Un permis d’aménager peut prévoir des aménagements hydraulique au bénéfice d’une autre parcelle

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Par Maître Lou DELDIQUE, Avocat Associé – GREEN LAW AVOCATS (06 83 05 11 06 ; lou.deldique@green-law-avocat.fr)

Par un jugement en date du 19 septembre 2019, (consultable ici) le Tribunal administratif de Montpellier précise l’interprétation des règles relatives à la gestion des eaux pluviales et de ruissellement.

En l’espèce, la société SA3M s’était vu délivrer un permis d’aménager portant sur le réaménagement d’un parc public de Montepllier, le parc Montcalm.

Un riverain et une association locale, considérant que ce projet avait pour effet de restreindre l’accès des personnes à mobilité réduite et des poussettes, et de réduire la quantité d’espaces verts au profit de bassins de rétention notamment, ont saisi le Tribunal administratif de Montpellier d’un recours en excès de pouvoir.

En effet, le projet a la particularité de prévoir des aménagements hydrauliques pour pallier l’insuffisance de ceux d’une ZAC voisine : en prévoyant la création d’un bassin de rétention destiné à recueillir non pas les eaux de ruissellement du parc lui-même mais celles provenant de la ZAC, il vise à réduire le risque d’inondation auquel la zone d’habitation est exposée en modifiant la configuration du parc.

Au soutien de leur recours, les requérants soutenaient notamment que le projet méconnaissait les dispositions :

  • De l’article L. 2224-10 du Code général des Collectivités Territoriales, qui prévoit que les communes doivent délimiter des zones « où des mesures doivent être prises pour limiter l’imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l’écoulement des eaux pluviales et de ruissellement », et des zones « où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu’elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l’efficacité des dispositifs d’assainissement» ;
  • Du PLU de la ville de Montpellier, qui impose de réaliser les ouvrages hydrauliques de gestion des eaux de ruissellement à l’intérieur de la parcelle de l’opération concernée.

Le Tribunal n’a pas fait droit à cette argumentation. En effet, il a considéré que ces textes n’empêchaient pas la création d’aménagements hydrauliques bénéficiant à d’autres unités foncières :

« Il ressort en effet des pièces du dossier, en particulier de la notice hydraulique annexée au dossier de demande ainsi que du plan général des aménagements hydrauliques, que le bassin dénommé « bassin caserne » situé au Nord du secteur du parc Montcalm présente un lien hydraulique avec la zone d’aménagement concerté EAI et qu’il a été proposé d’améliorer la situation hydraulique de la partie « caserne » par un renvoi des eaux de pluie vers le Parc Montcalm. En raison de la saturation fréquente du collecteur unitaire existant rue Lepic ayant pour conséquence, de fait, de diriger les eaux de ruissellement de cette zone vers le bassin versant du Lantissargues, la notice hydraulique propose de rediriger les eaux pluviales de la partie « caserne » vers ce même cours d’eau après transit dans les bassins d’écrêtement créés dans le Parc Montcalm. Toutefois, alors même que l’emprise des aménagements autorisés par la décision attaquée se situe en dehors du périmètre de la zone d’aménagement concerté EAI, les dispositions de l’article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales et celles des articles 4 du règlement du plan local d’urbanisme applicables aux secteurs 2U1-fw et 3U1-fw ne faisaient pas obstacle à ce que soit autorisé à l’intérieur du secteur du parc Montcalm un ouvrage hydraulique destiné à améliorer la gestion du risque d’inondation du bassin versant du Lantissargues. Dès lors, la seule circonstance que certains aménagements hydrauliques autorisés par le permis d’aménager n’aient pas pour objet de compenser l’imperméabilisation de l’unité foncière sur laquelle ils sont implantés ne révèle pas une méconnaissance de ces dispositions imposant la réalisation de systèmes de rétention sur la parcelle. »

Cette solution semble logique : en réalité, ce sont a priori les autorisations délivrées aux constructions de la ZAC qui auraient pu se voir reprocher la méconnaissance des règles précitées.

Enfin, après avoir mis en balance les avantages du projet et ses inconvénients pour la population, le Tribunal a considéré que le Maire n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en l’autorisant le projet, alors même que celui-ci a pour effet de réduire la surface du parc ouverte au public :

« En second lieu, le projet en litige consiste notamment, dans l’enceinte du parc Montcalm, en la suppression d’équipements militaires existants et en la création d’équipements sportifs et de loisirs ainsi que de huit bassins de rétention et d’écrêtement, à ciel ouvert, d’une capacité totale de 28 300 mètres cubes. L’intérêt général qui s’attache au projet hydraulique est souligné par les notices explicatives et hydrauliques qui rendent compte du risque actuel d’inondation lié à un écoulement défaillant des eaux pluviales et la réduction des zones inondables conséquemment à la mise en œuvre du projet. Également, il est constant que le périmètre du parc, anciennement de 15 hectares, sera de 20 hectares à l’issue du projet. Si le requérant et l’association intervenante contestent la réduction de l’espace accessible au public, en particulier aux personnes à mobilité réduite et aux utilisateurs de poussettes, compte tenu de la création de huit bassins de rétention à ciel ouvert, la commune précise, sans être contestée sur ce point, que la réalisation de bassins enterrés aurait eu un coût plus conséquent alors, au surplus, que les perspectives d’ambiance font état des aménagements paysagers prévus pour assurer l’insertion de ces aménagements au sein du parc. Dans ces conditions, la circonstance que les bassins de rétention aient pour effet de réduire la surface du parc ouverte au public et le choix de réaliser des bassins aériens en lieu et place de bassins enterrés ne sont pas de nature à entacher le projet d’erreur manifeste d’appréciation. Le moyen ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté. »

Deux éléments motivent cette appréciation : la prise en compte du risque inondation, d’une part, et la qualité des aménagements paysagers prévus, d’autre part.

Le recours a donc été rejeté, mais l’affaire sera certainement portée devant la Cour administrative d’appel, qui pourrait, si elle accorde plus d’importance à la nécessité de développer les espaces verts en milieu urbain à l’heure de l’urgence écologique, invalider le jugement. Rappelons ainsi qu’en 2004, le Gouvernement avait amorcé une politique de protection de ces espaces (Circ. n° 2004/003, 17 févr. 2004 : BO min. Culture n° 141/2004), et que la loi du 8 août 2016 pour la biodiversité (L. n° 2016-1087) a créé un mécanisme de protection des allées et des alignements d’arbres (C. envir., art. L. 350-3), pour justement éviter la raréfaction de ces espaces…