Pollution et réticence dolosive : à la recherche de la garantie de l’acquéreur

Dans le cadre d’un litige entre vendeur et acquéreur relatif à la présence en sous-sol de cuves polluées non dénoncées dans le contrat de vente, la Cour d’appel de Douai a rendu un arrêt, le 14 novembre 2011, qui peut en laisser plus d’un perplexe (CA Douai, 14 nov. 2011, n°06/02651) .  En effet, les juges d’appel ont retenu, aux termes de cette décision, une  appréciation plus qu’extensive de la réticence dolosive du vendeur, et plus précisément de l’intention dolosive. Cette solution semble avoir été gouvernée par la volonté de garantir l’acquéreur en présence d’une pollution d’ampleur et de toxicité certaine, à défaut d’autres fondements juridiques envisageables. De surcroît, et alors qu’ils ont très facilement prononcé la condamnation du vendeur, profane en la matière, les juges du fond ont, par ailleurs, limité la garantie due par le notaire en sa qualité de rédacteur de l’acte. Les faits En l’espèce, le vendeur avait vendu à un acquéreur une propriété à usage industriel aux termes d’un acte reçu par notaire le 28 avril 1997. A l’issue de travaux d’excavation pour la mise en place d’un réseau d’assainissement, l’acquéreur a découvert, sous un bâtiment, des citernes enterrées qui, après analyse, se sont avérées contenir des boues toxiques. A la suite d’une expertise judiciaire, l’acquéreur a alors diligenté une procédure au fond à l’encontre du vendeur et du notaire pour solliciter la condamnation de ceux-ci  à lui verser le montant des frais de dépollution. Il a obtenu gain de cause en première instance et un appel a été interjeté. La Cour d’appel de Douai, aux termes de son arrêt rendu le 14 novembre 2011, a condamné in solidum le vendeur et le notaire et opéré un partage de responsabilité entre ces derniers à hauteur des trois quarts pour le vendeur et d’un quart pour le notaire. Si la solution n’apparait pas en soi surprenante dans son principe, la lecture attentive des faits de l’espèce et la motivation des juges de fond suscitent, quant à elles, quelques interrogations. – Une appréciation particulièrement extensive de la réticence dolosive… L’acquéreur avait intenté, à titre principal, son action sur le fondement des articles 1116 et 1382 du Code civil en invoquant la réticence dolosive du vendeur.  La Cour d’appel de Douai se place donc sur ce terrain pour apprécier la responsabilité du vendeur. De l’oubli d’une mention à l’acte de vente à l’intention dolosive Elle relève que l’acte, par lequel le vendeur avait lui-même acquis l’immeuble litigieux, indiquait qu’une activité de vidange avait été exercée sur le site et que la présence de deux citernes dans le sous-sol était mentionnée. Or, si l’acte de vente du 28 avril 1997 rappelait bien les mentions de l’article 8-1 de la loi n°76-663 du 19 juillet 1976 (actuellement article L. 514-20 du Code de l’environnement), il était cependant précisé : « Le vendeur déclare qu’il n’a jamais exploité d’installations soumises à autorisation au sens de la loi précitée sur le terrain objet de la présente vente, hormis celles nécessaires à l’exercice d’une activité de fabrication d’éléments en béton sans danger ou inconvénient au sens de la loi ci-dessus. Il déclare également qu’il n’a jamais été déposé en fouilles, ni utilisé sur le terrain, directement ou dans les appareils ou installations, des déchets ou substances quelconques pouvant entraîner des dangers ou inconvénients pour la santé de l’environnement (tels que, par exemple, amiante, polychlorobiphényles, polychloroterphényles). De même, à sa connaissance, le vendeur déclare qu’il n’a jamais été exercé sur le terrain et les terrains voisins d’activités entraînant des dangers et inconvénients pour la santé, l’environnement et notamment aucune des activités visées par la loi du 19 juillet 1976 ». Et la Cour d’appel de déduire de l’absence de mention, dans l’acte de vente de 1997, de l’exploitation ancienne d’une activité de vidange et de la présence de cuves enterrées la caractérisation d’une réticence dolosive imputable au vendeur. Un raccourci surprenant… Un tel raccourci a de quoi surprendre. En effet, l’élément dommageable était constitué non par la présence de cuves elle-même mais par la pollution qu’elles contenaient, qui elle n’avait jamais été portée à la connaissance du vendeur. Dès lors, l’intention dolosive apparaît objectivement difficilement caractérisable. Cependant, les juges du fond estiment que le vendeur aurait nécessairement du savoir que les cuves avaient servi à usage de vidange et qu’elles étaient ainsi polluées. Cette appréciation des faits de l’espèce ne répond manifestement pas aux conditions requises et contrôlées par la Cour de Cassation pour retenir la réticence dolosive du vendeur. Il convient de rappeler que l’intention dolosive, tout comme la mauvaise foi, ne se présume pas et qu’elle doit être prouvée.  Or, en l’espèce, les juges du fond se fondent uniquement sur une absence de mention à l’acte, non de l’existence de la pollution elle-même, mais de l’activité relativement ancienne de vidange et de la présence de cuves enterrées pour retenir l’existence d’une intention dolosive. Cette position se révèle particulièrement sévère pour le vendeur et, en l’état, injustifiée.  …et contredit par les faits de l’espèce En effet, le vendeur insistait sur les éléments factuels suivants : – son propre vendeur n’avait pas exercé lui-même d’activité de vidanges, contrairement à une mention erronée dans l’acte d’acquisition du 27 décembre 1962, l’exercice d’une telle activité s’avérant en réalité bien antérieure ; – il avait purement et simplement oublié la présence des cuves enterrées, celles-ci ayant été simplement mentionnées au détour d’une phrase dans son propre acte de vente datant de presque 35 ans, et ces cuves étant de surcroît situées sous un bâtiment existant et donc parfaitement invisibles sans travaux d’excavation tels que ceux les ayant mises à jour ; – il ignorait totalement le fait que les citernes contenaient des boues polluées. En dépit de ces éléments, la Cour d’appel de Douai a estimé que le vendeur avait « volontairement dissimulé [à l’acquéreur] des éléments d’information qui l’aurait dissuadée de contracter si elle les avait connus ; que la réticence dolosive est établie et qu’en conséquence elle ne peut s’abriter derrière la clause de…

