Wind turbine - renewable energy sourceAux termes de trois arrêts du 28 mai 2014, la Cour administrative d’appel de Douai s’est prononcée sur la validité de jugements du tribunal administratif de Lille ayant refusé d’annuler des arrêtés par lesquels le préfet du Pas-de-Calais a délivré à la société Infinivent l’autorisation de construire plusieurs éoliennes. (CAA Douai, 28 mai 2014, n° 12DA01848, n°12DA01849, n°12DA01850)

 

Les espèces n°12DA01849 et n°12DA01850 voient la Cour annuler les jugements du tribunal administratif de Lille pour une omission à statuer et considérer la demande des requérants comme irrecevable, pour défaut d’intérêt à agir (I). Le troisième arrêt conduit la Cour se prononcer au fond par l’évocation et rejeter la demande du requérant en déclinant à de nombreuses reprises le principe posé par le Conseil d’Etat dans sa décision Danthony (II).

I. Sur le défaut d’intérêt à agir pour le riverain de l’éolienne

Les propriétaires de deux châteaux relevaient appel de deux jugements du 4 octobre 2012 aux termes desquels le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l’annulation d’arrêtés par lesquels le Préfet du Pas-de-Calais a délivré à la société Infinivent l’autorisation de construire plusieurs éoliennes.

La Cour administrative d’appel de Douai a jugé la demande des requérants irrecevable pour défaut d’intérêt suffisamment direct et certain à agir.

Dans l’affaire n°12DA01849, la Cour considère « qu’il est constant que les six éoliennes objet du litige doivent être implantées à des distances comprises entre 4 000 et 5 000 mètres du château de Varlemont […] ; qu’en dépit des photomontages produits par MM. C… et D…, qui ne présentent pas un caractère de vraisemblance suffisant quant à la simulation des perceptions, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de cette distance importante qui a pour effet de réduire significativement voire de supprimer les impacts des machines d’une hauteur d’environ 120 mètres, la propriété de MM. C…et D…ne peut être regardée comme située dans le voisinage des éoliennes en litige » et considère que les requérants n’ont pas d’intérêt à agir.

Dans l’affaire n°12DA01850, la Cour estime « qu’il est constant que les onze éoliennes objet du litige doivent être implantées à des distances comprises entre 1 000 et 2 000 mètres du château de Grand-Rullecourt ; qu’il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de ces distances, de la hauteur des machines ainsi que de la configuration des lieux et de l’existence d’écrans visuels, M. et MmeB…, qui produisent des photomontages peu vraisemblables quant à la simulation des perceptions, ne justifient pas d’une réelle visibilité des éoliennes à partir de leur propriété et, par suite, en l’absence de circonstance particulière, d’un intérêt suffisamment direct et certain leur donnant qualité à agir contre les permis de construire attaqués ».

Ces décisions sont intéressantes dans la mesure où si, dans l’arrêt n°12DA01849, la Cour énonce que la propriété des requérants n’est pas dans le voisinage des éoliennes compte tenu de la distance importante entre les éoliennes et la propriété des requérants (4 à 5km), elle reste muette sur cette qualité de voisin dans l’arrêt n°12DA01850 et préfère insister sur la configuration des lieux et sur la hauteur des éoliennes.

La distance étant moindre entre la propriété des requérants et les éoliennes dans l’affaire n°12DA01850 (1 à 2km), il se peut que la Cour ait préféré ne pas mentionner explicitement que les requérants n’étaient pas dans le voisinage des éoliennes, cette appréciation très subjective étant propre aux circonstances de l’espèce.

En outre, dans les deux affaires, la Cour estime que les requérants ne font état d’aucune circonstance particulière de nature à démontrer leur intérêt à agir. L’intérêt historique et la valeur patrimoniale d’un des châteaux n’ont pas été considérés comme une circonstance particulière.

Enfin, la Cour souligne l’importance de recourir à des photomontages vraisemblables pour établir l’impact visuel des éoliennes (sur cette question cf. D. DEHARBE in Images et environnement, LGDJ, 2012).

Ces décisions doivent être mises en parallèle avec trois autres arrêts rendus par la Cour administrative d’appel de Douai le 10 juillet 2014 (CAA Douai, 10 juillet 2014, n°13DA00731, n°13DA00732, n°13DA00733).

