Der grüne ParagraphPar cet arrêt, le Conseil d’Etat explicite les conséquences de l’omission de la mention de la possibilité d’opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis dans un certificat d’urbanisme. La décision du 3 avril 2014 nuance une solution jurisprudentielle pourtant ancienne.

Prévu par l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme, le certificat d’urbanisme est un acte administratif à vocation informative, qui peut être délivré à toute personne intéressée par un terrain et désireuse de connaître les règles d’urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété qui lui sont applicables.

Le certificat d’urbanisme cristallise en principe la situation juridique du terrain, puisqu’il a pour effet de garantir au demandeur le maintien des règles applicables s’il dépose ensuite une demande d’autorisation ou une déclaration préalable dans un délai de dix-huit mois.

Aux termes des articles L. 410-1 et  A. 410-4 du code de l’urbanisme, ce document doit néanmoins faire mention de la possibilité pour l’autorité compétente d’opposer le sursis à statuer prévu par les articles  L. 111-7 et suivants du même code à la future demande d’autorisation d’occupation des sols dans l’hypothèse où le projet serait susceptible d’entrer en conflit avec de futurs documents d’urbanisme ou certains projets publics (sur ce point, voir S. Pérignon, Certificat d’urbanisme et sursis à statuer, AJDA 2009. 15).

La jurisprudence s’est déjà prononcée sur la question de l’articulation entre les dispositions de l’article L. 111-7 et celles de l’article L. 410-1 à plusieurs reprises, et a notamment précisé que la mention de la possibilité d’un sursis à statuer ultérieur, divisible du reste du certificat d’urbanisme, est susceptible d’être discutée au contentieux (CE, 21 mai 2012, Cts Berreterot, req. n°323882).

L’arrêt commenté (CE, 3 avril 2014, n°362735, consultable ici, mentionné au Lebon) explicite quant à lui la portée de l’obligation de mentionner la possibilité du sursis à statuer et les conséquences de sa méconnaissance sur la décision ultérieure du Maire opposant alors un sursis à statuer.

En l’espèce, les propriétaires en indivision d’un terrain avaient obtenu un certificat d’urbanisme ne faisant pas mention de la possibilité pour le Maire de surseoir à statuer sur leur future demande d’autorisation, et un sursis à statuer avait ultérieurement été opposé à leur déclaration préalable tendant à la division du terrain en lots.

Le Tribunal administratif avait d’abord considéré que cette absence de mention méconnaissait les dispositions des articles L. 410-1 et A. 410-4 et était de nature à entacher d’illégalité la décision de sursis à statuer, qu’il avait donc annulée.

Le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi de la commune, considère toutefois qu’il s’agit là d’une erreur de droit et censure ce raisonnement.

En effet,la Haute Juridiction a jugé que le sursis à statuer reste opposable au pétitionnaire alors même qu’aucune mention n’en a été faite dans le certificat d’urbanisme préalablement délivré, consacrant ainsi une totale indépendance des deux décisions :

 « Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le certificat d’urbanisme délivré sur le fondement du a) de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d’autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d’urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat ; que, parmi ces règles, figure la possibilité, lorsqu’est remplie, à la date de délivrance du certificat, l’une des conditions énumérées à l’article L. 111-7 du code l’urbanisme, d’opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ; que si l’omission de la mention d’une telle possibilité dans le certificat d’urbanisme peut être, en vertu du cinquième alinéa de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme et du sixième alinéa de l’article A. 410-4 du même code, de nature à constituer un motif d’illégalité de ce certificat, elle ne fait pas obstacle à ce que l’autorité compétente oppose un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ultérieure concernant le terrain objet du certificat d’urbanisme ;

Considérant qu’il résulte du point précédent qu’en annulant le sursis à statuer opposé à la déclaration préalable des indivisaires B…au motif que le certificat d’urbanisme qui leur avait été délivré ne faisait pas mention de l’existence d’une possibilité d’opposer un sursis à statuer à une demande d’autorisation d’occupation des sols de l’indivision, en méconnaissance des dispositions des articles L. 410-1 et A. 410-4 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit ; que, dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la commune de Langolen est fondée à demander l’annulation du jugement attaqué ; »

L’arrêt du 3 avril 2014 rappelle ainsi que le certificat d’urbanisme a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d’autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d’urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat, et que la possibilité d’opposer un sursis à statuer fait partie de ces règles.

 Mais il précise que l’illégalité du certificat ne mentionnant pas cette possibilité, ne rejaillit pas sur  la décision de surseoir à statuer puisqu’une telle omission « ne fait pas obstacle à ce que l’autorité compétente oppose un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ultérieure concernant le terrain objet du certificat d’urbanisme ».

Cette décision peut surprendre, car le Conseil d’Etat avait déjà jugé que le défaut d’une telle mention entrainait la nullité du sursis à statuer (CE, 6 juillet 1994, Min de l’Equipement, du Logement, des Transports et de la Mer c/ Soté Depra, req. n°122470), dès lors que l’autorité administrative saisie par une demande d’autorisation d’urbanisme est liée par les règles mentionnées par le certificat d’urbanisme (CAA Paris 30 septembre 1997, SCI La Butte Cabot, n°95PA01498).

En tout état de cause, on notera que l’omission, en ce qu’elle est « de nature à constituer un motif d’illégalité [du] certificat », ouvre en conséquence la possibilité d’engager la responsabilité pour faute de l’administration au pétitionnaire.

Lou DELDIQUE

Green Law Avocat