Urbanisme: même négatif, le certificat d’urbanisme confère des droits… dont on ne peut pas toujours se prévaloir ! (CE, 18 déc.2017, n°380438)

Background of the spider web with dew dropsPar Maître Lou DELDIQUE, Avocat of counsel – GREEN LAW AVOCATS (lou.deldique@green-law-avocat.fr), avec l’aide de Lucie Marin, juriste stagiaire

Le Conseil d’Etat (CE, 18 décembre 2017, n°380438, décision consultable ici) a récemment précisé les effets du certificat d’urbanisme négatif.

Rappelons que le certificat d’urbanisme est un acte administratif à vocation informative, qui peut être délivré à toute personne intéressée par un terrain et désireuse de connaître les règles d’urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété qui lui sont applicables. Son régime juridique est prévu aux articles L. 410-1 et A. 410-4 du code de l’urbanisme.

Le certificat d’urbanisme peut être

  • simplement informatif (art. L.410-1 a : il vise alors uniquement à connaître les règles applicables au terrain) ;
  • ou opérationnel (art. L. 410-1 b : il s’agit dans ce cas d’interroger l’autorité d’urbanisme sur la faisabilité d’une opération immobilière).

Dans tous les cas, il cristallise la situation juridique du terrain, puisqu’il a pour effet de garantir au demandeur le maintien des règles applicables s’il dépose ensuite une demande d’autorisation ou une déclaration préalable dans un délai de dix-huit mois.

En l’espèce, les requérants avaient demandé à une commune qu’elle leur délivre un certificat d’urbanisme opérationnel en vue de la construction d’une habitation.

Le certificat d’urbanisme qui leur a été délivré concluait à la non-faisabilité du projet : il était donc négatif. Il précisait par ailleurs qu’un sursis à statuer pourrait être opposé à une demande de permis de construire qui viendrait remettre en cause l’économie générale du plan local d’urbanisme (PLU) alors en cours de modification.

Quelques mois plus tard, la demande de permis déposée par les requérants était rejetée au motif de l’incompatibilité du projet avec le PLU adopté entre temps.

Contestée devant le juge administratif, cette décision avait été confirmée par le Tribunal administratif de Lille, puis par la Cour administrative d’appel de Douai, qui avait considéré que le certificat négatif délivré n’avait pu avoir d’effet stabilisateur (CAA Douai, 25 mars 2014, n° 12DA01691). Précisons en effet que sous l’empire des anciennes dispositions de l’article L. 410-1, il avait été jugé que la cristallisation des règles d’urbanisme prévue par l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme n’était garantie qu’aux détenteurs de certificats positifs (CE, 24 mars 1978, n°05327) et que les certificats négatifs ne conféraient, quant à eux, aucun droit à leur titulaire (CE, avis, 1er avr. 2010, n° 334113).

Le Conseil d’Etat censure toutefois cette appréciation et précise que même s’il est négatif, le certificat d’urbanisme a pour effet de cristalliser les règles de droit applicables :

 « Considérant que les dispositions de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d’urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d’urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique ; que, par suite, en jugeant que  » les certificats d’urbanisme négatifs ne confèrent aucun droit à leur titulaire « , la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit ; ».

Il rappelle néanmoins qu’en l’espèce, un sursis à statuer pouvait être opposé par la commune en application de l’article L. 123-6 du code de l’urbanisme (aujourd’hui recodifié à l’article L. 153-11 du même code) dès lors que l’élaboration du PLU était déjà prescrite à la date de la demande de certificat d’urbanisme (sur cette question, voir S. Pérignon, « Certificat d’urbanisme et sursis à statuer », AJDA 19 janv. 2009, p. 15).

Après avoir précisé que l’objectif de cette disposition est de permettre à l’administration de ne pas délivrer des autorisations pour des travaux, constructions ou installations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU, le Conseil d’Etat en déduit que si le PLU est entré en vigueur dans le délai de validité du certificat, ce sont les nouvelles règles qui s’appliquent :

« Considérant qu’il résulte de la combinaison des articles L. 111-7, L. 123-6 et L. 410-1 du code de l’urbanisme que tout certificat d’urbanisme délivré sur le fondement de l’article L. 410-1 a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d’autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d’urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat ; que figure cependant parmi ces règles la possibilité de se voir opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis, lorsqu’est remplie, à la date de délivrance du certificat, l’une des conditions énumérées à l’article L. 111-7 du code de l’urbanisme ; qu’une telle possibilité vise à permettre à l’autorité administrative de ne pas délivrer des autorisations pour des travaux, constructions ou installations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan local d’urbanisme ; que, lorsque le plan en cours d’élaboration et qui aurait justifié, à la date de délivrance du certificat d’urbanisme, que soit opposé un sursis à une demande de permis ou à une déclaration préalable, entre en vigueur dans le délai du certificat, les dispositions issues du nouveau plan sont applicables à la demande de permis de construire ou à la déclaration préalable ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’eu égard au degré d’avancement, à la date de délivrance du certificat d’urbanisme délivré à M. et MmeB…, du projet de modification du plan local d’urbanisme qui faisait état de la création, sur le terrain d’assiette du projet, d’un emplacement réservé, le maire pouvait légalement leur opposer, dès cette date, un sursis à statuer pour une demande de permis de construire portant sur la parcelle en cause ; que, par suite, M. et Mme B…ne sont pas fondés à soutenir, alors même que leur demande de permis de construire a été présentée dans le délai prévu à l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme, que seules seraient applicables à cette demande les dispositions du plan local d’urbanisme en vigueur à la date de délivrance du certificat d’urbanisme qu’ils ont sollicité et ne prévoyant pas d’emplacement réservé sur leur parcelle ; »

Cette solution, qui s’inscrit dans la continuité d’un arrêt rendu en octobre 2017 (CE, 11 oct. 2017, n°401878), aura d’importantes conséquences, car elle limite considérablement les effets du certificat d’urbanisme, qui n’a en réalité plus aucun intérêt lorsqu’un nouveau PLU est en cours d’élaboration… Ce d’autant qu’il a déjà été jugé que le sursis à statuer est opposable au pétionnaire même si cette possibilité n’a pas été mentionnée dans le certificat (CE, 3 avr. 2014, n° 362735 : voir notre analyse ici ; voir aussi : CAA Nancy, 16 mai 2013, n° 12NC01139 ; CAA Nantes, 27 mai 2016, n° 15NT00608) !