Antenne relai : régulariser n’est pas gagner…

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, a, par un jugement du 7 juillet 2020, annulé un permis de construire un pylône de relais radiotéléphonique : Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait, par jugement avant dire droit du 26 novembre 2019, sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, sursis à statuer sur les requêtes présentées par les requérants riverains demandant l’annulation du permis de construire tacite un pylône de relais radiotéléphonique, déjà érigé. Notons que cet article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, tel que modifié par la loi ELAN du 23 novembre 2018, est entré en vigueur le 1er janvier 2019. La loi ELAN est venue rendre obligatoire pour le juge l’utilisation de cet article qui dispose que : « Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ». Dans sa version initiale, telle que prévue par l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, ne faisait de cette régularisation qu’une simple faculté pour le juge (voir sur la régularisation : cf.  R. MICALEF, « L’incidence des pouvoirs du juge administratif sur l’évolution du mécanisme de régularisation des autorisations d’urbanisme », Bulletin de jurisprudence de droit de l’urbanisme 2/2020) En l’espèce, le jugement avant dire droit a imparti un délai de trois mois pour justifier de la délivrance d’un permis de régularisation au vu d’un avis conforme de l’architecte des bâtiments de France au regard de la législation relative à la protection des abords d’un monument historique en application de l’article L. 632-2 du code du patrimoine. L’avis de l’ABF était requis du fait de la covisibilité de l’antenne avec une Villa Lecorbusier (la Villa Stein-de-Monzie). Le maire de la commune de Vaucresson a donc ensuite délivré un permis de régularisation le 27 février 2020 au vu de l’avis de l’architecte des bâtiments de France du 26 février 2020. Cet avis favorable émis par l’architecte des bâtiments de France, était assorti de trois prescriptions alternatives. Selon celles-ci la société FREE Mobile devait « proposer  des modifications  permettant  de  résoudre  l’aspect  inesthétique  du  pylône  proposé,  positionné dans le champ de visibilité du monument historique, soit en améliorant l’aspect du dispositif pour permettre une insertion qualitative, soit en le déplaçant et en retravaillant le dispositif de façon à ce qu’il soit mieux inséré et moins visible dans les abords du monument, soit en le déposant  intégralement ». Conformément à un considérant de principe du Conseil d’Etat (notamment CE, 3 juin 2020, n° 427781), les juges notent néanmoins que « les  prescriptions  dont  est  assorti  le  permis  de régularisation entraineront des modifications du projet litigieux sur des points qui ne sont pas précis  et  limités  et  qui  nécessiteront  la  présentation  d’un  nouveau  projet » et concluent que « compte  tenu  de  la  teneur  et  de  l’importance  des  prescriptions  émises  par  l’architecte  des bâtiments de France, conduisant à la remise en cause quasi intégrale des caractéristiques du projet, voire de son existence même, le maire de Vaucresson ne pouvait légalement délivrer le permis de construire de régularisation ». En effet, il apparaît clairement que les prescriptions de l’architecte des bâtiments de France ne pouvaient que modifier le projet de manière importante : Améliorer l’aspect du dispositif pour permettre une insertion qualitative, aurait nécessairement modifié le projet de manière considérable ; Déplacer et en retravailler le dispositif de façon à ce qu’il soit mieux inséré et moins visible dans les abords du monument, aurait pu générer de nouveaux impacts ; le déposer intégralement, aurait totalement modifié le permis délivré. Ce d’autant que ces prescriptions n’était pas plus produites et invitaient la société FREE Mobile à faire des propositions dans le sens de ces trois prescriptions. Ainsi, le permis de construire de régularisation étant illégal, il n’a pas pu régulariser le permis initial et celui-ci est purement et simplement annulé. Le contentieux des antennes 4 G est désormais purement urbanistique, depuis que le Conseil a exclu tout débat sur le débat sanitaire. La planification locale constitue une contrainte pour les opérateurs. Dernièrement, on peut ainsi relever que la Cour administrative d’appel de Marseille a confirmé que PLU pouvait très bien avoir entendu régir la hauteur de toutes les constructions implantées dans la zone UE, ce y compris les antennes relais (CAA Marseille, 30 juin 2020, n° 18MA05467) : Notre espèce démontre que sur le terrain paysager la protection  renforcée que constitue la législation des monuments historiques et des sites classées constitue même un obstacle ne souffrant pas la régularisation. Reste qu’il ne suffit pas non plus de soutenir la co-visibilité avec un monument historique sans en rapporter sérieusement la preuve ; dans ce dernier cas le juge ne pourra que rappeler que ” la visibilité depuis un immeuble classé ou inscrit s’apprécie à partir de tout point de cet immeuble normalement accessible conformément à sa destination ou à son usage ” (CE 20 janvier 2016 Commune de Strasbourg, Société civile immobilière des docteurs Pagot-Schraub et associés, req. n° 365987-365996) Et le juge n’hésitera pas à constater que la démonstration de la co-visibilité entre l’antenne et le monument historique fait tout simplement défaut. Ainsi la CAA de Bordeaux juge-t-elle récemment : ” 10. Il ressort des pièces du dossier et plus précisément de l’Atlas des patrimoines publié par le ministère de la culture, que le terrain d’assiette du projet, constitué de la parcelle cadastrée AD 245, se situe à l’intérieur du périmètre de 500…

L’inscription d’un immeuble au titre des monuments historiques ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété

