Energie: Le contrat ayant pour objet la vente des droits à délivrance de certificats d’économies d’énergie (CEE) n’est pas un contrat de la commande publique et n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un référé contractuel (Conseil d’Etat, 7 juin 2018, n°416664)

Par Me Thomas RICHET – Green Law Avocats De manière inédite, et par un arrêt rendu le 7 juin 2018, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la possibilité pour un concurrent évincé d’effectuer un référé contractuel à l’encontre d’un contrat ayant pour objet la vente, par un syndicat d’énergie, des droits à délivrance de certificats d’économies d’énergie (CEE). Mis en place il y a 12 ans, le dispositif des Certificats d’Economie d’Energie (CEE) repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux vendeurs d’énergie, lesquels doivent promouvoir l’efficacité énergétique auprès des consommateurs d’énergie (ménages, collectivités territoriales ou professionnels). Le 1er janvier 2018, le dispositif est entré dans sa 4ème période d’obligation pour une durée de 3 ans. Il s’agit d’un levier financier pour les entreprises et les collectivités, dites obligées, dans le cadre de de leurs projets de maîtrise de l’énergie puisqu’elles peuvent céder les CEE à titre onéreux à des intermédiaires. Il peut ainsi s’agir de sociétés de courtage ou de structures délégataires subrogées dans les droits des « obligés ». Le cadre juridique est en pleine évolution (voir notre analyse déjà publiée sur le sujet). Dans l’affaire tranchée par la Haute juridiction, un contrat ayant pour objet la vente, par un syndicat d’énergie, des droits à délivrance de certificats d’économies d’énergie (CEE) a été conclu entre le syndicat intercommunal pour le recyclage et l’énergie par les déchets et ordures ménagères (SIREDOM) et la société Capital Energy. Concurrente évincée à l’attribution de ce contrat, la société Geo France Finance a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles d’un référé contractuel, sur le fondement de l’article L. 551-13 du Code de justice administrative, pour en solliciter l’annulation. Pour rappel, peuvent notamment faire l’objet d’un référé contractuel les contrats  « ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, la délégation d’un service public ou la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique. » (Cf. Article L. 551-13 du Code de justice administrative précité). Le juge des référés du Tribunal a rejeté le référé de la société Geo France Finance par une ordonnance n° 1707752 du 4 décembre 2017. Le Conseil d’Etat, saisi en cassation contre l’ordonnance précitée, devait donc tout d’abord s’assurer de la possibilité, en l’espèce, d’effectuer un tel référé contractuel. Pour ce faire, la question de la qualification juridique du contrat conclu entre le SIREDOM et la société Capital Energy était donc un préalable nécessaire. Sur ce point le Conseil d’Etat apporte une réponse complète : « ce contrat, qui ne comporte ni exécution de travaux, ni livraison de fournitures, ni prestation de services de la part du cocontractant, n’a pas pour objet de satisfaire un besoin du SIREDOM au moyen d’une prestation en échange d’un prix ; que la circonstance que les recettes ainsi acquises par le SIREDOM puissent être affectées au financement des travaux d’adaptation du centre intégré de traitement des déchets conclu avec la société Eiffage est sans incidence sur l’objet du contrat en litige, qui est distinct du marché de conception-réalisation portant sur les travaux d’adaptation du centre ; que ce contrat n’étant pas un marché public, il ne revêt pas un caractère administratif par détermination de la loi ; qu’il ne fait pas non plus participer la société cocontractante à l’exécution du service public et ne comporte pas de clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquent, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ; qu’il a, en conséquence, le caractère d’un contrat de droit privé » (considérant 5 de l’arrêt). Le contrat conclu entre le syndicat d’énergie et la société Capital Energy n’étant pas un contrat de la commande publique, il ne pouvait pas faire l’objet d’un référé contractuel sur le fondement de l’article L. 551-13 du Code de justice administrative. Le pourvoi de la société évincée a donc été rejeté.