Recommandations de la Cour des comptes européenne sur l’exploitation du réseau Natura 2000

Par Fanny Angevin, Green Law Avocats   La Cour des comptes européenne a dans un rapport en date du 21 février 2017, intitulé « Rapport spécial n°1/2017, Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour exploiter pleinement le potentiel du réseau Natura 2000 », effectué des recommandations en ce qui concerne l’exploitation du réseau Natura 2000.   Pour rappel, l’article 287 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), en son paragraphe 4 alinéa 2, prévoit que la Cour des comptes peut présenter à tout moment ses observations, sous forme notamment de rapports spéciaux, sur des questions particulières et rendre des avis à la demande d’une des autres institutions de l’Union.   L’audit de la Cour des comptes consistait à répondre à la question suivante : « Le réseau Natura 2000 a-t-il été mis en œuvre de manière appropriée ? ». La Cour des est parvenue à la conclusion que malgré le rôle majeur que joue le réseau, son potentiel n’a pas été pleinement exploité.   Le rapport comporte donc des recommandations adressées aux Etats membres de l’UE ainsi qu’à la Commission européenne, qui visent à faciliter une meilleure application des directives « Nature », à permettre « de conférer davantage de clarté au cadre financier et comptable de Natura 2000, et à permettre de mieux mesurer les résultats obtenus grâce au réseau Natura 2000 ».   Les recommandations sont les suivantes :   « Recommandation n° 1 – Appliquer pleinement les directives «Nature» En ce qui concerne les systèmes mis en place pour gérer le réseau, les États membres devraient, d’ici à 2019: a) veiller à ce que la coordination entre toutes les autorités qui participent à la gestion de sites Natura 2000 soit appropriée. En particulier, les autorités responsables de l’agriculture et des questions d’environnement devraient travailler en étroite collaboration. Les services chargés de gérer le réseau devraient pouvoir accéder facilement aux informations utiles. En ce qui concerne la protection des sites, les États membres devraient, d’ici à 2020: b) terminer la mise en place des mesures de conservation nécessaires sur les sites désignés depuis plus de six ans, et faire en sorte que les évaluations appropriées tiennent compte des effets cumulatifs et soient de qualité suffisante. En ce qui concerne les orientations qu’elle fournit, la Commission devrait, d’ici à 2019: c) intensifier ses efforts pour favoriser la diffusion et l’application des orientations présentées dans ses documents ainsi que celles des résultats des séminaires biogéographiques, et encourager l’échange de bonnes pratiques en matière de coopération transfrontalière. Dans ce contexte, elle devrait examiner comment renverser la barrière de la langue.   Recommandation n° 2 – Financer et comptabiliser le coût de Natura 2000 En ce qui concerne le financement de Natura 2000, les États membres devraient, en vue de la prochaine période de programmation (qui débutera en 2021): a) procéder à des estimations exactes et complètes des dépenses réellement effectuées et des besoins de financement à venir au niveau des sites (en intégrant les estimations du coût des mesures de conservation dans les plans de gestion) et du réseau; b) actualiser les cadres d’action prioritaire sur la base de ces estimations et des mesures de conservation établies pour l’ensemble des sites (voir recommandation n° 1, lettre b)); c) assurer la cohérence entre les priorités et les objectifs définis dans les cadres d’action prioritaire, d’une part, et les documents de programmation des différents instruments de financement de l’UE, d’autre part, et proposer des mesures visant les besoins spécifiques des sites Natura 2000. En ce qui concerne le financement de Natura 2000, la Commission devrait, pour la prochaine période de programmation: d) adresser aux États membres des orientations pour améliorer la qualité des cadres d’action prioritaire et pour évaluer, de façon fiable et uniformisée, le montant prévu et réel de l’aide allouée à Natura 2000 par les différents programmes de financement de l’UE.     Recommandation n° 3 – Mesurer les résultats obtenus grâce au réseau Natura 2000 En ce qui concerne le système d’indicateurs de performance relatifs aux programmes de financement de l’UE, les États membres devraient, en vue de la prochaine période de programmation (qui débutera en 2021): a) intégrer, au niveau des différents Fonds, des indicateurs et des valeurs cibles spécifiques de Natura 2000 et faire en sorte de permettre un suivi plus exact et plus précis des résultats obtenus grâce au financement de Natura 2000; et la Commission devrait, pour la prochaine période de programmation: b) définir des indicateurs Natura 2000 communs à tous les Fonds de l’UE. En ce qui concerne les plans de surveillance des habitats, des espèces et des sites, les États membres devraient, d’ici à 2020: c) pour pouvoir mesurer les résultats des mesures de conservation, élaborer des plans de surveillance au niveau des sites, les mettre en œuvre et actualiser régulièrement les formulaires standard des données. »     Ainsi, la Cour des comptes européenne pousse les Etats membres ainsi que la Commission européenne vers une pleine application des directives « nature », à améliorer plus finement le financement du réseau Natura 2000 et enfin, à mesurer les résultats obtenus grâce à ce réseau.   Seront donc à suivre les moyens mis en œuvre pour intégrer ces recommandations dans les actes des parties prenantes.

