L’article L 514-20 du Code de l’environnement : une obligation objective d’information

Dans un arrêt du 11 mars 2014 (C.cass, 3ème civ, n°12-29556), la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens qui reconnait la responsabilité d’une société au titre de l’article L514-20 du Code de l’environnement qui, lors d’une vente omet de déclarer à l’acheteur que l’immeuble vendu avait supporté une exploitation ICPE soumise à autorisation.   Rappelons que le Code de l’environnement en son article L 514-20 prévoit une obligation d’information en matière de cession d’immeuble ayant abrité une installation classée soumise à autorisation :   « Lorsqu’une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d’en informer par écrit l’acheteur ; il l’informe également, pour autant qu’il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l’exploitation. Si le vendeur est l’exploitant de l’installation, il indique également par écrit à l’acheteur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives. L’acte de vente atteste de l’accomplissement de cette formalité. A défaut, l’acheteur a le choix de poursuivre la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la remise en état du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette remise en état ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente ».   Conformément à cette disposition, le vendeur est tenu :   A une information écrite de l’acquéreur, d’une part, sur l’existence passée de l’exploitation d’une installation classée soumise à autorisation ou à enregistrement et, d’autre part, sur les dangers ou inconvénients importants liés à l’exploitation, pour autant qu’il les connaisse ;  Dans le cas où il a la qualité d’exploitant, d’indiquer à l’acquéreur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives.   Une jurisprudence abondante reconnaît le caractère impératif et absolu de cette obligation d’information par écrit (Cf en ce sens : Cass. 3e civ., 12 janv. 2005, n° 03-18.055, Commune de Dardilly contre Sté des Anciennes briqueteries de Limonest ; Cass. 3ème civ., 12 janv. 2005, n° 03-18.055, Commune DARDILLY ; Cass. 3ème civ., 7 mars 1990, n° 88-18.714).   La sanction de la violation de cette information est grave :   résolution de la vente, restitution du prix, remise en état aux frais du vendeur lorsque ce coût ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente   Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation confirme la jurisprudence précitée et relève:   « Mais attendu qu’ayant constaté que la société Prodeco n’avait pas informé la société Perspective avenir lors de la vente de la parcelle de terrain cadastrée BV n° 83 qu’une installation soumise à autorisation y avait été exploitée, relevé que la parcelle BV n° 83 était issue de la division de la parcelle cadastrée BV n° 49 sur laquelle la société Etablissement Lefèvre frères avait exploité sur l’intégralité du terrain une installation soumise à autorisation, que les éléments fournis étaient suffisants pour situer topographiquement la partie de parcelle concernée, que le rapport d’investigation établi par la société Ginger environnement confortait cette position puisqu’il mettait en évidence une pollution sur la parcelle BV n° 83 et que seuls les bâtiments situés sur cette parcelle étaient à même de répondre aux conditions posées par l’arrêté préfectoral pour le stockage des produits inflammables, la cour d’appel, qui a retenu, à bon droit, qu’il importait peu que les dirigeants de la société Prodeco en aient eu connaissance dès lors que l’article L. 514-20 du code de l’environnement crée une obligation d’information, et qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu déduire de ces seuls motifs que la parcelle vendue était bien le siège de l’installation, qu’elle était soumise aux dispositions de l’article L. 514-20 du code de l’environnement et que la société Prodeco avait manqué à son obligation d’information; ».   