conseil d'état à ParisUn récent arrêt du Conseil d’Etat (consultable ici) détaille les conditions de mise en œuvre de la procédure contradictoire prévue par l’article 24 de la loi du 12 avril 2010 (dite DCRA) lorsque l’autorité administrative procède au retrait d’un permis de construire.

En effet, aux termes de cet article : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (…) »

La jurisprudence ayant déjà eu l’occasion de préciser que cette obligation s’impose en cas de retrait d’un permis de construire, il résulte normalement de cet article que le bénéficiaire d’un permis que l’autorité administrative envisage de rapporter doit, avant toute décision, être mis à même de présenter ses observations.

La décision de retrait prise en méconnaissance de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 est donc illégale (CE, 23 avr. 2003, n° 249712 ; CAA Bordeaux, 2 nov. 2006, n° 04BX01608 ; CAA Douai, 4 juin 2008, n° 07DA00477).

La décision commentée nuance toutefois cette affirmation, et rappelle qu’elle ne vaut que s’il est établi que l’absence de mise en œuvre de la procédure contradictoire a privé l’intéressé d’une garantie ou exercé une influence sur le sens de la décision (cf. CE, Ass., 23 décembre 2011, Danthony et autres, n° 335033).

En l’espèce, un particulier s’était vu délivrer un permis de construire une maison individuelle par le maire de sa commune. A la demande du Préfet du Var, qui avait relevé que le terrain d’assiette était en réalité inconstructible puisque situé en zone de fort aléa du PPRI, le maire avait ensuite retiré l’autorisation, en se fondant sur les dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.

La décision de retrait du permis étant intervenue sans que le pétitionnaire ne soit mis en mesure de présenter ses observations, et donc en méconnaissance de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 précité, la Cour administrative d’appel de Marseille l’avait annulée.

Saisi d’un pourvoi en cassation de la commune, le Conseil d’Etat rappelle dans un premier temps que :

  • la décision par laquelle l’autorité administrative retire une autorisation d’urbanisme, étant soumise à l’obligation de motivation, entre dans le champ d’application de cette disposition (et doit donc être précédée d’une procédure contradictoire) ;
  • l’autorité doit avertir le bénéficiaire du permis elle-même, puisque la notification du recours administratif formé par un tiers ou par le préfet agissant dans le cadre du contrôle de légalité ne pouvant tenir lieu du respect de la procédure prévue par l’article 24 de la loi du 12 avril 2000.

 « Considérant […] qu’il résulte de ces dispositions qu’il appartient à l’autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations ; que dans l’hypothèse où un maire envisage de retirer un permis de construire, la notification au bénéficiaire de ce permis d’un recours administratif formé par un tiers ou par le préfet agissant dans le cadre du contrôle de légalité contre ce permis ne saurait tenir lieu du respect, par le maire, de la procédure prévue par les dispositions précitées ; 

Considérant que la cour a relevé que si M. A…avait été destinataire du recours gracieux formé par le sous-préfet de Draguignan, qui lui avait été notifié en application des dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, et s’il avait présenté à la commune des observations répondant à ce recours, le maire de la commune ne l’avait pas lui-même informé de son intention de procéder au retrait du permis de construire et ne l’avait pas mis à même de présenter ses observations sur son projet ; qu’elle a pu, sans erreur de droit, en déduire que la décision de retrait du maire avait été prise à l’issue d’une procédure irrégulière ; »

 

Mais la Haute Juridiction considère qu’en application de la jurisprudence Danthony, un tel vice de procédure ne saurait entrainer l’annulation de la décision de retrait que s’il s’avère qu’il a effectivement privé l’intéressé d’une garantie.

En l’espèce, il incombait donc au juge du fond de déterminer in concreto, si, au vu des circonstances, le pétitionnaire avait réellement été privé d’une garantie : en relevant l’illégalité de la décision sans s’en assurer préalablement, alors que suite à la notification du recours du Préfet, le requérant avait spontanément présenté ses observations sur le retrait envisagé, la Cour a donc commis une erreur de droit.

 « Considérant, toutefois, qu’un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que le respect, par l’autorité administrative compétente, de la procédure prévue par les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, constitue une garantie pour le titulaire du permis que le maire envisage de retirer ; que la décision de retrait prise par le maire est ainsi illégale s’il ressort de l’ensemble des circonstances de l’espèce que le titulaire du permis a été effectivement privé de cette garantie ;

Considérant que la cour a jugé que la méconnaissance des dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 par le maire du Luc-en-Provence entachait d’illégalité la décision de retrait, sans rechercher si, dans les circonstances particulières de l’espèce qui lui était soumise, et compte tenu, en particulier, des observations que M. A…avait adressées à la commune et qui, ainsi qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, portaient notamment sur le motif même qui a conduit le maire à procéder au retrait du permis de construire, l’intéressé avait été effectivement privé de la garantie prévue par la loi ; qu’elle a ainsi commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ; »

 

Aussi, le Conseil d’Etat casse l’arrêt de la Cour, et lui renvoie l’affaire, en l’invitant cette fois à apprécier si l’irrégularité retenue présentait véritablement un caractère substantiel.

Dans la pratique, il reviendra donc au Maire de respecter la procédure contradictoire avant de procéder au retrait d’un permis, à condition que ce dernier soit illégal. Dans l’hypothèse où la procédure contradictoire n’a pas été respectée, un tel vice pourrait entacher le retrait d’illégalité dès lors qu’elle a privé le pétitionnaire d’une garantie. Au vu de la jurisprudence récente, cela ne sera pas le cas si l’administré a spontanément émis des observations.

Lou Deldique

Green Law Avocat