Les enjeux environnementaux de l’étude d’impact des parcs éoliens marins

Par Sébastien Bécue – Green Law Avocats Le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) est l’autorité environnementale nationale compétente pour délivrer les avis sur l’évaluation environnementale des projets de parcs marins. Durant l’année 2015, les études d’impact de trois parcs ont été scrutés : Courseulles-sur-Mer, Saint-Nazaire et Fécamp. Dans son rapport annuel, le CGEDD a réalisé une synthèse critique des grandes problématiques qu’il a pu identifier lors de ses analyses (pages 17 à 21 du rapport), un document passionnant qui met en lumière les obstacles que la filière va devoir surmonter pour se développer. En premier lieu, le CGEDD rappelle que l’étude doit porter sur : l’ensemble des composantes du parc: fondations et éoliennes, mais aussi ouvrages de connexion jusqu’au poste de transformation électrique situé à terre et le réseau qui doit accueillir la production ; et sur les phases de construction et de maintenance – négligées par les maîtres d’ouvrage selon le CGEDD. En second lieu, le CGEDD présente les trois grands enjeux communs à tous les parcs éoliens, mais ici adaptés au milieu marin : l’enjeu paysager, pour lequel sont citées, dans le cas du projet de Fécamp, les falaises d’Etretat et de la Côte d’Albâtre ; l’enjeu avifaune, le traditionnel risque de collision et de perte d’habitats, mais aussi le potentiel effet « barrière » au déplacement des oiseaux ; l’enjeu faune sous-marine avec les perturbations sonores importantes que devrait engendrer le chantier de battage des pieux de trente mètres servant aux fondations des éoliennes. A côté de ces enjeux majeurs, trois autres sont identifiés : la conservation des sols sous-marins, la qualité des eaux marines et la pêche professionnelle. En troisième lieu, le CGEDD invite l’Etat a donné un plus grand poids, dans la procédure d’appel d’offres, aux mesures d’évitement, de réduction, de compensation et de suivi des impacts proposées par les candidats. En quatrième et dernier lieu, le CGEDD rappelle le rôle de pilote de ces trois projets et analyse les questions méthodologiques qu’ils ont posées. Le milieu marin étant moins bien connu que le milieu terrestre, la qualité des analyses y est pour le moment inférieure. Les maîtres d’ouvrage sont donc encouragés à tenir compte de ces incertitudes en les présentant dans leurs études d’impact et en privilégiant le scénario du pire ; et l’Etat à s’impliquer dans cette recherche d’une meilleure connaissance du milieu marin. Le CGEDD salue le choix du maître d’ouvrage du projet de Saint Nazaire d’avoir étudié de manière approfondie les perceptions visuelles du parc et procédé à une contre-expertise de l’impact paysager du parc. Au contraire, les insuffisances du projet de Fécamp sur ce thème, notamment au regard du site d’Etretat,  sont rappelées. L’insuffisante prise en compte des impacts sur la qualité de l’eau causés par la corrosion des fondations est pointée. Le CGEDD recommande enfin un suivi des impacts de ces parcs pour le futur et encourage l’Etat à mettre en œuvre une évaluation environnementale globale des impacts cumulés des différents parcs dans des documents de planification.  