La Cour de cassation tire les conséquences de son analyse et condamne la venderesse à payer à l’acheteur les opérations de dépollution :   « Mais attendu que la cour d’appel, devant laquelle la société Prodeco n’avait pas sollicité le rejet de la demande d’indemnisation de la SCI Le Clos des artistes au motif d’une disproportion entre le coût de la remise en état et le prix de vente de la parcelle a pu, sans dénaturation, condamner la société Prodeco à payer à la SCI Le Clos des artistes la somme de 292 659, 01 euros à titre de dommages-intérêts ».   Relevons que la Cour de cassation entérine en l’espèce l’interprétation stricte de l’obligation d’information du vendeur : peu importe que ce dernier avait ou non connaissance de l’existence d’une exploitation ICPE antérieurement sur les parcelles litigieuses (comme en l’espèce) et peu importe que l’acheteur n’ignorait pas les risques encourus (Cass. 3e civ., 12 janv. 2005, n° 03-18.055,précitée)   A noter que la jurisprudence de la Cour de cassation dispose d’une résonnance  particulière puisque les nouvelles dispositions applicables en matière de déclaration d’intention d’aliéner lui imposent impérativement de contenir l’obligation d’information au sens de l’article L514-20 du Code de l’environnement (Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, JORF n°0072 du 26 mars 2014 page 5809).   L’article L. 213-2 est ainsi modifié : « a) La seconde phrase du premier alinéa est remplacée par quatre phrases ainsi rédigées : « Cette déclaration comporte obligatoirement l’indication du prix et des conditions de l’aliénation projetée ou, en cas d’adjudication, l’estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l’article L. 514-20 du code de l’environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. La liste des documents susceptibles d’être demandés est fixée limitativement par décret en Conseil d’État. La déclaration d’intention d’aliéner peut être dématérialisée. »   …

Pollution et réticence dolosive : à la recherche de la garantie de l’acquéreur

Dans le cadre d’un litige entre vendeur et acquéreur relatif à la présence en sous-sol de cuves polluées non dénoncées dans le contrat de vente, la Cour d’appel de Douai a rendu un arrêt, le 14 novembre 2011, qui peut en laisser plus d’un perplexe (CA Douai, 14 nov. 2011, n°06/02651) .  En effet, les juges d’appel ont retenu, aux termes de cette décision, une  appréciation plus qu’extensive de la réticence dolosive du vendeur, et plus précisément de l’intention dolosive. Cette solution semble avoir été gouvernée par la volonté de garantir l’acquéreur en présence d’une pollution d’ampleur et de toxicité certaine, à défaut d’autres fondements juridiques envisageables. De surcroît, et alors qu’ils ont très facilement prononcé la condamnation du vendeur, profane en la matière, les juges du fond ont, par ailleurs, limité la garantie due par le notaire en sa qualité de rédacteur de l’acte. Les faits En l’espèce, le vendeur avait vendu à un acquéreur une propriété à usage industriel aux termes d’un acte reçu par notaire le 28 avril 1997. A l’issue de travaux d’excavation pour la mise en place d’un réseau d’assainissement, l’acquéreur a découvert, sous un bâtiment, des citernes enterrées qui, après analyse, se sont avérées contenir des boues toxiques. A la suite d’une expertise judiciaire, l’acquéreur a alors diligenté une procédure au fond à l’encontre du vendeur et du notaire pour solliciter la condamnation de ceux-ci  à lui verser le montant des frais de dépollution. Il a obtenu gain de cause en première instance et un appel a été interjeté. La Cour d’appel de Douai, aux termes de son arrêt rendu le 14 novembre 2011, a condamné in solidum le vendeur et le notaire et opéré un partage de responsabilité entre ces derniers à hauteur des trois quarts pour le vendeur et d’un quart pour le notaire. Si la solution n’apparait pas en soi surprenante dans son principe, la lecture attentive des faits de l’espèce et la motivation des juges de fond suscitent, quant à elles, quelques interrogations. – Une appréciation particulièrement extensive de la réticence dolosive… L’acquéreur avait intenté, à titre principal, son action sur le fondement des articles 1116 et 1382 du Code civil en invoquant la réticence dolosive du vendeur.  