Urbanisation en continuité : la Loi Littoral prime le PLU

Par Maître Lou DELDIQUE, avocat associé, lou.deldique@green-law-avocat.fr , 06 03 05 11 06 (Green Law Avocats)

Par un arrêt en date du 17 janvier 2020, la Cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 17 janvier, n° 19NT00469, consultable ici) confirme que la notion d’urbanisation en continuité prévue par la  Loi Littoral  doit faire l’objet d’une appréciation stricte.

Était en cause un certificat d’urbanisme négatif, délivré le 8 décembre 2015 par le maire d’une commune littorale pour la construction d’une maison d’habitation. En effet, le maire avait considéré que le projet méconnaissait l’ancien article L. 146-4 du Code de l’urbanisme, qui prévoit que sur l’ensemble du territoire des communes littorales :

« I – L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. » (pour des exemples, voir : CE, 31 mars 2017, n°392186 ; CE, 28 juillet 2017, n°397783 ; CE, 11 juillet 2018, n°410084) 

Notons que cet article a depuis été recodifié à l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, et que depuis l’entrée en vigueur de la Loi n° 2018-1021 du 25 novembre 2018, dite Loi ELAN, l’extension de l’urbanisation se fait dorénavant en continuité avec les agglomérations et villages existants, mais aussi dans des secteurs déjà urbanisés identifiés par le SCOT et délimités par le PLU (CU, art. L. 121 -3 et L. 121-8 ; voir notre article ici ).

La notion de continuité est fréquemment débattue devant les juridictions administratives (voir notamment : CE, 11 juill. 2018, n° 410084 ; CE, 28 juill. 2017, n° 397783 ; CAA Marseille, 25 avril 2016, n°15MA00970 ; CAA Nantes, 24 novembre 2015, n°14NT01858CAA Nantes, 26 oct. 2012, n° 12NT00846 ; CAA Lyon, 21 déc. 2004, n° 03LY01801 ; CAA Lyon, 12 juin 2001, n° 00LY01431, et, pour un exemple très récent : CAA Marseille, Juge des référés, 16 septembre 2019, n° 19MA02501, commenté par nos soins), et elle a fait l’objet d’une fiche technique du gouvernement en date du 7 décembre 2015 (NOR : ETLL1511660J) qui fournit plusieurs indices tels que :

  • La distance par rapport à l’agglomération ou au village,
  • Le caractère urbanisé ou non des parcelles contigües au projet ;
  • La configuration des lieux (caractère urbanisé ou naturel des lieux et/ou absence de coupure physique telle qu’une route large, une voie de chemin de fer, une rivière ou encore un canal).

En l’espèce, la Cour devait donc se prononcer sur l’existence ou non d’une continuité entre les zones déjà urbanisées de la communes et la parcelle devant accueillir le projet, étant précisé que cette dernière :

  • était classée en zone urbaine UBb -et donc en zone constructible- du POS,
  • était séparée du reste des constructions du lieu-dit par un terrain nu, lui aussi classé en zone urbaine.

Selon le pétitionnaire, le terrain nu ne constituait pas une rupture d’urbanisation, mais une simple « dent creuse » susceptible de faire l’objet d’une urbanisation future.

La Cour ne fait toutefois pas droit à son interprétation. Elle rappelle d’abord que les zones urbanisées au sens de la Loi Littoral sont celles qui sont « caractérisées par une densité significative des constructions » et « qu’aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres constructions, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées des agglomérations » (voir en ce sens : CE, 19 oct. 2007, n° 306074 ; CE, 25 juill. 2008, n° 315862 ; CAA Marseille, 9e ch., 14 sept. 2017, n° 16MA01568 ; CE, 11 juill. 2018, n° 410084 ; voir aussi l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme qui précise désormais que : « [L]es secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs. »).

Ensuite,elle se livre à une description très précise des lieux en relevant : « que le terrain d’assiette du projet est entouré à l’ouest, au nord et à l’est, de parcelles non bâties formant un vaste espace à vocation agricole, de part et d’autre de la rue de la rivière d’Auray, dans lequel il s’intègre. Si M. E… soutient que sa parcelle jouxte, au sud, un terrain qui supporte une maison d’habitation et est située dans la continuité de l’espace urbanisé du lieu-dit  » Le Guern  » dont il constitue  » l’extrémité septentrionale « , ce terrain en est, toutefois, séparé par un autre terrain, dépourvu de toute construction, qui s’étend depuis la voie publique jusqu’à ce vaste espace agricole. »

Pour finalement conclure que, nonobstant son classement en zone urbaine par le document d’urbanisme en vigueur, le terrain ne se situait pas en continuité avec le village :

« Le classement, par le plan d’occupation des sols approuvé le 11 février 2008, du terrain d’assiette dans une zone urbaine UBb est sans influence sur l’appréciation de la légalité de la décision contestée au regard de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme. Enfin, M. E… ne peut utilement invoquer, à l’encontre du certificat d’urbanisme du 8 décembre 2015 contesté, les dispositions du schéma de cohérence territoriale (SCOT) de de Vannes Agglomération approuvé postérieurement, le 15 décembre 2016. Dans ces conditions, en se fondant sur le motif énoncé au point 4 pour délivrer à M. E… le certificat d’urbanisme négatif litigieux, le maire de Baden n’a pas fait une inexacte application du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme. »

C’est sans nul doute la présence d’une coupure d’urbanisation qui a ici emporté la conviction de la Cour.

Sur ce point, la décision s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence antérieure. Ainsi, la coupure marquée par des voies de communication avait déjà été jugée comme interrompant la continuité d’une zone urbanisée (CE, 15 octobre 1999, n° 198578 et 198579 ; CAA Bordeaux, 28 déc. 2009, n° 08BX01978).