Codification de la partie réglementaire du code de l’énergie

Un décret n°2015-1823 du 30 décembre 2015, publié au JORF n°0303 du 31 décembre 2015 page 25121, a permis la codification de la partie réglementaire du code de l’énergie. La partie réglementaire du code de l’énergie est désormais codifiée aux articles R. 111-1 et suivants de ce code.

Droit de préemption : attention à la rédaction des délégations de signature !

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Avant tout exercice du droit de préemption, il est nécessaire de s’assurer de la régularité des délégations éventuellement accordées pour l’exercice de ce droit. A cet égard, la Cour administrative de Bordeaux a, dans une décision du 17 décembre 2015, apporté des précisions extrêmement intéressantes quant à la rédaction des délégations relatives à l’exercice du droit de préemption (CAA Bordeaux, 17 décembre 2015, n°15BX02085-15BX02227). Les faits soumis à l’appréciation de la Cour administrative d’appel de Bordeaux étaient les suivants. La commune de Bordeaux avait, par un arrêté du 1er juillet 2013, exercé le droit de préemption urbain que lui avait délégué la communauté urbaine de Bordeaux sur un ancien site industriel. L’acquéreur évincé avait demandé l’annulation de cet arrêté. Le Tribunal administratif de Bordeaux avait fait droit à sa demande par un jugement n° 13603234 en date du 7 mai 2015 en concluant que M. X, adjoint au maire, n’était pas compétent pour signer la décision du 1er juillet 2013 « faute de disposer d’une délégation de signature incluant précisément le droit de préemption urbain ». La commune de Bordeaux avait alors relevé appel de ce jugement et demandé le sursis à exécution de ce jugement. Après avoir rapidement écarté un moyen tiré de l’insuffisante motivation du jugement, la Cour administrative d’appel s’est prononcée sur la question de savoir si l’auteur de la décision de préemption était compétent. La Cour a commencé par rappeler qu’aux termes de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : « Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : […] 15° D’exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l’urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l’exercice de ces droits à l’occasion de l’aliénation d’un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l’article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal […] » La Cour a également précisé qu’en vertu de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : « Le maire est seul chargé de l’administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation à des membres du conseil municipal. » En l’espèce, la Cour a constaté que le maire de la commune de Bordeaux avait donné délégation de signature à M. X, adjoint au maire et signataire de l’arrêté attaqué, à l’effet de signer « tous les actes relevant de son champ de délégation », à savoir les « finances et l’administration générale (notamment état civil, recensement, organisation des élections, cimetières, la gestion du patrimoine immobilier communal, les affaires juridiques et informatiques) ». [souligné par nos soins] Or, la Cour administrative d’appel considère à cet égard que : « Cette délégation ne mentionne pas l’exercice du droit de préemption, lequel ne constitue pas, contrairement à ce que soutient la commune, une modalité de gestion du patrimoine immobilier communal, mais un mode d’accroissement de ce patrimoine, soumis au demeurant, compte tenu de l’atteinte qu’il porte aux libertés individuelles, à une procédure spéciale qui encadre ses conditions d’exercice et justifie qu’en cas de délégation consentie pour l’exercice de ce droit, il en soit fait mention expresse dans la décision. » [souligné par nos soins] En conséquence, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux ayant annulé la décision de préemption. Il convient de relever que, dans cette même affaire, le Conseil d’Etat avait déjà donné son avis sur cette question dans le cadre de son office de juge de cassation en matière de référé. Un référé-suspension avait, parallèlement à la procédure au fond, été introduit par l’acheteur évincé devant le Juge des référés du Tribunal administratif de Bordeaux. Celui-ci avait rejeté la demande de suspension et l’acheteur évincé avait alors formé un pourvoi en cassation. Aux termes d’une décision du 2 juin 2014, le Conseil d’Etat avait fait droit à la demande de cassation et, décidant de régler l’affaire au titre des référés, avait suspendu l’exécution de la décision de préemption. Il avait notamment précisé au sein de sa décision que, parmi tous les moyens invoqués, un seul était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée : celui de l’incompétence du signataire. Le Conseil d’Etat avait ainsi estimé que : « Le moyen invoqué par M. C…et tiré de l’incompétence du signataire de l’arrêté du 1er juillet 2013, faute de disposer d’une délégation de signature incluant le droit de préemption urbain, paraît, au vu des pièces versées au dossier en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige. » (Conseil d’État, 1ère sous-section jugeant seule, 2 juin 2014, n°373687). Il résulte de ce qui précède que l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux était prévisible au regard de la position adoptée par le Conseil d’Etat. Il est assez intéressant de relever que la Cour administrative d’appel semble même être allée encore plus loin que le Conseil d’Etat dans son appréciation des délégations de signature concernant le droit de préemption. En effet, à aucun moment dans sa décision, le Conseil d’Etat n’a exigé qu’en cas de délégation consentie pour l’exercice de ce droit, il en soit fait mention expresse dans la décision. Le Conseil d’Etat se bornait à constater qu’en l’espèce la délégation de signature n’incluait pas le droit de préemption urbain. Cela pouvait sous-entendre que le droit de préemption ne relevait pas « la gestion du patrimoine immobilier communal ». En exigeant la mention expresse du droit de préemption dans la délégation, la Cour administrative d’appel paraît donc avoir été encore plus loin que le Conseil d’Etat…

