Indemnisation des pertes liées au covid
Par Maître Ségolène REYNAL (Green Law Avocats) Un restaurateur a saisi le juge des référés afin de voir condamner son assureur à lui indemniser son préjudice constitué par les pertes d’exploitation résultant de la fermeture administrative de son restaurant. Par une ordonnance en date du 22 mai 2020, le Tribunal de commerce de Paris a condamné AXA à verser « à titre de provision » 45.000 € pour les pertes d’exploitation ainsi que 5.000 euros pour compenser les frais d’avocats engagés par le restaurateur. Un expert judiciaire a également été nommé pour évaluer le montant du préjudice subi par la perte d’exploitation. Le restaurateur avait conclu avec AXA un contrat « perte d’exploitation ». Ces contrats sont conçus pour indemniser les entreprises subissant un sinistre entrainant une baisse d’activité et donc une baisse de leur chiffre d’affaires. Les conditions particulières du contrat d’assurance prévoyaient que la « garantie est étendue à la fermeture administrative imposée par les services, de police ou d’hygiène ou de sécurité ». Le juge de référés a donc examiné le caractère sérieux ou non de la contestation l’obligation d’indemnisation des pertes d’exploitation. (Tribunal de commerce de Paris, 22 mai 2020, n°2020/017022) Pour cela il a fait à la fois une lecture stricte des termes du contrat d’assurance et une appréciation large de la notion de fermeture administrative Le rejet par le juge du caractère inassurable du COVID-19 dès lors que cela n’est pas expressément prévu dans le contrat d’assurance L’assureur opposait à son assuré un refus d’indemnisation compte tenu, notamment, du caractère inassurable de l’épidémie de Covid-19 et de ses conséquences dommageables. Or, le juge opère une lecture stricte du contrat et décide qu’il incombait à l’assureur de prévoir expressément dans le contrat d’assurance l’exclusion du risque de pandémie, sans quoi il ce risque ne peut être exclu de l’assurance souscrite. Pour cela le juge vise les dispositions relatives à la force exécutoire des contrats et à la leur exécution de bonne foi (article 1103 et 1104 du code civil). De plus, le juge souligne qu’AXA ne s’appuyait sur aucune disposition d’ordre public qui appuierait le caractère inassurable d’une conséquence d’une pandémie. A contrario, dans le cas de certains festivals comme le HELLFEST, le contrat d’assurance excluait explicitement les « épidémies ». (https://www.green-law-avocat.fr/annulation-dun-festival-pour-cause-de-covid-19-linterpretation-divergente-du-contrat-dassurance-du-hellfest/). Le juge décide donc que la pandémie doit être expressément exclu dans le contrat d’assurance pour que l’assureur puisse refuser une indemnisation. Le juge a également fait une appréciation large de la notion de « décision administrative » présente dans le contrat d’assurance. L’appréciation large de la notion de décision administrative Selon AXA, l’arrêté gouvernemental du 14 mars 2020 interdisant aux établissements d’accueillir du public ne constituait pas une décision de fermeture administrative car prise par le ministre de la santé. Le juge décide que, « que ce soit le préfet ou le ministre, en droit français, il s’agit dans les deux cas d’une décision administrative, et aucune exclusion contractuelle ne vise le ministre » De plus, les conditions particulières ainsi qu’un intercalaire SATEC mentionnaient la fermeture administrative comme une extension de la perte d’exploitation. Enfin, AXA considérait que ce texte n’empêchait pas le restaurant de maintenir son activité en pratiquant la livraison à domicile et la vente à emporter. Or le juge souligne que le restaurant n’a jamais pratiqué la vente à emporter ni la livraison et que donc la mise ne place d’une telle activité n’était pas autorisée. Dès lors l’arrêté ministériel doit être interprété comme une décision administrative au sens du contrat d’assurance, et AXA doit indemnisé le restaurant pour les pertes d’exploitation subis à la suite de la fermeture administrative de son restaurant. Face à une telle décision encourageante pour les restaurants, une soixantaine de chefs, dont plusieurs étoilés comme Gérald Passédat, Marc Veyrat, Michel Saran et Gilles Goujon, ont revendiqué que les assurances doivent impérativement prendre en charge la perte d’exploitation pour tous à hauteur de 15 à 25 %. Ils ont également lancé un fonds de garantie. Mais qu’en est-il des autres professionnels qui ont également subis des pertes d’exploitation ? Les restaurateurs ne sont pas les seuls à avoir subi une forte perte d’exploitation due à la crise du COVID19, nous pensons aux notamment à tous les professionnels du monde agricole qui n’ont pu vendre leur production sur les marchés. Le présente ordonnance, si elle est confirmée, trouverait à s’appliquer dès lors qu’un contrat a été souscrit n’excluant pas explicitement les cas de pandémie et d’épidémie. Ainsi, les assurés ont donc tout intérêt, avant d’introduire une action, de procéder à une lecture attentive des stipulations de leur police. Toutefois, cette décision n’est pas définitive puisqu’AXA a fait appel de l’ordonnance. Affaire à suivre …