Revirement de jurisprudence : point de départ de la prescription

Revirement de jurisprudence : point de départ de la prescription

Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)

Sauf exception en matière de responsabilité médicale, les victimes d’un préjudice sont soumises à la règle de la prescription quadriennale instituée par la loi du 29 janvier 1831, traditionnellement appelée déchéance quadriennale.

À compter du 1er décembre 2009, Monsieur B a été placé d’office à la retraite, à l’âge de 63 ans, au motif qu’il avait atteint la limite d’âge qui lui était applicable en vertu des statuts du personnel de la Banque de France.

Le 18 décembre 2017, le Conseil d’État a rendu une décision M. A (n° 395450) infirmant l’interprétation retenue par la Banque de France des règles statutaires de son personnel s’agissant de l’âge limite de départ à la retraite applicable à ceux de ses agents nés avant le 1er juillet 1947.

Le 9 mai 2019, Monsieur B a présenté une demande préalable d’indemnisation auprès de son ancien employeur : cette demande est restée sans réponse.

Afin de réparer un préjudice né d’une décision administrative illégale, quel est le point de départ de la prescription ?

Le Conseil d’État a répondu à cette question en fixant ce point de départ à partir de la connaissance de l’illégalité d’une décision administrative individuelle, opérant ainsi un revirement de jurisprudence (décision commentée : CE, 11 juillet 2025, n° 466060 ).

Infractions environnementales : nouveaux délais de prescription de l’action publique

Par Graziella Dode, Green Law Avocats La loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale est entrée en vigueur le 28 février 2017. L’action publique est l’action en justice portée devant une juridiction répressive pour l’application des peines à l’auteur d’une infraction. Elle est toujours exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi (art. 1er du code de procédure pénale), et peut l’être également par la partie civile. La loi du 27 février 2017 remanie les délais dans lesquels doit être engagée l’action publique. Au-delà de ces délais, l’action publique est prescrite. Seul le délai de prescription de l’action publique en matière de contravention ne change pas et demeure d’un an. Voici un tableau de comparaison entre les anciens délais de prescription de l’action publique et les délais désormais applicables : Délais de prescription de l’action publique   Délais applicables jusqu’au 27 février 2017   Nouveaux délais applicables à compter du 28 février 2017   Contraventions   1 an 1 an   Délits   3 ans 6 ans   Crimes   10 ans 20 ans   Désormais, l’article 7 du code de procédure pénale dispose que : « L’action publique des crimes se prescrit par vingt années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise. L’action publique des crimes mentionnés aux articles 706-16, 706-26 et 706-167 du présent code, aux articles 214-1 à 214-4 et 221-12 du code pénal et au livre IV bis du même code se prescrit par trente années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise. L’action publique des crimes mentionnés aux articles 211-1 à 212-3 dudit code est imprescriptible. » L’article 8 du même code prévoit que : « L’action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise. L’action publique des délits mentionnés à l’article 706-47 du présent code, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, à l’exception de ceux mentionnés aux articles 222-29-1 et 227-26 du code pénal, se prescrit par dix années révolues à compter de la majorité de ces derniers. L’action publique des délits mentionnés aux articles 222-12, 222-29-1 et 227-26 du même code, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par vingt années révolues à compter de la majorité de ces derniers. L’action publique des délits mentionnés à l’article 706-167 du présent code, lorsqu’ils sont punis de dix ans d’emprisonnement, ainsi que celle des délits mentionnés aux articles 706-16 du présent code, à l’exclusion de ceux définis aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2 du code pénal, et 706-26 du présent code et au livre IV bis du code pénal se prescrivent par vingt années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise. »   Les délais de prescription de l’action publique courent à compter du jour où l’infraction est commise. Consacrant la jurisprudence de la Cour de cassation (Crim. 4 janv. 1935, Gaz. Pal. 1935. 1. 353. – Crim. 5 juill. 1945, Bull. crim. n° 76. – Crim. 16 mars 1970, D. 1970. 497, note J.M.R. – Crim. 29 oct. 1984, Bull. crim. n° 323, – Crim. 3 janv. 1985, Bull. crim. n° 5. – Crim. 26 févr. 1990, n° 87-84.091, Dr. pénal 1990. Comm. 191. – Crim. 14 avr. 1993, D. 1993. 616, note H. Fenaux. – Crim. 30 nov. 1993, Dr. pénal 1994. Comm. 110 ; RSC 1994. 764, obs. R. Ottenhof. – Crim. 26 avr. 1994, Bull. crim. n° 149. – Crim. 26 sept. 1995, Bull. crim. n° 288. – Crim. 2 déc. 2009, n° 08-86.381. – Crim. 11 déc. 2013, n° 12-86.624, AJ penal 2014. 132, obs. J. Gallois ; JCP 2013. 1374, J. Y. Maréchal), un régime spécifique est prévu pour les infractions occultes ou dissimulées (abus de biens sociaux, tromperie, …) pour lesquelles le délai de prescription de l’action publique ne commence à courir qu’à partir du moment où elles ont été découvertes. Pour ce type d’infractions, un délai butoir, qui démarre dès que l’infraction est commise, est instauré : à compter de ce délai, l’infraction sera en tout état de cause prescrite. Ce délai butoir est de 12 ans pour les délits et de 30 ans pour les crimes. La loi portant réforme de la prescription en matière pénale ne peut avoir pour effet de prescrire des infractions dont la prescription n’était pas acquise au 28 février 2017 et dont la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique avaient été valablement effectués à cette date. En matière d’infractions environnementales, seuls les délits sont concernés par la réforme puisque le délai de prescription de l’action de publique en matière de contravention est inchangé et que le code pénal et le code de l’environnement ne prévoient pas de crime contre l’environnement (à l’exception de l’acte de terrorisme prévu à l’article 421-2 du code pénal). Ainsi, les infractions concernées par le nouveau délai de prescription de l’action publique sont notamment : les délits de pollution des eaux (art. L. 216-6, L. 218-73, L. 432-2 du code de l’environnement) les délits en matière d’installations classées (art. L. 173-1 à L. 173-12 du code de l’environnement), les délits en matière de rejets polluants de navires (art. L. 218-11 et suivants du code de l’environnement), ou encore les délits relatifs aux parcs nationaux et aux sites inscrits et classés (art. L. 331-26 et suivants du code de l’environnement ; art. L. 341-19 du même code). Concrètement, des poursuites pénales ne pourront être engagées que pendant une période de 6 ans à compter de la commission de ces délits, soit pendant trois années supplémentaires. Au-delà de ce délai de 6 ans, aucune poursuite ne pourra plus être engagée puisque l’action publique sera prescrite.