La Cour d’appel de Douai se place donc sur ce terrain pour apprécier la responsabilité du vendeur. De l’oubli d’une mention à l’acte de vente à l’intention dolosive Elle relève que l’acte, par lequel le vendeur avait lui-même acquis l’immeuble litigieux, indiquait qu’une activité de vidange avait été exercée sur le site et que la présence de deux citernes dans le sous-sol était mentionnée. Or, si l’acte de vente du 28 avril 1997 rappelait bien les mentions de l’article 8-1 de la loi n°76-663 du 19 juillet 1976 (actuellement article L. 514-20 du Code de l’environnement), il était cependant précisé : « Le vendeur déclare qu’il n’a jamais exploité d’installations soumises à autorisation au sens de la loi précitée sur le terrain objet de la présente vente, hormis celles nécessaires à l’exercice d’une activité de fabrication d’éléments en béton sans danger ou inconvénient au sens de la loi ci-dessus. Il déclare également qu’il n’a jamais été déposé en fouilles, ni utilisé sur le terrain, directement ou dans les appareils ou installations, des déchets ou substances quelconques pouvant entraîner des dangers ou inconvénients pour la santé de l’environnement (tels que, par exemple, amiante, polychlorobiphényles, polychloroterphényles). De même, à sa connaissance, le vendeur déclare qu’il n’a jamais été exercé sur le terrain et les terrains voisins d’activités entraînant des dangers et inconvénients pour la santé, l’environnement et notamment aucune des activités visées par la loi du 19 juillet 1976 ». Et la Cour d’appel de déduire de l’absence de mention, dans l’acte de vente de 1997, de l’exploitation ancienne d’une activité de vidange et de la présence de cuves enterrées la caractérisation d’une réticence dolosive imputable au vendeur. Un raccourci surprenant… Un tel raccourci a de quoi surprendre. En effet, l’élément dommageable était constitué non par la présence de cuves elle-même mais par la pollution qu’elles contenaient, qui elle n’avait jamais été portée à la connaissance du vendeur. Dès lors, l’intention dolosive apparaît objectivement difficilement caractérisable. Cependant, les juges du fond estiment que le vendeur aurait nécessairement du savoir que les cuves avaient servi à usage de vidange et qu’elles étaient ainsi polluées. Cette appréciation des faits de l’espèce ne répond manifestement pas aux conditions requises et contrôlées par la Cour de Cassation pour retenir la réticence dolosive du vendeur. Il convient de rappeler que l’intention dolosive, tout comme la mauvaise foi, ne se présume pas et qu’elle doit être prouvée.  Or, en l’espèce, les juges du fond se fondent uniquement sur une absence de mention à l’acte, non de l’existence de la pollution elle-même, mais de l’activité relativement ancienne de vidange et de la présence de cuves enterrées pour retenir l’existence d’une intention dolosive. Cette position se révèle particulièrement sévère pour le vendeur et, en l’état, injustifiée.  …et contredit par les faits de l’espèce En effet, le vendeur insistait sur les éléments factuels suivants : – son propre vendeur n’avait pas exercé lui-même d’activité de vidanges, contrairement à une mention erronée dans l’acte d’acquisition du 27 décembre 1962, l’exercice d’une telle activité s’avérant en réalité bien antérieure ; – il avait purement et simplement oublié la présence des cuves enterrées, celles-ci ayant été simplement mentionnées au détour d’une phrase dans son propre acte de vente datant de presque 35 ans, et ces cuves étant de surcroît situées sous un bâtiment existant et donc parfaitement invisibles sans travaux d’excavation tels que ceux les ayant mises à jour ; – il ignorait totalement le fait que les citernes contenaient des boues polluées. En dépit de ces éléments, la Cour d’appel de Douai a estimé que le vendeur avait « volontairement dissimulé [à l’acquéreur] des éléments d’information qui l’aurait dissuadée de contracter si elle les avait connus ; que la réticence dolosive est établie et qu’en conséquence elle ne peut s’abriter derrière la clause de…

Information des risques naturels et technologiques : rappel des obligations du propriétaire

