Hydrocarbures : refus d’un permis fondé sur la réduction des émissions de GES

Hydrocarbures : refus d’un permis fondé sur la réduction des émissions de GES

Par David DEHARBE, avocat gérant et Mathieu DEHARBE, juriste (Green Law Avocats)

Dans ce contexte de limitation du recours aux énergies fossiles, les sociétés European Gas Limited et EG Lorraine se sont vues refuser l’octroi de leurs permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux.

Les deux sociétés ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler les décisions par lesquelles le ministre chargé des mines a rejeté leur demande.

Alors que le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions de refus litigieuses, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel formé par le ministre.

Pour la juridiction d’appel, l’administration ne pouvait rejeter la demande des sociétés pétitionnaires au seul motif que le projet méconnaissait les objectifs de cette politique énergétique.

Pour autant, cette décision de refus du ministre peut-elle être reposée sur un motif d’intérêt général fondé sur la réduction des émissions de gaz à effet serre ?

Saisi du pourvoi contre cet arrêt, le Conseil d’État répond par l’affirmative et en déduit que la cour administrative a commis une erreur de droit (CE, 24 juillet 2024, point 4, req. n°471780 et 471782).

Le préjudice écologique reconnu suite à la pollution de l’estuaire de la Loire par la raffinerie de Donges (CA RENNES, 9 déc.2016)

Par Graziella Dode – Green Law Avocats Par un arrêt du 9 décembre 2016, la Cour d’appel de Rennes a reconnu l’existence d’un préjudice écologique suite à la fuite d’hydrocarbures causée le 16 mars 2008 par une rupture de tuyauterie à la raffinerie Total de Donges (Loire-Atlantique). La société a été condamnée à verser 80 005 euros à la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO). Cette évaluation a été effectuée par un expert sur la base d’un volume de fuite évalué à 1 500 m3 d’hydrocarbures. La Cour, statuant sur renvoi par la Cour de cassation, a estimé qu’il y a eu « une atteinte non négligeable à la faune avicole pendant deux années » au cœur de l’estuaire de la Loire qui comporte « 20 000 hectares de zones humides, lesquelles accueillent chaque année plusieurs dizaines de milliers d’oiseaux ». L’action en justice, engagée par la LPO, avait donné lieu à un premier jugement du Tribunal correctionnel de Saint-Nazaire le 17 janvier 2012. Les juges avaient condamné la société Total raffinage marketing à une amende de 300 000 euros et à verser près de 500 000 euros d’indemnités aux parties civiles pour les infractions de « rejet en mer ou eau salée de substances nuisibles pour le maintien ou la consommation de la faune ou de la flore et de déversement de substances entraînant des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la faune ou à la flore », sans toutefois reconnaître le préjudice écologique au profit de l’association. Celle-ci avait alors fait appel mais la Cour d’appel de Rennes, le 27 septembre 2013, n’avait pas fait droit à sa demande d’indemnisation du préjudice écologique. Le 22 mars 2016, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes, qui, tout en reconnaissant l’existence d’un préjudice écologique, a refusé de l’indemniser au motif de l’insuffisance ou de l’inadaptation du mode d’évaluation de ce préjudice effectué par l’association. La Haute juridiction estime qu’il revenait aux juges du fond de « chiffrer, en recourant, si nécessaire, à une expertise, le préjudice écologique ». Elle a également rappelé que le préjudice consiste en l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement et découlant de l’infraction ; et que la remise en état prévue par l’article L. 162-9 du code de l’environnement n’exclut pas une indemnisation de droit commun que peuvent solliciter, notamment, les associations habilitées, visées par l’article L. 142-2 du même code. Selon elle, « il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe et d’en rechercher l’étendue ». Ces arrêts ont été rendus notamment sur le fondement de l’article 1382 (ancien) du Code civil, tel qu’appliqué dans l’affaire Erika. Cependant, la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages est venue préciser le régime juridique de réparation du préjudice écologique. Un nouvel article 1386-19 du code civil précisera désormais que « Toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer ». Les articles suivants fixent les conditions de l’action en réparation, la prescription de 10 ans, ou encore la définition de ce préjudice : « Est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». Cette notion d’atteinte non négligeable démontre que tous les préjudices à l’environnement ne seront pas réparables.