Urbanisme : assouplissement des règles d’appréciation de l’intérêt à agir des associations

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Par Maître Lou DELDIQUE, Avocat of counsel – GREEN LAW AVOCATS

 

Par arrêt en date du 20 octobre 2017 (CE, 20 octobre 2017, n°400585, consultable ici), le Conseil d’Etat a précisé les conditions dans lesquelles l’intérêt à agir des associations doit être apprécié lorsqu’elles agissent à l’encontre d’un permis de construire.

Rappelons en effet que le tiers qui souhaite contester une autorisation d’urbanisme doit démontrer que la construction est de nature à porter atteinte à ses intérêts. S’agissant plus précisément des associations non agréées au titre de l’article L.141-1 du Code de l’environnement, cette analyse se fait au regard de leur objet statutaire (tel qu’énoncé par les statuts) et de leur champ d’action géographique, qui doit être suffisamment précis (CE, 5 nov. 2004, n° 264819 ; CE, 23 févr. 2004, n° 250482 ; CE 29 avr. 2002, n° 227742).

C’est sur le premier de ces deux critères que porte l’arrêt commenté.

En l’espèce, une association de défense du cadre de vie d’un quartier avait saisi le Tribunal administratif de Versailles d’un recours pour excès de pouvoir contre le permis de construire délivré à une SCI pour l’édification de trois maisons d’habitation.

Sa requête avait toutefois été jugée irrecevable par le premier juge, qui avait considéré que son objet social (« la mise en œuvre de tous les moyens disponibles pour la sauvegarde et l’amélioration du cadre de vie des habitants [du quartier de l’Epi d’or à Saint-Cyr-l’Ecole]») était « trop général et éloigné des considérations d’urbanisme ».

Cette appréciation semblait conforme à la jurisprudence traditionnelle, qui exige que l’objet social de l’association ne soit pas trop général (CE 23 févr. 2004 , n° 250482 ;  CE, 29 janv. 2003, n° 199692 ; CAA Douai, 13 août 2012, n° 11DA01741) et qu’il soit en rapport avec les intérêts auxquels la construction peut porter atteinte (voir par exemple : CE, 3 avr. 2006, n°269252 ; CE, 1er mars 2004, n° 258505 ; CE, 26 juillet 1985, n°35024 ; CAA Lyon, 19 décembre 2017, n°16LY02498 ; CAA Lyon, 8 mars 2016, n°14LY01495 ; CAA Lyon, 8 janvier 2013, n°12LY01656 ; CAA Douai, 17 mars 2005, n°03DA00544 ; TA Amiens, 30 juin 2017, n°1502000).

 

Mais le Conseil d’Etat la censure en relevant que même si son objet pouvait paraître détaché des considérations urbanistiques, l’intérêt de l’association pouvait être reconnu au regard de la nature, du nombre, de l’implantation et de l’impact des constructions autorisées :

« Pour écarter comme irrecevable la demande qui lui était présentée par cette association, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Versailles a jugé qu’un tel objet restait  » trop général et éloigné des considérations d’urbanisme  » pour lui conférer un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis, accordé par le maire de la commune de Saint-Cyr-l’Ecole le 17 novembre 2015 à la société civile immobilière Marceau et modifié le 29 février suivant, de construire trois maisons d’habitation d’une surface de plancher de 461 mètres carrés sur un terrain de ce quartier situé 6 ter, rue de Bièvres et jusqu’alors non bâti. En se fondant sur ce motif alors qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que le projet autorisé, par sa nature, le nombre de constructions autorisées, le choix d’implantation retenu et la densification qu’il induisait, était susceptible de porter atteinte au cadre de vie des habitants du quartier de l’Epi d’or, dont l’association requérante avait pour objet d’assurer la sauvegarde, le président de la troisième chambre du tribunal a inexactement qualifié les faits de l’espèce. L’association requérante est, par suite, fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée. »

 

Cette décision, qui procède à une analyse concrète des effets du projet, a pu être analysée par la doctrine comme un assouplissement des critères traditionnels du juge administratif. Notons toutefois que l’intérêt à agir d’associations de défense du cadre de vie d’un quartier ou d’une commune avait déjà été reconnu par certaines juridictions (CAA Douai, 15 juill. 2005, n°04DA00911 ;  CAA Nancy, 17 nov. 2005, n° 04NC00402 ; CAA Nantes, 27 mai 1998, Ville de Fécamp, n° 96NT00083), même si en 2004, le Conseil d’Etat avait jugé irrecevable le recours d’une association ayant pour objet de défendre la qualité du cadre de vie des habitants d’un quartier à l’encontre d’un projet de camping (CE, 26 janv. 2004, n° 260153).

lou.deldique@green-law-avocat.fr