Rénovation énergétique : tour de vis réglementaire après un bilan sévère de la DGCCRF

Par Maître David Deharbe (GREEN LAW AVOCATS) Par un arrêté du 13 avril 2021 (JORF n°0090 du 16 avril 2021, Texte n° 2), le Ministère de la Transition écologique modifie le cadre des opérations permettant de bénéficier du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) mis en place par la  loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 . En fonction de la nature ou le destinataire de l’opération de rénovation énergétique, il est possible d’obtenir une bonification des certificats, comme par exemple une multiplication par trois des certificats délivrés suites aux opérations réalisées pour des ménages en situation de grande précarité énergétique. Ces opérations peuvent par ailleurs faire l’objet de fiches standardisées précisant la nature et la teneur des travaux à effectuer. Le présent arrêté modifie l’arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application du dispositif des certificats d’économies d’énergie en précisant, à compter de 2022, les parts forfaitaires du gaz de pétrole liquéfié et du fioul domestique pris en compte pour la fixation des obligations d’économies d’énergie auxquelles sont soumis les obligés. La part des volumes de fioul domestique destinée aux ménages et aux entreprises du secteur tertiaire est fixée à 0.863 fois le total de fioul domestique mis à la consommation entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025. Cette part est fixée à 0.31 fois le total des gaz de pétroles liquéfiés mis à la consommation lorsqu’ils sont utilisés comme carburant automobile. Ce nouvel arrêté  met fin aux bonifications prévues pour les ménages en situation de grande précarité énergétique à compter du 1er mai 2021 pour les opérations relatives aux fiches d’opérations standardisées BAR-EN-101 « Isolation de combles ou de toitures » et BAR-EN-103 « Isolation d’un plancher » et à compter du 1er janvier 2022 pour les autres opérations. L’échéance des Coups de pouce « Chauffage », « Chauffage des bâtiments tertiaires », « Rénovation performante de bâtiment résidentiel collectif » et « Rénovation performante d’une maison individuelle » est portée à fin 2025. Dans le cadre du Coup de pouce « Chauffage », la bonification correspondant au remplacement d’une chaudière au charbon, au fioul ou au gaz hors condensation par une chaudière au gaz à très haute performance énergétique ainsi que la bonification relative au remplacement d’un émetteur électrique fixe à régulation électromécanique et à sortie d’air par un émetteur électrique à régulation électronique à fonctions avancées prennent fin à compter du 1er juillet 2021. Il est ajouté une condition relative à la date d’achèvement des opérations concernant le Coup de pouce « Thermostat avec régulation performante ». Les bonifications et les incitations financières du Coup de pouce « Isolation » sont modifiées à compter du 1er  juillet 2021 et la nouvelle charte s’applique aux opérations engagées jusqu’au 30 juin 2022 ; à compter du 1er  janvier 2022, il est mis fin à la bonification prévue à l’article 5. L’arrêté du 13 avril 2021 prévoit encore l’expiration automatique de toute fiche créée ou modifiée à compter du 1er juillet 2022 et non modifiée dans un délai de cinq ans suivant sa création ou modification. L’arrêté du 13 avril 2021, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 17 avril 2021, a ainsi modifié l’ arrêté du 22 décembre 2014 définissant les fiches d’opérations standardisées, ainsi que l’ arrêté du 29 décembre 2014 précisant les modalités d’application du dispositif des CEE. Ce nouveau texte intervient dans un contexte où la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) critique encore très sévèrement dans une enquête de 2020 les entreprises spécialisées dans la rénovation énergétique des logements. L’enquête a fait ressortir un taux d’établissements ayant des pratiques irrégulières de 49 %, ce qui reste élevé. Elle a donné lieu à un nombre de suites très important, avec la rédaction de 130 avertissements, 115 injonctions administratives, 100 procès-verbaux pénaux et 50 procès-verbaux administratifs. Il convient de noter que 74 % des entreprises contrôlées en anomalie se sont révélées être détentrices du label RGE (Reconnu Garant de l’Environnement). Les infractions et manquements relevés relèvent pour la plupart : du non-respect