définition d’un ouvrage constituant un obstacle à la continuité écologique

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Un décret n° 2019-827 du 3 août 2019 (téléchargeable ici), pris en application des articles L. 214-17 et L. 214-18 du code de l’environnement, modifie diverses dispositions du même code relatives à la notion d’obstacle à la continuité écologique et au débit à laisser à l’aval des ouvrages en rivière (JORF n°0181 du 6 août 2019, texte n° 2). Il intéressera en particuliers les exploitants d’ouvrages de type seuil ou barrage de prise d’eau en lit mineur de cours d’eau. Ce texte entre en vigueur au lendemain de sa publication et précise, à l’article R. 214-109 du code de l’environnement, la définition des ouvrages constituant un obstacle à la continuité écologique et dont la construction ne peut être autorisée sur les cours d’eau classés au titre du 1° du I de l’article L. 214-17. Il crée par ailleurs un nouveau cas de cours d’eau au fonctionnement atypique, prévus à l’article L. 214-18, pour lesquels le respect des planchers au 10è ou au 20è du module n’est pas pertinent, visant les cours d’eau méditerranéens à forte amplitude naturelle de débit, aux étiages très marqués. L’ancien article R. 214-109 du Code de l’environnement créé par un décret du 14 décembre 2007 précise la notion de continuité écologique au sens des dispositions des articles L.214-17 à L. 214-19. Un obstacle est au sens de cet ancien article, un ouvrage qui ne permet pas la libre circulation des espèces, qui empêche le bon déroulement du transport naturel des sédiments, interrompt les connexions latérales avec les réservoirs biologiques, affecte substantiellement l’hydrologie des réservoirs biologiques. L’article R. 214-109 du Code de l’environnement est réécrit de façon à préciser la notion d’obstacle à la continuité écologique. L’article R. 214-109 intègre désormais dans sa définition de nouveaux ouvrages faisant obstacle à la continuité écologique. Il s’agit des « ouvrages qui affectent substantiellement l’hydrologie des cours d’eau, à savoir la quantité, la variabilité, la saisonnalité des débits et la vitesse des écoulements. Entrent dans cette catégorie, les ouvrages qui ne laissent à leur aval immédiat que le débit minimum biologique prévu à l’article L.214-18, une majeure partie de l’année ». Le volet réglementaire modifié par ce nouvel alinéa propose une définition plus étendue de l’ouvrage faisant obstacle à la continuité écologique des cours d’eau. Le décret précise aussi que les ouvrages qui ne peuvent pas être reconstruits seront assimilés à des ouvrages faisant obstacle à la continuité écologique dans les deux cas suivants ; si « l’ouvrage est abandonné ou ne fait plus l’objet d’un entretien régulier, et est dans un état de dégradation tel qu’il n’exerce plus qu’un effet négligeable sur la continuité écologique » et si « l’ouvrage est fondé en titre et sa ruine est constatée en application de l’article R. 214-18­1 ». Le décret crée en outre un nouveau cas de cours d’eau présentant un fonctionnement atypique, tel que précisé à l’article L. 214-18 du Code de l’environnement. Les ouvrages dans ce type de cours d’eau devront néanmoins respecter les règles relatives à un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l’installation de l’ouvrage. La modification par le décret de l’article R. 214-111 du Code de l’environnement concerne quant à elle des précisions techniques et la définition du cours d’eau méditerranéen dans les départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, du Var, des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, du Gard, de l’Hérault, de l’Aude, des Pyrénées-Orientales, de la Drôme, de l’Ardèche ou de la Lozère. La parution de ce décret pourrait produire un contentieux relatif à la continuité écologique et aux ouvrages hydroélectrique en ruine. S’il semble acquis que les dispositions réglementaires obligent le magistrat à vérifier caractéristiques d’un ouvrage pour s’assurer qu’il met en œuvre la continuité écologique (v. CE, 11 déc. 2015, nº 367116, Association France Énergie Planète), la formulation opéré par le décret laisse à penser que la perturbation occasionnée par le non-entretien d’un ouvrage en ruine disqualifie « le droit d’eau » réservé à un ouvrage situé sur le cours d’eau. Des questionnements quant à la qualification de ruine et d’ouvrage faisant obstacle à la continuité écologique sont à prévoir compte tenu de la jurisprudence récente du Conseil d’État du 24 avril 2019 (v. Conseil d’État 2019, 24 avril 2019, n° 420764). Ainsi, dans ce cas un ouvrage hydraulique faisant obstacle à la continuité écologique et ayant une brèche dans sa structure sera-t-il toujours considéré comme n’étant pas une ruine ? La requalification d’un tel ouvrage au regard de la réécriture de l’article R214-109 du Code de l’environnement pourrait être envisagée dans le cadre d’une exploitation hydroélectrique des cours d’eau et de l’abandon de certains ouvrages. L’appréciation prétorienne nous semble dans ce cas pour le moment insuffisante.

Continuité écologique : un projet de décret relatif à la notion d’obstacle à la continuité écologique

Par Maître Fanny ANGEVIN (Green Law Avocats)   Un projet de décret visant la modification de deux articles du code de l’environnement est en consultation jusqu’au 27 août prochain. Ce projet de décret porte sur les articles R. 214-109 et R. 214-111 du code de l’environnement, tous deux relatifs aux obligations faites aux ouvrages en lit mineur de cours d’eau. Le premier article du projet de décret porte sur la modification de la définition d’obstacle à la continuité écologique, qui est actuellement prévue à l’article R. 214-109 du code de l’environnement. Cette nouvelle rédaction de l’article vise notamment à « sécuriser la protection supplémentaire voulue par le classement en liste 1 en précisant les types d’ouvrages visés et en limitant la définition aux seuls ouvrages dont la construction ne peut pas être autorisée sur ces cours d’eau particuliers » (voir note de présentation du projet). La formulation de l’article proposée est la suivante : « R. 214-109 : I. Constituent un obstacle à la continuité écologique, dont la construction ne peut pas être autorisée sur les cours d’eau classés au titre du 1° du I de l’article L. 214-17, les ouvrages suivants :  1° les seuils ou les barrages en lit mineur de cours d’eau atteignant ou dépassant le seuil d’autorisation du 2° de la rubrique 3.1.1.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1, et tout autre ouvrage qui perturbe significativement la libre circulation des espèces biologiques vers les zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri, y compris en faisant disparaître ces zones ; Ne sont pas concernés les seuils ou barrages à construire pour la sécurisation des terrains en zone de montagne dont le diagnostic préalable du projet conclut à l’absence d’alternative ; 2° les ouvrages qui empêchent le bon déroulement du transport naturel des sédiments ; 3° les ouvrages qui interrompent les connexions latérales, avec les réservoirs biologiques, les frayères et les habitats des annexes hydrauliques, à l’exception de ceux relevant de la rubrique 3.2.6.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 en l’absence d’alternative permettant d’éviter cette interruption ; 4° les ouvrages qui affectent substantiellement l’hydrologie des cours d’eau, à savoir la quantité, la variabilité, la saisonnalité des débits et la vitesse des écoulements. Entrent dans cette catégorie, les ouvrages qui ne laissent à leur aval immédiat que le débit minimum biologique prévu à l’article L.214-18, une majeure partie de l’année. Constitue une construction au sens du 1° du I de l’article L. 214-17 toute construction d’un nouvel ouvrage entrant dans l’un des cas visés au I, ou toute reconstruction d’un tel ouvrage dès lors que, du fait de son état physique, la continuité écologique est restaurée naturellement en quasi-totalité, à l’exception d’une reconstruction dont les démarches administratives et techniques sont entreprises dans un délai raisonnable à la suite d’une destruction liée à des circonstances de force majeure ou de catastrophe naturelle.» Le second article du décret porte quant à lui sur les modalités d’application de l’article L. 214-18 du code de l’environnement, qui prévoit l’obligation de laisser à l’aval des ouvrages en lit mineur un débit minimum biologique. L’article prévoit cependant des exceptions au principe précité et notamment pour les cours d’eau au fonctionnement atypique, dont l’article R. 214-111 du code de l’environnement fixe les critères. Le projet de décret modifie l’article R. 214-111 du code de l’environnement afin d’ajouter un type de cours d’eau atypiques : les cours d’eau méditerranéens dont le débit mensuel sec annuel est inférieure au 10e du module : « L’article R. 214-111 est ainsi modifié : « Au 2° les mots « barrage de classe A » sont remplacés par les mots « barrage d’une hauteur supérieure ou égale à vingt mètres » et les mots « de même nature » sont remplacés par « répondant également à l’un de ces deux critères » ; « L’article est complété par un 4° ainsi rédigé : « 4° Il s’agit d’un cours d’eau méditerranéen dont le débit moyen mensuel sec annuel, dit QMNA moyen, est inférieur au 10ème du module. On entend par cours d’eau méditerranéens, les cours d’eau à forte amplitude naturelle de débit situés dans le bassin de Corse et dans les départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-HauteProvence, des Alpes-Maritimes, du Var, des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, du Gard, de l’Hérault, de l’Aude, des Pyrénées -Orientales, de la Drôme, de l’Ardèche et de la Lozère du bassin Rhône-Méditerranée. Dans le cas prévu au 4°, la fixation d’un débit minimal inférieur est toutefois subordonnée aux conditions cumulatives suivantes :  – le respect du débit minimum du 20ème du module ne permet pas de satisfaire les prélèvements ayant pour objet l’alimentation en eau potable ou l’irrigation gravitaire, en période d’étiage, alors que toutes les mesures d’économie d’eau techniquement et économiquement réalisables ont été recherchées, et que leur mise en œuvre est programmée ; – la fixation du débit minimal inférieur est limitée à la période d’étiage estival, et à une durée de trois mois maximum ; – ce débit minimal inférieur n’est pas inférieur au 40ème du module. »   Ce projet de décret vise donc globalement à un meilleur encadrement de la définition de continuité écologique et à assouplir les règles relatives à l’obligation de conservation d’un débit minimum en aval des ouvrages en lit mineur. Les personnes intéressées par ces modifications ont jusqu’au 27 août pour faire parvenir leurs observations dans le cadre de la consultation en cours.