réservoirs aériens de liquides inflammables : nouvelles prescriptions incendies

Par Maître Sébastien BECUE (Green Law Avocat) Un arrêté du 2 septembre 2015 vient modifier l’article 43 de l’arrêté du 3 octobre 2010 relatif au stockage en réservoirs aériens de liquides inflammables soumis à autorisation au titre de la règlementation I.C.P.E., consacré aux prescriptions applicables en matière de lutte contre l’incendie. L’arrêté procède à une réécriture de l’article 43 qui modifie les conditions du recours aux services d’incendie et de secours (les « SIS », dénomination juridique des sapeurs pompiers) par l’exploitant du réservoir (1) et procède à un report des échéances antérieurement prévues (2). 1. La modification des conditions du recours aux SIS Aux termes de l’article 43 de l’arrêté du 3 octobre 2010, l’exploitant d’un réservoir aérien de liquides inflammables soumis à autorisation est tenu d’élaborer une stratégie de lutte contre les incendies au sein de son installation, qui est formalisée dans un plan de défense incendie. Ce plan décrit les procédures organisationnelles à mettre en œuvre en cas d’incendie ainsi que la démonstration de la disponibilité et de l’adéquation des moyens de lutte contre l’incendie au regard de la stratégie définie. En plus des moyens propres dont il dispose, l’exploitant, s’il le souhaite, peut tenir compte de moyens externes, ceux des SIS. Pour ce faire, l’exploitant devait, jusqu’à l’intervention de l’arrêté du 2 septembre 2012, solliciter leur concours directement auprès des SIS, en leur indiquant si l’aide souhaitée avait un caractère temporaire ou permanent. Les SIS devaient donner leur accord pour que l’exploitant puisse compter sur leurs moyens dans l’élaboration de sa stratégie. Cette relation directe entre l’exploitant et les SIS posaient parfois des difficultés auxquelles l’arrêté du 2 septembre 2012 met un terme en prévoyant que dorénavant l’exploitant doit solliciter le concours des SIS auprès du préfet, et non plus auprès d’eux directement. L’accord du préfet se matérialisera dans un arrêt préfectoral. Le recours ou non aux SIS avait une influence sur les moyens en eau et émulseurs dont l’exploitant doit disposer sur son site, l’arrêté prévoit désormais que cette option a aussi un impact sur les taux d’application et durées d’extinction à prendre en compte (annexes V et VI de l’arrêté du 3 octobre 2010). 2. Report des échéances Les exploitants sont tenus d’élaborer un plan de défense incendie avant le 31 décembre 2016 (contre le 31 décembre 2013 précédemment). Les demandes de recours aux moyens des SIS doivent être quant à elles transmises au préfet avant le 30 juin 2016. Enfin, les nouvelles dispositions sur les taux d’application et durées d’extinction doivent être mises en œuvre par l’exploitant : – Avant le 31 décembre 2018 s’il n’a pas recours aux moyens des SIS ; – Avant le 30 juin 2020 s’il a sollicité ce recours mais que celui-ci lui a été refusé par le préfet ; – Avant le 30 juin 2022 s’il a obtenu ce recours auprès du préfet.