des droits des consommateurs en matière de vente hors établissement commercial (non-respect de droit de rétractation) ; de manquements relatifs à l’information précontractuelle sur les prix et les conditions particulières de vente ; de la violation des règles applicables au crédit affecté ; de l’usage de pratiques commerciales trompeuses, voire agressives. Certains professionnels abusent le consommateur de la prise de contact à la conclusion du contrat, et vont parfois jusqu’à imposer la réalisation de travaux en raison de prétendus programmes publics, audits énergétiques gratuits, d’homologations, de commissions « officielles », qui sont en réalité inexistants. Cette enquête a permis de constater que les dispositifs « coups de pouce », tels que celui dénommé « isolation à 1 € », ont conduit à la mise en place de réseaux de fraude à grande échelle, qui abusent les consommateurs, notamment les plus fragiles, nuisent à la crédibilité des dispositifs gouvernementaux, à la bonne utilisation des deniers publics, mais aussi aux professionnels qui opèrent dans les règles de l’art. Il a notamment été constaté que la sous-traitance généralisée et en cascade des travaux d’isolation constitue une source notable d’abus. Ainsi le rapport fait un focus sur cette affaire jugée en correctionnelle. La DGCCRF a initié en 2019 une enquête portant sur les pratiques de cinq sociétés sarthoises proposant la réalisation de travaux de rénovation énergétique à la suite de nombreuses plaintes de consommateurs. Les investigations, conduites par les DDPP de la Sarthe et de la Mayenne, avec l’appui de la Gendarmerie nationale et de la Police nationale, ont conduit à des perquisitions suivies de gardes à vue en janvier 2020. Le jugement, rendu le 31 août 2020 par le tribunal judiciaire du Mans, a permis d’obtenir des condamnations exemplaires à l’encontre des personnes tant physiques que morales impliquées dans ce dossier. Cette décision est frappée d’appel. Les infractions sanctionnées relèvent notamment de pratiques commerciales agressives, abus des biens ou du crédit d’une société…

Transition énergétique, environnement et développement durable dans le rapport d’activité 2019 de la DGCCRF

par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le 27 juillet 2020, la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a publié, avec un peu de retard, son bilan d’activité pour l’année 2019 : téléchargeable ici. La directrice générale met en avant deux thématiques qui ont surtout marqué les actions entreprises par l’administration de contrôle. Il y a d’un côté la nécessaire augmentation des contrôles dans le domaine de la transition énergétique et d’un autre côté il y a la lutte contre les fraudes du quotidien, au premier rang desquelles le démarchage abusif . Parallèlement à cette recrudescence de fraudes de nombreuses enquêtes ont été menées dans le secteur de l’Habitat ainsi que le démontre le bilan d’activité. La directrice générale met notamment un point d’orgue sur la question de la rénovation énergétique en indiquant qu’elle est « à l’interface [des] deux thématiques » ci-dessus mentionnées. La rénovation énergétique des logements a occupé une grande partie des actions de l’administration suite au développement des offres d’ « isolation à 1 euro » qui ont fait l’objet de fraudes caractérisées par un nombre accru de démarchages téléphoniques agressifs. Au vu du nombre croissant de ces fraudes, la DGCCRF réaffirme son rôle dans la protection économique des consommateurs pour « lutter contre le préjudice financier pour les ménages, la concurrence déloyale pour les professionnels sérieux et garantir le succès de la mise en œuvre d’une politique publique prioritaire », ainsi que l’a souligné la directrice générale. En 2019, à la suite de nombreuses plaintes la DGCCRF a exercé un contrôle plus étroit afin de lutter contre les pratiques déloyales des professionnels dans le secteur de la rénovation énergétique des bâtiments. Le bilan d’activité recense les différents contrôles menés et fait état de plusieurs chiffres alarmants : 469 établissements contrôlés dont les entreprises du BTP, les prestataires, les démarcheurs, sous-traitants, artisans, associations, établissements de crédit, sociétés de domiciliation, etc. 56% établissement en anomalie 69% établissements RGE 234 avertissements, 163 injonctions administratives, 74 procès-verbaux