REFORME DU CODE DE L’EXPROPRIATION : DÉJÀ UNE CIRCULAIRE !

Par Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Nous sommes en 2015 après Jésus-Christ. Toute la législation française fait l’objet d’une tendance à la simplification du droit… Toute ? Non ! Car un village peuplé d’irréductibles circulaires résiste encore et toujours à l’envahisseur ! La loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 a habilité le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens. L’article 5 de cette loi a notamment autorisé le Gouvernement à procéder par ordonnance à la modification du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique afin « d’y inclure des dispositions de nature législative qui n’ont pas été codifiées, d’améliorer le plan du code et de donner compétence en appel à la juridiction de droit commun ». Il était également précisé que le Gouvernement pouvait « apporter les modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet. » Enfin, il pouvait « étendre, le cas échéant avec les adaptations nécessaires, l’application des dispositions ainsi codifiées en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna. » La refonte du code de l’expropriation s’est opérée grâce à la publication de l’ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014 relative à la partie législative du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et de son décret d’application n° 2014-1635 du 26 décembre 2014. A peine cette réforme est-elle entrée en vigueur que, dès le 19 janvier 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice, avait déjà pris une circulaire pour présenter le nouveau code de l’expropriation pour cause d’utilité publique aux juridictions judiciaires. Après avoir rappelé la genèse de la réforme du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les objectifs et les principes de la recodification, la circulaire expose les principales modifications intéressant le contentieux judiciaire. A cet effet, la circulaire présente le livre II relatif à la « juridiction de l’expropriation, transfert judiciaire de propriété et prise de possession » et le livre III relatif à l’ « indemnisation ». En présence d’un doute sur l’interprétation d’une nouvelle disposition, il sera donc possible de l’examiner à la lumière de cette circulaire. La circulaire mentionne également les dispositions qui ont été abrogées par ce code ou qui n’ont pas été expressément reprises. Par ailleurs, elle donne des précisions quant à son application ultra-marine. Enfin, elle se prononce sur l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions. A cet égard, elle énonce que les procédures en cours restent régies par les dispositions qui leur étaient applicables au moment de l’introduction de l’instance. En revanche, elle précise que la procédure d’appel pouvant être ultérieurement introduite sera soumise aux dispositions nouvelles. La circulaire ajoute, en outre, que certaines ordonnances de désignation des juges de l’expropriation, prises avant le 1er janvier 2015, demeurent valables pour la durée de la désignation des juges de l’expropriation. Ces précisions n’étaient pas utiles dans la mesure où l’article 7 de l’ordonnance du 6 novembre 2014 précisait notamment que « Les contentieux […] judiciaires engagés sur le fondement des dispositions de l’ancien code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, en cours au jour de l’entrée en vigueur de la présente ordonnance, demeurent régis par les dispositions de l’ancien code de l’expropriation pour cause d’utilité publique jusqu’à dessaisissement de la juridiction saisie ». La circulaire se termine alors sur le fait que le changement de numérotation dans le code d’une règle qui n’a pas été modifiée au fond ne cause aucun grief. En conséquence, excepté l’éclairage apporté par cette circulaire sur les dispositions des livres II et III du nouveau code de l’expropriation du code de l’expropriation, cette circulaire ne présente que peu d’intérêt. En outre, cette circulaire intervient non pas pour préciser un texte sur lequel il existerait déjà des incertitudes quant à l’interprétation mais pour présenter un texte qui vient juste d’entrer en vigueur. Dès lors, dans un contexte de simplification du droit, est-il pertinent de prendre des textes de « présentation » d’autres textes ? Cela ne participerait-il pas, au contraire, à complexifier l’état du droit ? De plus, n’existe-t-il pas un adage selon lequel « Nul n’est censé ignorer la loi », ce qui pourrait dispenser le Gouvernement de prendre des circulaires pour présenter des textes qui ont pourtant fait l’objet d’une publication au Journal Officiel ? Par ailleurs, était-il adroit d’adresser cette circulaire aux juridictions judiciaires ? Il nous semble, qu’au contraire, cela leur pourrait leur faire outrage, celles-ci étant, en principe, parmi les mieux informées de l’état du droit… Peut-être que les autorités expropriantes auraient été plus intéressées par la publication de cette circulaire… Pour conclure, rappelons qu’à force de trop chanter, le barde Assurancetourix, finit systématiquement bâillonné au pied d’un arbre lors du banquet final des aventures d’Astérix… Nous ne souhaitons nullement bâillonner les auteurs des circulaires qui, parfois, nous sont d’une précieuse aide. Toutefois, en l’espèce, l’ordre juridique français aurait, à notre sens, pu faire l’économie de cette circulaire qui risque d’avoir un effet contreproductif en complexifiant encore la compréhension du droit de l’expropriation.