La question prioritaire de constitutionnalité   Le Conseil d’Etat avait, par décision en date du 17 octobre 2011 (CE, ss section 6 et 1, 17 oct.2011, n°351010 : Juris-Data n°2011-022780), jugé que le moyen tiré de ce que le régime de l’inscription au titre des monuments historiques  tel que défini par les articles L. 621-25 et suivants du Code du patrimoine porterait atteinte  aux droits et libertés garantis par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, notamment en son article 2, présentait un caractère sérieux.    En conséquence, il avait soumis la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le requérant, au soutien de sa demande en annulation d’un arrêt préfectoral portant inscription au titre des monuments historiques d’un certain nombre d’éléments de l’ensemble immobilier dont il est propriétaire, au Conseil constitutionnel.    Celui-ci vient de se prononcer sur l’interrogation posée aux termes d’une décision du 16 décembre 2011 (Décision n°2011-207 du 16 décembre 2011, publiée au JO du 17 décembre 2011).    Le requérant soulevait notamment l’inconstitutionnalité du dispositif d’inscription d’un immeuble au titre des monuments historiques eu égard aux articles 2 et 17 de la DDHC, en raison de l’atteinte à la propriété que celui-ci constitue et de l’absence de garanties suffisantes pour le propriétaire, tant au niveau financier que s’agissant de la possibilité de formuler des observations relatives à la décision de classement.    Le Conseil constitutionnel écarte l’ensemble des arguments avancés et déclare les articles L. 621-5, L. 621-27, al 1 et 2 et L. 621-29 du Code du patrimoine conformes à la Constitution.  Aucune privation mais une atteinte au droit de propriété   A ce titre, il juge que l’article 17 de la DDHC disposant « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » ne trouve pas à s’appliquer, l’inscription au titre des monuments historiques n’entraînant aucune privation du droit de propriété.    Le Conseil constitutionnel précise néanmoins que même en l’absence de privation du droit de propriété, l’article 2 de la DDHC exige néanmoins que les limites apportées à l’exercice de ce droit doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.    Il reconnaît donc l’atteinte au droit de propriété générée par une décision d’inscription au titre des monuments historiques, ce qui ne fut pas toujours acquis par le Conseil d’Etat.    En effet, la Haute Juridiction administrative avait, dans un premier temps, considéré que l’inscription ne portait pas atteinte au droit de propriété (CE, 30 juillet 1997, consorts Habrekorn : Rec. CE, 97, p. 945) avant de retenir par la suite à une position plus acceptable, considérant que la décision d’inscription avait pour effet, en elle-même, de limiter l’exercice du droit de propriété (CE, 8 juillet 2009, n°308778, Valette et a : Juris-Data n°2009-005315).  Un motif d’intérêt général, une atteinte proportionnée et pas de rupture d’égalité   Comme toujours en présence d’une atteinte à un droit garanti, le Conseil constitutionnel s’attache à vérifier que celle-ci est gouvernée par un motif d’intérêt général, qu’elle apparaît proportionnée au but recherché et qu’elle n’entraîne aucune rupture d’égalité devant les charges publiques.    Or, il considère que l’inscription au titre des monuments historiques intervient en raison de la nécessaire préservation d’un patrimoine historique et artistique qui correspond bien à un motif d’intérêt général.    Par ailleurs, et s’agissant de l’argument avancé tenant à l’insuffisance de garanties pour le propriétaire, en raison de son absence d’information préalable et de son impossibilité à présenter des observations durant la procédure d’inscription, le Conseil constitutionnel relève que la décision de l’autorité administrative peut être contrôlée par le juge de l’excès de pouvoir.    Il souligne également que :  – pour les travaux qui nécessitent une autorisation ou déclaration préalable, la décision d’urbanisme ne peut intervenir sans l’accord de l’autorité administrative chargée des monuments historiques ;  – les travaux, ne relevant pas d’une autorisation ou déclaration préalable en matière d’urbanisme, qui entraînent une modification de l’immeuble inscrit sont simplement soumis à une déclaration préalable 4 mois avant leur réalisation ;  – en cas d’opposition de l’autorité administrative, celle-ci ne peut que diligenter une procédure de classement au titre des monuments historiques ;  – aucun travaux ne peut être imposé par l’administration au propriétaire du bien inscrit ;   – les travaux d’entretien et de réparation ordinaires ne nécessitent aucune formalité ;  – le propriétaire conserve toute latitude pour faire réaliser les travaux par toute entreprise de son choix, sous la seule réserve du respect des prescriptions administratives ;  – le propriétaire peut bénéficier d’une subvention de l’Etat pour le financement des travaux envisagés.    Au vu de ces différents éléments, le Conseil constitutionnel juge donc « que les dispositions contestées ne portent pas aux conditions d’exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au but recherché ; que cette atteinte ne méconnaît pas l’article 2 de la Déclaration de 1786 ; que ces dispositions ne créent aucune rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ».  Une décision attendue   Cette décision ne surprend guère tant en ce qui concerne sa motivation que sur le principe.    En effet, on considère traditionnellement qu’en raison de l’atteinte limitée de l’inscription au titre des monuments historiques sur le droit de propriété, celle-ci n’est pas susceptible d’indemnisation, contrairement au classement au titre des monuments historiques qui entraîne, quant à lui, des conséquences beaucoup plus importantes en termes de droit à la propriété.    Il n’en reste pas moins que cette solution de principe ne doit pas effacer les nombreuses décisions d’inscription au titre des monuments historiques qui peuvent avoir des effets particulièrement préjudiciables pour les propriétaires.    L’échappatoire : le protocole n°1 de la CEDH    Dans ces hypothèses, il conviendra alors de fonder la demande d’annulation de l’arrêté d’inscription sur la violation notamment de l’article 1 du protocole n°1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme…