la transition écologique et solidaire une question orale (n°0840S) concernant deux points particuliers visant la réduction de ladite pollution. Premièrement, il a souhaité connaître l’avis du Gouvernement sur la possibilité de légiférer pour une interdiction de la vente d’appareils de chauffage individuel au bois, considérés comme non performants. Dans un second temps, le sénateur de la majorité demandait si à l’occasion d’une vente ou d’une mise en location d’un logement, il serait possible d’envisager de rendre obligatoire le diagnostic des appareils de chauffage individuel au bois, et, le cas échéant, contraindre à une éventuelle mise aux normes afin d’accélérer leur renouvellement. Bien que la combustion des bûches soit une pratique ancestrale et que dans certaines régions françaises l’on fait encore son bois pour l’hiver, elle n’est pas si propre que l’on aimerait le croire. Certes les appareils de chauffage au bois polluent peu si l’on prend en considération le cycle de vie de la matière première, qui va d’abord absorber le C02 en grandissant en forêt, puis servir de combustible ensuite. Mais ce n’est pas le cas pour les anciens modèles, dits « non performants ». Cela concerne tous les appareils datant d’avant 2002, mais aussi toutes les cheminées ouvertes.  Les foyers ouverts par exemple, rejettent 100 fois plus de particules qu’un nouvel appareil labellisé « flamme verte », en raison d’une mauvaise qualité de combustion du bois qui s’avère incomplète à certaines allures. Les données du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA SECTEN 2015), indiquent que la combustion de bois dans les foyers domestiques (chaudières, inserts, foyers fermés et ouverts, cuisinières, etc) contribue pour une large part en France  aux  émissions annuelles  nationales d’Hydrocarbures  Aromatiques  Polycycliques (HAP)à hauteur de 59%, de benzène pour 58% et de particules fines primaires (PM2,5) pour 44% (Note de synthèse des études à l’émission réalisées par l’INERIS  sur  la  combustion  du  bois  en  foyers domestiques, 04/05/2018, N° DRC-17-164787-10342A). Malheureusement, une grande partie des chauffages au bois français n’est plus de toute première jeunesse. L’association AIRPARIF considère que le chauffage au bois à Paris a émis en 2010 presque autant de PM 10 (particules de taille inférieure à 10 micromètres, qui peuvent pénétrer dans l’appareil respiratoire) que le secteur du trafic routier… Déjà conscient du problème en 2014, le préfet de la région de l’île de France avait pris un arrêté inter-préfectoral (n° 2013 084 0002) ayant pour but d’interdire les foyers ouverts dans certaines zones sensibles de la capitale et ses environs. Ce règlement a été abrogé avant même qu’il n’entre en vigueur… Reste que la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit une contribution croissante du bois-énergie à la production électrique puisqu’elle doit passer de moins de 300 mégawatts (MW) fin 2014 à plus de 800 MW fin 2023 (c’est-à-dire l’équivalent d’une croissance en équivalent production annuelle de 230 à 620 kilotonnes équivalent pétrole -ktep) ; et une croissance en proportion plus faible pour la production de chaleur (de 10.600 ktep en 2013 à environ 13.500 ktep en 2023). Plus précisément la PPE   prévoit, d’ici   2023, le   remplacement   de   10 000   chauffages charbon  (la  moitié  de  ceux  restants)  et  1 million  de  chaudières  fioul  (sur  un  parc restant de 3,5 millions) par des moyens de production de chaleur renouvelable ou des chaudières au gaz à très haute performance énergétique, ainsi que 9,5 millions de logements chauffés au bois avec un appareil efficace. La sortie du chauffage au charbon chez les particuliers est prévue pour 2028. Réunis en commission mixte paritaire (CMP) en pleine canicule, députés et sénateurs sont parvenus jeudi 25 juillet 2019 à un accord sur le projet de loi énergie et climat. Le projet de loi actualise les objectifs de la politique énergétique de la France, notamment en prévoyant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, une baisse de 40% de la consommation d’énergies fossiles d’ici à 2030, contre 30% précédemment, et la fermeture des dernières centrales à charbon en 2022. Mais aucune disposition spécifique et pratique sur le chauffage aux bois à l’Horizon. Pourtant l’enjeu est là : en pratique, 9,5 millions de logements chauffés au bois devront l’être avec un appareil efficace d’ici 2023 sans que cet objectif de la PPE ne se concrétise par des interdictions de mise sur le marché de poêle polluants ou d’imposer leur remplacement. Le sénateur Didier Rambaud propose donc d’interdire la vente des anciens modèles trop polluants ; mais aussi, propose-il d’en accélérer le remplacement par des appareils de meilleure qualité. Pour lui répondre, Mme Elisabeth BORNE rappelle la nécessité de s’équiper avec des chauffages au bois répondant aux nouvelles normes énergétiques. En raison du prix justifié par la qualité du matériel et de la pose, le Gouvernement a mis en place plusieurs systèmes sous conditions qui accompagneront les particuliers :…

Pas de mandat, pas de JA ! / La qualification de contrats de SEM et concession d’aménagement