Ces affaires concernaient des éoliennes situées à 2 km des propriétés des requérants. Dans ces espèces, la Cour a considéré qu’il ne ressortait pas des diverses pièces produites au dossier que, compte tenu de la configuration des lieux et des obstacles visuels existants, les éoliennes seraient, malgré leur hauteur et le relief plat et dégagé existant dans la zone d’implantation immédiate de ces ouvrages, visibles depuis les propriétés des requérants de telle sorte qu’elles devraient être regardées comme situées dans leur voisinage.

La Cour se livre donc, à l’instar de l’affaire n°12DA01850, à une analyse au cas par cas afin de déterminer si compte tenu de la distance et de la configuration des lieux, les éoliennes sont situées dans le voisinage des requérants ce qui leur confèrerait un intérêt à agir.

Ainsi, si à 4 ou 5km des éoliennes, la qualité de voisin ne pourrait être reconnue compte tenu de la distance, elle pourrait l’être à 1 ou 2km des éoliennes si tant est que la hauteur des éoliennes et la configuration des lieux justifieraient une réelle visibilité des éoliennes depuis la propriété des requérants.

Un proverbe chinois prétend que « Choisir ses voisins est plus important que choisir sa maison » ; manifestement choisir de recourir au juge est un choix que le riverain de l’éolienne doit lui aussi sous-peser avec une grande prudence.

II. Déclinaisons de la jurisprudence Danthony

En ce qui concerne l’affaire n°12DA01848, le requérant relève appel du jugement du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l’annulation des arrêtés par lesquels le Préfet du Pas-de-Calais a délivré à la société Infinivent l’autorisation de construire huit éoliennes.

A la différence des deux affaires précédentes, la Cour administrative d’appel de Douai choisit de ne pas se prononcer sur la recevabilité du requérant et se prononce sur le fond en faisant notamment une application du principe dégagé par le Conseil d’Etat dans sa décision Danthony « selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie » (CE, Assemblée, 23 décembre 2011, n°335033, publié au recueil Lebon).

Le requérant prétendait notamment que l’avis du maire sur les permis de construire était irrégulier dans la mesure où le maire était propriétaire d’un terrain sur lequel serait implantée une éolienne. Il invoquait également l’insuffisance de motivation des conclusions de la commission d’enquête qui se bornait à faire des conclusions d’ordre général sur l’énergie éolienne. Il soutenait enfin que l’avis émis par les autorités militaires sur l’impact des éoliennes le fonctionnement d’un de leurs radars militaires en soutenant que cet avis constituait une circonstance de fait nouvelle imposant que soit à nouveau consulté le directeur départemental de l’équipement.

La Cour considère qu’en ce qui concerne la situation du maire, M.A n’a pas été privé d’une garantie et que cet avis n’a pas été susceptible d’exercer une influence dans le sens de la décision dans la mesure où le Préfet avait par deux fois refusé les demandes de permis de la société Infinivent avant de les accepter. Elle utilise la même motivation en ce qui concerne la non consultation du directeur départemental de l’équipement à la suite de l’intervention d’une circonstance de fait nouvelle.

Par ailleurs, la Cour estime que la commission d’enquête a répondu de manière synthétique aux observations recueillies durant l’enquête publique en faisant connaître sa position personnelle. Elle considère que ces réponses peuvent, dans les circonstances de l’espèce, être regardées comme les motifs qui ont conduit la commission d’enquête à émettre un avis favorable assorti de recommandations. En conséquence, elle conclut que cette irrégularité n’a ni privé le requérant de garantie, ni exercé une influence sur les résultats de l’enquête publique.

En conséquence, la Cour fait une application extensive et quasi-systématique du principe dégagé par la décision Danthony ce qui témoigne du recul net de la portée des moyens de légalité externe. Cet arrêt se justifie eu égard aux circonstances de l’espèce mais ne doit pas conduire à la régularisation de l’ensemble des moyens de légalité externe et à l’abandon des procédures obligatoires préalables à l’adoption d’une décision.

D’ailleurs pour sa part la CAA de bordeaux a tout récemment jugé que participant de l’information du public la motivation de l’avis du commissaire-enquêteur constitue une « garantie » et que la méconnaissance cette formalité ne peut dès lors être couverte par le juge (CAA Bordeaux, 30 juillet 2014, n°12BX02495, note Me Deldique, Blog Green Law Avocat).