La créance de dépollution : une créance non-privilégiée

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) La créance de dépollution ne bénéficie pas d’un paiement préférentiel au sein d’une procédure de liquidation judiciaire lorsqu’elle n’est pas née pour les besoins de la procédure. C’est ce qu’affirme la Cour de cassation dans un arrêt en date du 5 février 2020. (Com. 5 fév. 2020, n°18-23961) La détermination du caractère préférentiel de la créance est d’une importance primordiale : une créance postérieure née régulièrement pour les besoins de la procédure bénéficie d’un paiement à échéance (C. de com. art. L 641-13). La créance de dépollution et de remise en état se fonde sur le principe du pollueur-payeur au titre des articles L 512-6-1 et L 512-7-6 du code de l’environnement. Ainsi la charge de la dépollution incombe au dernier exploitant du bien pollué, en l’espèce la société locataire. Partant le fait générateur de cette obligation de dépollution est l’arrêt définitif de l’exploitation. Pour justifier sa décision, la Cour de cassation écarte la qualification de créance née pour les besoins de la procédure collective. La créance ne sera donc réglée que si le bailleur en fait la déclaration au liquidateur conformément à l’article L 622-24 du code de commerce. Il faut également en déduire que la créance de dépollution a très peu de chance d’être payée dans des procédures en carence. Par exemple, dans un arrêt de la cour d’appel de Grenoble en date du 23 Octobre 2014, la responsabilité du liquidateur n’avait pas été retenue car ce dernier ne disposait pas des fonds nécessaires au règlement de la dépollution (CA Grenoble, 23 oct. 2014, n° 10/03524). Cependant il convient de nuancer la la position adoptée. La créance n’est pas née pour les besoins de la procédure « dès lors que le bail n’était ni poursuivi ni cédé à un repreneur, la remise en état et dépollution du site sur lequel était exploité l’entreprise débitrice n’était en rien nécessaire aux opérations de liquidation judiciaire ». (Com. 5 fév. 2020, n°18-23961) Nous pouvons alors supposer qu’en cas de cession dans le cadre de la procédure, le liquidateur aurait dû remettre en état et dépolluer l’installation classée. De plus, il faut rappeler que le préfet peut mettre en œuvre, en cas de liquidation judiciaire de l’exploitant,  les garanties financières qui s’imposent pour certaines installations classées (C. envir. art. L 516-1 et R 516-3). D’ailleurs, au sujet d’une procédure sauvegarde, la Cour de cassation a déjà reconnu comme fait générateur d’une créance de dépollution l’arrêté préfectoral ordonnant au débiteur la consignation des sommes correspondant au montant des travaux à réaliser. (Com. 17 sept. 2002, n°99-16.507) Enfin, selon le Conseil d’Etat, les dispositions du droit des entreprises en difficulté « ne font pas obstacle à ce que l’administration fasse usage de ses pouvoirs, notamment de police administrative, qui peuvent la conduire, dans les cas où la loi le prévoit, à mettre à la charge de particuliers ou d’entreprises, par voie de décision unilatérale, des sommes dues aux collectivités publiques ». (CE 28 septembre 2016, 384315, Act. Proc. Coll. 2016, obs. D. Voinot ; AJDA 2016. 1839 ) La place de la créance de dépollution au sein de la procédure collective dépend visiblement de l’action de l’administration. Il faut également compter avec les pouvoir de sanction administrative dont dispose le préfet à l’égard du liquidateur et trop souvent malheureusement avec l’inertie du premier et la mauvaise volonté du second…