Par Maître Thomas RICHET Avocat – Green Law Avocats La distinction contrat administratif/ contrat privé peut parfois s’avérer périlleuse… Et manifestement une piqure de rappel en la matière est toujours nécessaire… La décision commentée (Arrêt n° 404481 du 25 octobre 2017 Conseil d’Etat : téléchargeable ici) a le mérite de rappeler la méthodologie à adopter face aux contrats conclus par une  Société d’Economie Mixte (SEM) titulaire d’un contrat de concession d’aménagement. En effet, dans cette affaire, la communauté urbaine de Brest Métropole Océane avait conclu avec la société d’économie mixte locale d’aménagement Brest Métropole Aménagement (BMA)  un contrat de concession d’aménagement ayant pour objet la réalisation d’une zone d’aménagement commercial (ZAC) dite du « Plateau des Capucins », située à Brest. Pour réaliser cette ZAC la BMA avait, à son tour, conclu avec la société « Les Compagnons Paveurs » un marché de travaux tendant à l’aménagement des espaces publics et la viabilisation du Plateau des Capucins. Ce marché a fait l’objet d’une décision de résiliation pour un motif d’intérêt général le 29 novembre 2013. Afin d’obtenir une indemnité du fait de cette résiliation, la société évincée a décidé de porter l’affaire au contentieux. Par un jugement du du 16 juin 2016 , le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande d’indemnisation de la société « Les Compagnons Paveurs ». La solution a été confirmée par une ordonnance du 17 août 2016 du président de la 4ème chambre de la cour administrative d’appel de Nantes. La société « Les Compagnons Paveurs » a donc décidé de se pourvoir en cassation. La question contentieuse centrale dans cette affaire était relative à la nature juridique du contrat conclu entre la BMA et la société « Les Compagnons Paveurs ». S’agissait-il d’un contrat de droit privé ou d’un contrat de droit administratif ? Par un arrêt du  25 octobre 2017 n°404481, le Conseil d’Etat va considérer, par une application des critères jurisprudentiels classiques en la matière, que le contrat conclu entre la BMA et la société « Les Compagnons Paveurs » était de droit privé. Pour rappel, un contrat est qualifié « d’administratif » en présence de deux critères cumulatifs : Un critère organique: la présence d’une personne publique au contrat ou l’existence d’un donné par la personne publique à une personne privée (Cf. Conseil d’Etat, 1936, Prade ; Conseil d’Etat, 1975, Société d’équipement de la région Montpelliéraine) ; Un critère matériel : la présence de clauses exorbitantes du droit commun au sein du contrat, lorsque l’objet du contrat porte sur un service public ou encore lorsque le régime du contrat est exorbitant du droit commun. Qu’en était-il en l’espèce ? Tout d’abord relevons que le contrat avait été conclu entre deux personnes privées : la SEM BMA et la société « Les Compagnons Paveurs ». Ainsi, en principe, la qualification de contrat administratif devait être exclue car le critère organique n’était pas rempli. Cependant, la question se posait de savoir si la SEM BMA n’agissait pas, au titre du contrat de concession, en tant que mandataire de la communauté urbaine de Brest Métropole Océane. Le contrat aurait alors été administratif. Sur ce point, le  Conseil d’Etat relève, après avoir énoncé les missions du concessionnaire, que : « cette concession d’aménagement, qui prévoit la construction d’immeubles à usage privé destinés à la vente ou à la location au profit de la société BMA, concessionnaire, n’a pas comme seul objet de faire réaliser des ouvrages destinés à être remis à la communauté urbaine Brest Métropole Océane dès leur achèvement ou leur réception ; que, dès lors, la société BMA ne peut être regardée comme un mandataire agissant pour le compte de la communauté urbaine, y compris lorsqu’elle conclut des marchés de travaux ayant pour objet la réalisation d’équipements destinés à être remis à la personne publique dès leur achèvement ; que, par suite, le contentieux relatif à l’exécution et à la résiliation du marché de travaux conclu entre la société BMA et la société ” Les Compagnons Paveurs “, qui sont deux personnes morales de droit privé, ne relève pas de la compétence du juge administratif ». Ainsi le juge administratif considère en l’espèce que la présence d’un contrat de concession d’aménagement entre la SEM et la communauté urbaine de Brest Métropole Océane n’est pas suffisante pour considérer que cette société agissait en tant que mandataire de la personne publique. Pour emporter la compétence du juge administratif ce contrat aurait dû avoir pour objet exclusif la réalisation d’ouvrages destinés à être remis à la communauté urbaine de Brest Métropole Océane dès leur achèvement ou leur réception (Voir sur ce point Conseil d’Etat, 11 mars 2011, n° 330722). Faute de critère organique, le contrat ne peut être que de droit privé, et ce, même si le contrat remplissait le critère matériel. En effet, le juge indique qu’: « est sans incidence sur l’incompétence de la juridiction administrative la circonstance que la société BMA soit investie de prérogatives de puissance publique, qu’elle soit un pouvoir adjudicateur au sens de l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, que le marché se réfère au cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, qu’il comporte des clauses exorbitantes ou qu’il ait pour objet l’exécution de travaux publics ». Le contrat conclu entre la SEM BMA et la société « Les Compagnons Paveurs » est donc un contrat de droit privé qui relève de la compétence du juge judiciaire.