A la suite de la loi Bachelot n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques naturels et technologiques et à la réparation des dommages  (art. 77 – art. 125-5 du code de l’environnement), le législateur a souhaité garantir une information préventive fiable sur le niveau de risques retenu sur la zone dans laquelle se situe un immeuble en vente ou en location.  Aussi,  depuis le 1er  juin  2006, il pèse sur le vendeur ou le bailleur de biens immobiliers, une obligation d’information sur les risques naturels prévisibles, les risques technologiques et la zone de sismicité dans laquelle  s’inscrit le bien concerné (cf. art. 5 du décret n° 2005-134 du 15 février 2005). Bien que le risque sismique soit moins accru en France que sur d’autres parties du globe terrestre, ce risque majeur est appréhendé au travers de différentes zones de sismicité  croissante (au nombre de 5). En effet, par deux décrets n° 2010-1254 et 2010-1255 en date du 22 octobre 2010 – entrés en application le 1er mai 2011 -,  le Gouvernement français a établi un nouveau zonage  de classification impliquant 21.000 communes françaises. Codifiée aux articles R. 563-1 à R. 563-8 du code de l’environnement  – tels que modifiés par deux décrets n° 2010-1254 et n° 2010-1255 du 22 octobre 2010  ainsi que par l’arrêté du 22 octobre 2010 -, la réglementation française répartit les bâtiments, les équipements et les installations en deux catégories, respectivement dites ” à risque normal ” et ” à risque spécial”, pour leur imposer des règles particulières de construction et des mesures préventives d’aménagement et d’exploitation parasismiques. Ce nouveau zonage et sa cartographie sont présentés sur le site internet http://www.planseisme.fr/Zonage-sismique-de-la-France.html De manière plus générale, il faut savoir que dans chacune des communes visées par  l’arrêté préfectoral départemental  et établissant la liste des risques naturels prévisibles et des risques technologiques auxquels les collectivités de base sont exposées (art. R 124-25 du CE), un état des risques (datant de moins de 6 mois avant l’opération immobilière en cause -art R.125-26  du CE) – fondé sur les informations mises à disposition par les services préfectoraux – est annexé à une promesse de vente / d’achat ou au contrat de vente ainsi qu’à tout contrat de location  (art. R.125-26 du CE). Cet « état des risques » est obligatoire puisque son inexistence  est sanctionnée soit la résolution du contrat  soit une diminution du prix de vente. Il doit établir la liste des risques pesant sur l’immeuble (bâti ou non) ainsi que celle des sinistres subis par le bien en question ayant donné lieu à indemnisation depuis 1982.  En effet, l’article L .125-5 du code de l’environnement souligne que  « Lorsqu’un immeuble bâti a subi un sinistre ayant donné lieu au versement d’une indemnité en application de l’article L. 125-2 ou de l’article L. 128-2 du code des assurances, le vendeur ou le bailleur de l’immeuble est tenu d’informer par écrit l’acquéreur ou le locataire de tout sinistre survenu pendant la période où il a été propriétaire de l’immeuble ou dont il a été lui-même informé en  application des présentes dispositions. En cas de vente de l’immeuble, cette information est mentionnée dans l’acte authentique constatant la réalisation de la vente ». Par ailleurs, cet état des risques doit être « accompagné des extraits de ces documents et dossier permettant de localiser cet immeuble au regard des risques encourus » (art. R 125-26 du CE). Une brochure relative à l’information des acquéreurs et des locataires sur les risques naturels et technologiques majeurs (renseignements utiles à l’état des risques et à la déclaration de sinistre) est mise à disposition du public depuis le mois de juillet 2011. En dehors du rappel des obligations pesant sur le vendeur ou le bailleur,  le document guide les intéressés dans leurs démarches à suivre pour établir leur « état des risques » avant toute opération immobilière. De cette manière, il est rappelé que si le formulaire de l’état des risques naturels et technologiques est disponible en mairie, en préfecture ou en sous-préfecture, un modèle d’ « état des risques » est également téléchargeable à partir du portail www.prim.net (onglet ma commune face aux risques, rubrique information acquéreur/locataire). Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public