Urbanisme : le Conseil d’Etat précise dans quel cas un immeuble à usage mixte peut être qualifié de « maison individuelle » (CE, 26 mars 2018, n°405330)

Farmer in tractor preparing land with seedbed cultivator, spirng, countryside in Ponidzie, PolandPar Maître Lou DELDIQUE, Avocat of counsel – GREEN LAW AVOCATS lou.deldique@green-law-avocat.fr

Par une récente décision (consultable ici), le Conseil d’Etat a précisé à quelle condition la qualification de « maison individuelle » peut être retenue lorsqu’on est en présence d’un immeuble à usage mixte.

La notion de « maison individuelle » est importante, car il résulte de l’article R. 423-23 b) du Code de l’urbanisme que lorsque la demande de permis de construire concerne ce type de construction, elle bénéficie d’un délai d’instruction réduit :

« Le délai d’instruction de droit commun est de :

  1. a) Un mois pour les déclarations préalables ;
  2. b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l’habitation, ou ses annexes ;
  3. c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d’aménager. »

En 2013, la Cour administrative d’appel de Lyon s’était inspirée des articles L. 231-1 et L. 232-2 du Code de la construction et de l’habitation (qui sont ceux auxquels renvoie le texte précité et qui sont relatifs aux contrats de construction de maison individuelle ) pour préciser que « constitue une maison individuelle l’immeuble à usage d’habitation ou l’immeuble à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l’ouvrage » et que « l’application du b) de l’article R. 423-23 précité du code de l’urbanisme est subordonnée à cette seule caractéristique, sans que le pétitionnaire ait en outre à justifier de l’existence de l’un des contrats de construction dont les dispositions en cause du code de la construction et de l’habitation définissent le contenu. »  (CAA Lyon, 5 févr. 2013, no 12LY02315)

 

Cette décision ne réglait toutefois pas la situation des biens mixtes comme celui sur lequel portait le litige en l’espèce.

En 2007, le maire de Cornillon-Confoux avait ainsi autorisé la construction d’une remise agricole. Une partie du bâtiment avait ensuite été transformée en logement. En 2013, l’occupant de ce logement avait cherché à obtenir sa régularisation en déposant une demande de permis de construire. Un refus lui ayant été opposé par le Maire, il avait porté le litige devant le Tribunal administratif, puis devant la Cour administrative d’appel de Marseille, qui avait considéré que la construction ne pouvait être considérée comme une maison individuelle et qu’aucun permis tacite n’avait par conséquent pu naître à l’issue d’un délai d’instruction de deux mois :

 «  Considérant que la demande de permis de construire du 29 janvier 2013 concerne un hangar à usage agricole développant une surface de plancher de 322,56 m², portée à 534,05 m², dont 138,46 m² au titre de l’habitation et 395,59 m² au titre de l’activité agricole ; que ce bâtiment, comme l’ont estimé à bon droit les premiers juges, reste donc affecté principalement à l’usage professionnel et ne peut être regardé comme une maison individuelle ; que le délai d’instruction de cette demande était, par suite, de trois mois, à compter de la réception le 20 mars 2013 par la commune des pièces complémentaires demandées le 21 février 2013 ; que la décision de refus en litige du 27 mai 2013 est intervenue dans ce délai et ne constitue donc pas, contrairement à ce que soutient le requérant, une décision de retrait d’un permis de construire tacite ; » (CAA Marseille, 22 septembre 2016, n°14MA03810)

Dans son arrêt du 26 mars 2018, le Conseil d’Etat valide ce raisonnement, et dit pour droit que dans l’hypothèse d’un immeuble à usage mixte, la qualification de maison individuelle ne peut être retenue que si la construction a exclusivement ou principalement vocation à être habitée :

« En premier lieu, aux termes de l’article R. 423-23 du code de l’urbanisme :  » Le délai d’instruction de droit commun est de : (…) b) Deux mois (…) pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l’habitation, ou ses annexes. / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire (…) « . Eu égard à l’objet de ces dispositions, relèvent seules du b de cet article R. 423-23 les demandes portant sur un immeuble dont les surfaces sont exclusivement ou principalement affectées à un usage d’habitation et qui, selon les termes de l’article L. 231-1 du code de la construction et de l’habitation, ne comporte  » pas plus de deux logements destinés au même maître de l’ouvrage « . »

 

Or tel n’était pas le cas en l’espèce, puisque l’usage principal du bâtiment était agricole :


« La cour a relevé, par une appréciation souveraine, que la demande de permis de construire concernait un hangar à usage agricole de 534,05 mètres carrés, dont 138,46 mètres carrés affectés à l’habitation et 395,59 mètres carrés affectés à l’activité agricole. Par suite, en jugeant que ce projet, qui n’était pas principalement affecté à l’habitation, ne pouvait, pour l’application des dispositions de l’article R. 423-23 du code de l’urbanisme, être regardé comme une maison individuelle et en en déduisant, pour écarter le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué aurait irrégulièrement retiré un permis de construire né tacitement, que le délai d’instruction de cette demande n’était pas celui de deux mois applicable aux projets de maison individuelle mais celui de trois mois applicable dans les autres cas, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit. »


Cette solution doit être saluée car elle est simple et pragmatique. Notons toutefois qu’elle ne permet pas de savoir si, comme l’a déjà jugé la Cour administrative d’appel de Marseille dans une autre affaire, l’usage professionnel au sens de l’article L. 231-1 du CCH doit s’entendre comme excluant les professions commerciales, dont le régime ne relève pas du contrat de construction (CAA Marseille, 20 mars 2014, n°12MA02180).