Directive Nitrates : des mesures réglementaires contestées !

Face à la pression exercée par la Commission européenne fustigeant l’inefficacité de la réglementation applicable en France pour lutter contre la pollution par nitrates dans les zones vulnérables (cf. récemment l’annonce du 27 octobre 201 sur  l’envoi d’un avis motivé de la commission adressé à la France suivie d’un communiqué de presse en date du 28 octobre 2011 des  ministres de l’Ecologie et de l’Agriculture sur le durcissement de la réglementation française), les pouvoirs publics français  ont engagé, en 2010,  un programme de réforme visant à renforcer et améliorer la mise en oeuvre de la directive 91/676/CEE  dite directive « nitrates ». A la suite de la publication du décret n°2011-1257 du 10 octobre 2011 (cf. sur ce blog, notre brève du 14/10/2011, « Le décret « nitrates » est publié ») dont l’abrogation a été demandée par les associations  France Nature Environnement (FNE) et Eau et Rivières de Bretagne (ERB), deux arrêtés ont été publiés au journal officiel du 21 décembre 2011 : – le premier, en date du 19 décembre 2011, est relatif au programmes d’actions national à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole ; – le second, en date du 20 décembre 2011, est relatif à la composition, l’organisation et le fonctionnement du groupe régional d’expertise « nitrates » pour le programme d’actions à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole. Notamment, le premier de ces arrêtés décline les mesures du programme d’action national visant à lutter contre la pollution par les nitrates d’origine agricole. Les nouvelles mesures adoptées seront applicables au 1er septembre 2012 (sauf en ce qui concerne les capacités de stockage des effluents  d’élevage pour lesquels le délai d’application butoir est fixé au 1er juillet 2016). Prévoyant une extension des périodes d’interdiction d’épandage des fertilisants, l’arrêté révise également les modalités de dimensionnement et de contrôle des capacités de stockage des effluents d’élevage. Il prévoit encore un relèvement d’environ 20 % des quantités d’azote émises par les vaches laitières, sachant que les normes d’excrétion d’azote par espèce d’animal (herbivores, volailles, lapins, porcins) sont détaillées. En outre, les modalités d’établissement du plan prévisionnel de fumure et du cahier d’enregistrement des pratiques dont l’objet est d’aider l’agriculteur à mieux gérer sa fertilisation azotée sont présentées. Un second arrêté devant intervenir à l’automne 2012 (pour réviser le cadre réglementaire de dimensionnement des ouvrages de stockage des effluents d’élevage, préciser les modalités d’épandage selon les conditions de sols ou encore les règles relatives à la couverture des sols pendant les périodes pluvieuses), l’arrêté du 19 décembre  se présente comme le texte déclinant les principales mesures du programme d’action national qui sera ultérieurement complété. En outre, deux nouveaux textes sont actuellement  soumis à la consultation du public jusqu’au 14 janvier 2012 :  – Un projet de décret relatif aux programmes d’actions régionaux devant succéder aux actuels  programmes départementaux en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole précise le contenu de ces programmes et les mesures que le préfet de région peut être appelé à prendre ; – Un projet d’arrêté, dont l’entrée en vigueur est prévue au 30 juin 2013,  porte sur les actions renforcées à mettre en oeuvre dans certaines zones ou parties de zones vulnérables en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole (la déclaration annuelle des quantités d’azote épandues, les déclarants, l’obligation de traiter ou d’exporter l’azote issu des animaux d’élevage…). Ces différents textes ont été publiés ou soumis à la consultation du public au mois de décembre 2011 alors qu’un vent de fronde souffle sur le contenu des textes « nitrate » pour lesquels les avis des associations et des représentants d’élus n’auraient pas été suffisamment pris en compte. Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public Arrêté_du_20_décembre_2011_version_initiale[1] 111209_Arrete_DirN_ActionsRenforcees_ConsPub111209_ 111209_Decret_DirNit_ActionsRenforcees_Projet_ConsPub Arrêté_du_19_décembre_2011_version_initiale[1]

