Émissions de GES : le Conseil d’État enjoint au Gouvernement de prendre des mesures avant le 31 mars 2022

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le Conseil d’Etat avait admis, par un arrêt du 19 novembre 2020, le recours de la commune de Grande-Synthe contre l’inaction de l’Etat à respecter sa trajectoire de réduction des gaz à effet de serre (- 40% par rapport à 1990 d’ici 2030). Il a alors laissé au gouvernement un délai de 3 mois pour justifier que cette trajectoire de réduction des gaz à effet de serre pourra être respectée sans qu’il soit besoin de prendre des mesures supplémentaires. Le 22 février dernier, le gouvernement a adressé au Conseil d’Etat un mémoire dans lequel il affirme que les mesures prises sont suffisantes pour atteindre la trajectoire d’ici 2030. Le calendrier prévisionnel des suites à donner à cette décision était le suivant: Avril 2021 : ouverture de la phase d’instruction contradictoire ; Eté 2021 : Tenue d’une nouvelle audience publique au Conseil d’Etat en présence des parties ; Après l’été 2021 : Si le Conseil d’Etat ordonne des mesures supplémentaires, il réalisera un suivi de leur exécution selon le même processus (instruction contradictoire, nouvelle audience publique, possibilité d’une astreinte). À la suite de la transmission par le Gouvernement de nouveaux éléments, une nouvelle instruction contradictoire a été ouverte et une audience publique s’est tenue le 11 juin dernier au Conseil d’État. Finalement avec son arrêt en date du 1er juillet 2021 n° 427301 (Téléchargeable ici) le Conseil d’État fait droit aux demandes de la commune de Grande-Synthe et des associations en annulant le refus du Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires pour atteindre l’objectif, issu de l’Accord de Paris, de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030. Selon la Haute juridiction on doit considérer d’une part que la baisse des émissions en 2019 est faible et que celle de 2020 n’est pas significative car l’activité économique a été réduite par la crise sanitaire et d’autre part que le respect de la trajectoire, qui prévoit notamment une baisse de 12 % des émissions pour la période 2024-2028, n’apparait pas atteignable si de nouvelles mesures ne sont pas adoptées rapidement. Plus précisément, le Conseil fait valoir s’agissant d’une baisse relative des gaz à effet de serre de 2019-2020 : Pour atteindre l’objectif de réduction issu de l’Accord de Paris, de -40% par rapport au niveau de 1990, le Gouvernement a adopté une trajectoire s’étendant sur 4 périodes (2015-2018, 2019-2023, 2024-2028et 2029-2033), chacune comportant des objectifs de réduction. Le niveau d’émissions mesuré en 2019 respecte l’objectif annuel fixé pour la période 2019-2023. Toutefois la baisse des émissions observée,de 0,9%,apparaît limitée par rapport aux objectifs de réduction visés pour la précédente période (2015-2018), qui étaient de 1,9% par an et par rapport aux objectifs fixés pour la période suivante (2024-2028), qui sont de 3% par an. Les données provisoires pour 2020 montrent une baisse sensible des émissions. Toutefois, cette diminution s’explique dans une large mesure par les effets du confinement sur l’activité et doit, ainsi que l’a notamment relevé le Haut conseil pour le climat (HCC), être regardée comme «transitoire» et «sujette à des rebonds» et elle ne permet pas, à elle seule, de garantir que la trajectoire fixée pour atteindre les objectifs de 2030 pourra être respectée. Plus précisément, le Conseil préconise des efforts supplémentaires nécessaires à court terme pour atteindre l’objectif de 12% de baisse des émissions entre 2024 et 2028 : La stratégie nationale prévoit une diminution des émissions de 12% pour la période 2024-2028 contre seulement 6% entre 2019 et 2023. Il ressort des différents éléments transmis, notamment des avis publiés entre 2019 et 2021 par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), le Conseil économique, social et environnemental (CESE)et le HCC, que cet objectif de réduction de 12% ne pourra être atteint si de nouvelles mesures ne sont pas adoptées à court terme. En outre l’accord entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne en avril 2021 a relevé l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 à 55% par rapport à leur niveau de 1990. Les mesures actuellement en vigueur ne permettent pas d’atteindre l’objectif de diminution de 40% des émissions de gaz à effet de serre fixé pour 2030,puisqu’il compte sur les mesures prévues parle projet de loi « climat et résilience » pour atteindre cet objectif. In fine, le Conseil d’État enjoint donc au Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires d’ici le 31 mars 2022 pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030.