Fraude aux CEE : pas de retrait du nouveau compte détenteur

Par Maître David DEHARBE, Green Law Avocats Par un jugement avant dire droit n° 1802640 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Dijon, avant de statuer sur la demande de la Société ayant acquis des certificats d’économie d’énergie (CEE) tendant à l’annulation de la décision du ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en date du 28 juin 2018 prononçant leur retrait, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en sollicitant un avis contentieux. Le Tribunal a soumis à l’examen de la la Haute juridiction la question de savoir si, dans l’hypothèse où des certificats ont été obtenus par fraude de leur premier détenteur, l’administration peut se fonder sur cette fraude pour prononcer le retrait du volume correspondant inscrit sur le compte de la société détentrice de ces certificats, alors même qu’aucun élément ne permet de considérer que cette dernière était en mesure d’en connaître le caractère frauduleux lors de leur inscription sur son compte. Le juge du fond, en cas de réponse positive à la question précédente, demandait encore au Conseil d’Etat s’il y a lieu d’élargir les conditions d’application de la solution dégagée par la décision du Conseil d’Etat n° 407149, 407198 du 5 février 2018 et de considérer que, lorsque l’administration constate que les certificats d’économie d’énergie inscrits au compte d’une société ont été obtenus par fraude de leur détenteur initial, elle doit apprécier, sous le contrôle restreint du juge, l’opportunité de procéder ou non au “retrait” de ces certificats du compte de cette société, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de ces certificats soit de leur retrait. Le Conseil d’Etat répond dans un avis rendu le 24 février 2021 n°447326 (téléchargeable ici) que le second détenteur de certificat d’énergie ne peut pas se les voir annuler en raison de la fraude commise par leur premier détenteur. Etait en cause l’articulation des dispositions du Code de l’énergie et du CRPA (code des relations entre le public et l’administration) relative au cadre général du retrait des actes administratifs. On sait que l’article L. 241-2 du CRPA dispose que “Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré.” Aux visas des articles L. 221-1, L. 221-7, L. 221-8, R. 221-26 et L. 222-8 du code de l’énergie, le Conseil d’Etat considère « qu’en définissant aux articles L. 22262 et L. 22-8 du code de l’énergie que les sanctions administratives et pénales auxquelles s’expose l’auteur d’un manquement aux dispositions législatives et réglementaires relatives aux certificats d’économie d’énergie, le législateur a déterminé l’ensemble des conséquences légales susceptibles d’être tirées d’un tel manquement ». « Par suite, lorsque le ministre chargé de l’énergie établit que les certificats d’économie d’énergie ont été obtenus de manière frauduleuse par leur premier détenteur, il peut prononcer à l’encontre de celui-ci, dans les conditions et selon la procédure prévue au code l’énergie, les sanctions mentionnées à l’article L. 222-2 de ce code et notamment, en application du 3° de cet article, l’annulation des certificats d’économie d’énergie qu’il déteint, pour un volume égal à celui concerné par la fraude. Mais ces dispositions particulières font obstacle à ce que le ministre puisse, indépendamment de leur mise en œuvre, prononcer le retrait de la décision d’octroi des certificats sur le fondement des dispositions générales de l’article L. 241-2 du code des relations entre le public et l’administration […] et à ce qu’il procède à l’annulation de ces certificats en conséquence de ce retrait ». « Il s’ensuit qu’en l’absence de toute disposition du code de l’énergie l’y habilitant, le ministre chargé de l’énergie ne peut, dans l’hypothèse où les certificats d’économie d’énergie acquis de manière frauduleuse par leur premier détenteur ont été cédé à un tiers, faire procéder à l’annulation des certificats litigieux dans le compte du nouveau détenteur ».

CEE : nouvelles sanctions

Par Maître Théo DELMOTTE (Green Law Avocats) Le ministère de la transition écologique et solidaire a fait publier au Journal Officiel du 21 août 2020 une série de sanctions prononcées entre février et mai 2020 dans le cadre de la lutte contre les fraudes aux Certificats d’Economie d’Energie (CEE). On rappellera que la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (loi n°2019-1147) portait en son chapitre IV une réforme du dispositif de lutte contre les fraudes aux CEE. L’article 36 de la loi énergie-climat a renforcé les contrôles a priori et a posteriori des demandes de CEE. Les exigences de contrôle de la part des demandeurs eux-mêmes ont été ainsi renforcées et des contrôles obligatoires aléatoires sur des échantillons d’opérations ont été mis en place. Les montants et effets des sanctions ont été augmentés. L’article L. 222-2 du code de l’énergie prévoit en effet des sanctions en cas de manquements, correspondant à un pourcentage du chiffre d’affaire de l’intéressé. Le plafond de ce pourcentage a ainsi été augmenté de 2% à 4% du chiffre d’affaire par la loi énergie-climat. Ce même article L. 222-2 prévoit également plusieurs autres formes de sanctions telle que la privation de possibilité d’obtenir des CEE, l’annulation d’un volume de CEE ou la suspension ou rejet des demandes de CEE en cours de l’intéressé.   Dans la continuité de l’objectif de lutte contre la fraude poursuivi par la loi énergie-climat loi, le prolongement des offres coups de pouce isolation et chauffage par l’arrêté ministériel du 25 mars 2020 (que nous avions commenté sur ce blog), avait également donné lieu à une modification des sanctions. Cet arrêté prévoyait notamment le retrait des droits du signataire de la charte coup de pouce isolation en cas de manquements, cette sanction entrant en vigueur très prochainement le 1er septembre 2020.   En ce qui concerne plus précisément les sanctions prononcées depuis février 2020 et publiées le 21 août 2020, celles-ci mettent largement en œuvre les modalités prévues par le code de l’énergie. Ainsi, toutes les décisions publiées prononcent une annulation de volume de CEE. Deux d’entre elles comportent également un rejet des demandes de CEE en cours formulées par les intéressés. Une des décisions contient une sanction pécuniaire de plus de deux millions d’euros tandis qu’une autre prononce une privation de possibilité de demande de CEE pour une durée de 36 mois. L’objectif de lutte contre la fraude se concrétise désormais. Il appartient donc aux opérateurs intervenants dans le secteur des CEE de se montrer très prudent sur le respect de leurs obligations. Décision du 20 février 2020 portant sanction dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie Décision du 24 février 2020 portant sanction dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie Décision du 5 mars 2020 portant sanction dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie Décision du 29 avril 2020 portant sanction dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie Décision du 29 avril 2020 portant sanction dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie Décision du 14 mai 2020 portant sanction dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie Décision du 18 mai 2020 portant sanction dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie