VERS LA Sortie du statut de déchet SANS obligation de traitement en ICPE ?

Exit and enter vector icons. Flat designPar Yann BORREL, avocat, Green Law Avocats

La sortie du statut de déchet est une notion juridique qui correspond au moment à partir duquel un objet est considéré comme étant sorti réglementairement du statut juridique de « déchet » et devient un « produit » utilisable sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement. Cette notion est apparue pour la première fois dans la directive n° 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives. Initialement, l’article 6, paragraphe 1 de cette directive a posé quatre conditions pour qu’un déchet cesse d’être un déchet. Rappelons incidemment que la deuxième condition, à savoir le fait « qu’il existe un marché ou une demande pour l’objet ou la substance concernée », a été abrogée par la directive n° 2018/851 du 30 mai 2018 modifiant la directive n° 2008/98/CE relative aux déchets (JOUE n° L 150 du 14 juin 2018). Son délai de transposition expirera le 5 juillet 2020.

L’article L. 541-4-3 du code de l’environnement en vigueur retranscrit encore les quatre conditions prévues à l’article 6, paragraphe 1 de la directive n° 2008/98/CE. Il ajoute que le déchet doit avoir été traité dans une installation classée pour la protection de l’environnement (I.C.P.E) ou une installation relevant de la loi sur l’eau (I.O.T.A).

Dans le projet de loi portant suppression des surtranspositions des directives européennes en droit français, le Gouvernement a souhaité supprimer cette dernière condition au motif qu’elle constitue une sur-transposition qui conduit « à une complexification administrative peu utile et génératrice de surcoûts ». Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’Etat a considéré qu’il s’agit d’une sur-transposition tout en précisant que sa suppression ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel.

La suppression de cette condition impliquerait que pour pouvoir cesser d’être un déchet, l’objet ou la substance concernée devra remplir une condition principale : avoir subi une opération de valorisation, notamment de recyclage ou de préparation en vue de la réutilisation. Cette opération pourra avoir été réalisée dans n’importe quel établissement spécialisé dans la gestion de déchets et plus seulement, dans une installation autorisée au titre des législations relatives aux I.C.P.E ou aux I.O.T.A. Ces installations non classées sont, par exemple, des installations de réparation de déchets d’équipements électriques et électroniques, à l’image des objets du quotidien, des établissements de réparation de meubles récupérés chez des particuliers ou encore des installations de nettoyage de textiles gérées par l’économie sociale ou solidaire.

Reste que le Sénat, en Commission spéciale puis en séance publique, n’a pas souhaité entériner la suppression complète de cette condition. Il a émis plusieurs objections à cette suppression. L’une de ces objections tient au fait que le projet de suppression est prématuré alors qu’un projet de loi de transposition de la nouvelle directive déchets est annoncé au cours du premier semestre 2019. Une autre objection tient au souci de protéger l’environnement et la santé humaine en maintenant l’obligation de faire transiter les déchets par des I.C.P.E ou des I.O.T.A dans la mesure où ces installations font l’objet d’un contrôle de la part des services de l’environnement.

Si le Sénat a rétabli la condition selon laquelle le déchet a été traité et valorisé dans une installation I.C.P.E ou I.O.T.A pour la sortie du statut de déchet, il a néanmoins accepté d’introduire une dérogation à l’application de cette condition pour certaines catégories de déchets non-dangereux, qui pourront sortir du statut de déchet en dehors d’une installation I.C.P.E ou I.O.T.A. Le maintien de cette condition pour les opérateurs de l’économie sociale et solidaire est porteur d’insécurité juridique pour ces derniers du fait du caractère très extensif de la définition du déchet et des contraintes que leur gestion impose à leur détenteur.

Le projet de loi a été transmis à l’Assemblée Nationale pour examen. Affaire à suivre, donc.