administratifs et 180 procès verbaux pénaux. En outre, la DGCCRF a initié plusieurs procédures de saisie pénale, visant les biens des gérants de sociétés peu scrupuleuses dans les Hauts-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes, pour des montants pouvant atteindre plus d’un million d’euros. Ces procédures ont permis de geler les avoirs dans l’attente du jugement au fond, évitant ainsi qu’ils soient mis hors de portée de la justice Parmi les manquements répertoriés on retient du bilan d’activité « le non-respect des droits des consommateurs en matière de vente hors établissement commercial, des règles relatives à l’information précontractuelle sur les prix et les conditions particulières de vente, la violation des règles applicables au crédit affecté et l’usage de pratiques commerciales trompeuses, voire agressives. » Les plaintes concernaient majoritairement les certificats d’économie d’énergie avec en première ligne les opérations d’isolation des combles à 1 euro. Avant la publication du bilan d’activité les nombreuses fraudes constatées ont fait naître diverses mesures dans le domaine de la rénovation énergétique. Comme la récente réforme du label RGE qui vient s’ancrer dans la lutte contre les fraudes dans le secteur de la transition énergétique. Par un arrêté en date du 5 juin 2020, le Gouvernement a ainsi renforcé le contrôle pour la délivrance de la qualification RGE pour les entreprises. En outre, l’aide d’Etat MaPrimRenov mise en place pour financer les travaux de rénovation énergétique dans les logements lancée en janvier dernier doit déjà faire face à des modifications qui ont vu le jour le 15 juillet 2020. Ces évolutions ont touchées les travaux d’isolation thermique. Afin d’éviter les surfacturations, la surface de rénovation couverte par cette aide s’est vu diminuer ainsi que le montant des forfaits pour les ménages modestes et très modestes. Sur le terrain de la sécurité sanitaire des produits et de leur contamination environnementale, le rapport apporte encore des enseignements intéressants. Comme le rappelle le rapport « La DGCCRF mène des enquêtes et réalise des actions de contrôle sur les produits de consommation alimentaires et non alimentaires. Elle gère les situations d’alerte et de crise en cas de doute sur la sécurité d’un produit ou de risque avéré pour les consommateurs et s’appuie sur un réseau de laboratoires qui effectuent des analyses des produits suspectés de présenter un risque pour la santé ou la sécurité des particuliers.Rattachée au cabinet de la directrice générale, l’Unité d’alerte (UA) coordonne les mesures à prendre pour faire cesser les dangers signalés sur des produits de consommation (alimentaires ou non alimentaires) et protéger les consommateurs (mesures de retrait du marché et de rappel des produits, actions d’information…). Elle s’assure de la réactivité et de la cohérence de l’action de l’État et intervient en lien étroit avec les services déconcentrés, les autres ministères concernés (Agriculture et Santé notamment) et les instances nationales et européennes d’évaluation et de gestion des risques. » En 2019, l’Unité d’alerte a ainsi géré 1504 alertes, dont 488 ont fait l’objet d’un rappel auprès des consommateurs, et émis 132 enregistrements sur les réseaux d’alertes européens. Sur le terrain des risques sanitaires on relève le rôle de la Direction dans la gestion du risque de contamination des laits infantiles avec une alerte as de salmonelloses à Salmonella poona chez des nourrissons de moins de un an du fait de la consommation des produits de nutrition infantile à base de protéines de riz. Les alertes de janvier 2019 ont donné lieu à des retraits-rappels de gammes de laits sur notre territoire et contaminés depuis leur production en Espagne. De même 802 contrôles d’effectivité des mesures menés par les enquêteurs de la DGCCRF ont permis de suivre la prise en charge des rappels par les professionnels depuis l’«affaire Lactalis » de 2017. On apprend ainsi que la Direction s’est encore inquiétée des teneurs préoccupantes en alcaloïdes opiacés dans des produits de boulangerie, les conclusions de l’enquête ayant révélé que l’origine de l’alerte était due à l’utilisation de graines de pavot insuffisamment nettoyées. La DGCCRF a partagé les résultats de ses investigations avec la Commission européenne et les experts des autres Etats membres. Les discussions devraient…