Zone d’action prioritaire pour l’air: les projets de décret pour l’expérimentation sont soumis à consultation

En application de l’article L. 228-3 du code de l’environnement, les communes de plus de 100.000 habitants se sont vues offrir la possibilité de procéder à des expérimentations  tendant à instituer des zones d’actions prioritaires pour l’air,  autorisées par décret, pour une durée maximale de 3 ans ( susceptible d’être prolongée pour une durée 18 mois) : plus précisément, aux termes de cet article,  « dans les communes ou groupements de communes de plus de 100 000 habitants où une mauvaise qualité de l’air est avérée, notamment par des dépassements de normes réglementaires ou des risques de  dépassements de ces normes, une zone d’actions prioritaires pour l’air, dont l’accès est interdit aux véhicules contribuant le plus à la pollution atmosphérique, peut être instituée, à  titre expérimental, afin de lutter contre cette pollution et notamment réduire les émissions de particules et d’oxydes d’azote ».  L’enjeu n’est autre que de parvenir à une réduction de la pollution atmosphérique et de contribuer à la réduction des émissions de particules atmosphériques polluantes pour assurer la mise en oeuvre du Plan Particules qui prévoit une réduction des particules fines de 30 % pour 2015  (cf. sur ce blog, notre brève du 7 février 2011, « ZAPA : l’expérimentation des zones d’actions prioritaires pour l’air lancée »)!  Aussi, 8 collectivités et intercommunalités ont d’ores et déjà été retenues pour prendre part à cette expérimentation : le Grand Lyon, Grenoble-Alpes Métropole, Clermont Communauté, le Pays d’Aix, la Plaine Commune (Saint-Denis),  la ville de Paris, Nice et Bordeaux.  Elles ont engagé des études préalables qui devraient donner lieu au dépôt de projets officialisés en juillet 2012 (cf. Ministère de l’Ecologie, « Plan particules : point d’avancement », 29 novembre 2011, p. 7/17). Si la loi Grenelle II précise, qu’avant toute transmission au préfet, le projet de ZAPA doit faire l’objet d’une évaluation environnementale et être mis à disposition du public, l’article L. 182 de ce texte législatif souligne encore que les conditions  règlementaires de mise en oeuvre de la loi Grenelle II doivent être précisées.  Effectivement, les décisions d’interdiction de circuler ou de restriction de la circulation dans les ZAPA prononcées par les autorités locales concernées dépendent des précisions réglementaires apportées par le Gouvernement, à savoir  – un arrêté du ministre de l’Ecologie définissant la nomenclature des véhicules dans les ZAPA (soumis à consultation du public dans les premiers mois de l’année 2011 et contesté en ce qu’il affecterait 26 % du parc automobile)  – ainsi que deux décrets, l’un définissant les sanctions applicables en cas d’infraction à une ZAPA, l’autre déterminant les groupes de véhicules bénéficiant d’une dérogation  nationale ou locale aux ZAPA. C’est dans ce contexte que deux projets de décrets sont  soumis à l’avis du public jusqu’au 14 décembre 2011. Le projet de décret relatif aux véhicules autorisés à circuler dans les expérimentations de ZAPA liste les véhicules autorisés à circuler dans les ZAPA, quelles que soient les mesures d’interdiction ou de restriction de la circulation mises en oeuvre dans ces zones, à savoir les véhicules d’intérêt général, les véhicules relevant du ministère de la défense et les véhicules portant une carte de stationnement pour personnes handicapées.  Par ailleurs, il précise que les communes et les intercommunalités expérimentatrices, soit les autorités locales, peuvent également demander des dérogations aux mesures d’interdiction de circulation dans une ZAPA et les accompagner d’une étude environnementale. Le second projet de décret relatif à l’identification des véhicules et aux sanctions applicables en cas d’infraction à une mesure d’interdiction ou de restriction de la circulation harmonise le classement des véhicules en fonction de leurs émissions polluantes  dans les diverses mesures d’interdiction ou de restriction de la circulation (en cas de pics de pollution, pour application des plans de protection de l’atmosphère et celle des ZAPA) pour ensuite définir les sanctions applicables en cas d’infractions constatées dans les ZAPA.  Ainsi, le projet de nouvel article R.318-2 du code de l’environnement souligne que le classement des véhicules à moteur est établi à partir de leur niveau d’émission de polluants atmosphériques par nomenclature dressée par arrêté interministériel (en fonction de leur date de première immatriculation, de leur norme Euro ou de leur motorisation).  Quant à l’amende prévue en cas de non-respect des mesures expérimentales mises en oeuvre dans les ZAPA (projet d’art. R.226-15 du code de l’environnement), elle pourra correspondre, selon les catégories de véhicules, à celle prévue pour les contraventions de 4e classe  (135 euros) ou à celle prévue pour les contraventions de 3e classe (68 euros).  Les CTI pourront alors utiliser le produit des amendes pour mener des études ou des opérations de mise en oeuvre des ZAPA (art. R. 2334-12 du CGCT modifié). La publication de ces décrets est annoncée pour fin janvier 2012. Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public