Soutien aux ENR: la CRE émet un avis nuancé sur le projet de décret relatif au complément de rémunération

Sablier - Temps - DurŽePar Stéphanie Gandet

Green Law Avocat

Tandis que les acteurs des différentes filières de production d’énergie à partir d’ENR attendent la définition précise du nouveau mécanisme de soutien, le CRE vient du publier un avis nuancé, voire critique, sur le projet de décret qui lui était soumis: 151209AvisProjetDecret

En synthèse, la CRE indique que

« [qu’elle] attend des bénéfices modérés de la transition de l’obligation d’achat vers le complément de rémunération, en termes notamment de maîtrise des charges de service public. Plus largement, la mise en place de ce nouveau mécanisme de soutien devrait avoir un impact limité sur le niveau des prix de marché : les modalités de traitement de la problématique des prix négatifs auraient pu être mises en oeuvre dans le cadre de l’obligation d’achat. La principale vertu du mécanisme réside dans le fait qu’il organise la confrontation des producteurs d’ENR aux marchés de l’électricité et de la capacité, étape indispensable à la préparation de l’arrivée à échéance des contrats d’achat, voire de la suppression à terme des mécanismes de soutien.

À ce titre, la CRE demande que le complément de rémunération s’applique pleinement à la filière éolienne terrestre, en raison du développement soutenu attendu pour cette filière et de l’arrivée à échéance à moyen terme de nombreux contrats d’achat. S’agissant d’une filière mature et concurrentielle, l’organisation d’appels d’offres – sous complément de rémunération – est la voie la plus pertinente pour la développer au meilleur coût pour le consommateur, comme le préconise la Commission européenne. Dans tous les cas, le chevauchement de plusieurs mécanismes de soutien est à proscrire, étant donné les possibilités d’arbitrage qu’il engendre.

Concernant les appels d’offres, les lignes directrices de la Commission européenne offrent des possibilités de dérogation au principe de neutralité technologique, sous certaines conditions. La CRE est favorable à ce que ces possibilités soient exploitées, de manière à viser les filières matures et concurrentielles par des procédures d’appels d’offres adaptées à leurs spécificités.

S’agissant des ZNI, la CRE recommande le recours systématique à des appels d’offres intégrant les spécificités des territoires concernés, qui permettent de révéler le niveau de soutien nécessaire à chaque installation si les conditions garantissant un niveau de concurrence satisfaisant sont réunies. À défaut, il doit être fait recours à un contrat d’achat conclu avec l’opérateur historique, après analyse des coûts et évaluation de la compensation par la CRE.

La commercialisation de la production d’ENR sur les marchés devrait s’accompagner d’un développement du rôle des agrégateurs. Le modèle économique de ces acteurs doit être fondé sur l’optimisation de la valorisation de leur portefeuille d’installations, rendue possible par la définition des paramètres du complément de rémunération, et ne saurait reposer uniquement sur l’existence d’une prime de gestion. L’émission et la vente de garanties d’origine pourraient contribuer à cette valorisation alors qu’elles sont interdites par le projet de décret ; elles devraient à ce titre être autorisées voire encouragées. La définition d’un prix de référence de l’électricité sur une base annuelle dégage par ailleurs un espace économique plus large et incite davantage les producteurs à optimiser le fonctionnement de leurs installations.

Pour les installations existantes, et en particulier celles qui se sont développées à l’issue d’une procédure d’appel d’offres, le passage de l’obligation d’achat au complément de rémunération ne doit en aucun cas s’accompagner d’une revalorisation du tarif dont elles bénéficient. À défaut, il y aurait un effet d’aubaine considérable pour le producteur à pouvoir bénéficier d’un tarif majoré par rapport à celui qui, par construction, lui assurait déjà une rentabilité suffisante et qu’il a lui-même jugée satisfaisante au moment de sa décision d’investissement.

La maîtrise du développement des filières bénéficiant d’un dispositif de soutien requiert un ajustement automatique du tarif applicable aux nouvelles installations qui doit être prévu de façon systématique par les arrêtés tarifaires. Les conditions du renouvellement du soutien public à des installations en ayant déjà bénéficié devront par ailleurs être strictement proportionnées aux objectifs recherchés et les hypothèses technico-économiques sous-jacentes à la définition de ces conditions explicitement précisées dans ces arrêtés.

Enfin, le projet de décret prévoit de nouvelles missions pour la CRE, et notamment l’organisation d’audits annuels dont les résultats sont susceptibles de donner lieu à la révision des conditions du soutien. La capacité de la CRE à répondre à cet enjeu sera conditionnée d’une part par un renforcement de ses moyens et d’autre part par la qualité et la complétude des données auxquelles elle aura accès. La fourniture de celles-ci doit dès lors constituer une obligation pour les producteurs, quel que soit le mécanisme de soutien dont ils bénéficient, et faire l’objet d’une transmission systématique, selon un format standard défini par la CRE. Par ailleurs, le délai laissé à la CRE pour rendre un avis sur les projets d’arrêtés tarifaires devrait être porté à deux mois ».

C’est ici l’occasion de rappeler le contexte dans lequel s’inscrit le nouveau mécanisme de complément de rémunération (« FIP ») destiné à remplacer peu à peu l’obligation d’achat (« FIT »).

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Rappelons qu’historiquement, une consultation nationale s’est déroulée du 12 décembre 2013 au 28 février 2014 sur l’évolution des mécanismes de soutien aux installations sous obligation d’achat soit avant l’édiction des lignes directrices précitées.

Cette consultation a notamment permis de mettre en exergue les critères devant être pris en compte pour l’évaluation des différents dispositifs envisagés. Ces critères sont les suivants :

  • La limitation des risques pour les producteurs (garantie et visibilité sur le niveau de subvention…) ;
  • L’intégration technique au système électrique ;
  • La limitation des distorsions de marché ;
  • La maîtrise et la prévisibilité des coûts et des volumes.

Plusieurs solutions ont donc été envisagées par les participants à cette consultation qui, rappelons-le, s’est déroulée avant les lignes directrices de l’Union européenne quand bien même la restitution a eu lieu après l’édiction de ces lignes directrices. Ces solutions sont les suivantes :

  • Le tarif d’achat fixe : il garantit un niveau maximal de sécurité au producteur mais engendre des distorsions de marché et limite l’intégration des énergies renouvelables au système électrique
  • La vente sur le marché associée à une prime : elle améliore l’intégration sur le marché et présente également une garantie de sécurité pour le producteur si elle est bien dimensionnée.
  • La prime peut être versée « ex-ante » c’est-à-dire déterminée à l’avance sans ajustement en fonction de la production et des prix du marché (ce qui comporte des risques pour le producteur dont la rémunération dépend des prix du marché sur le long terme : elles risquent donc d’accroître les coûts de production et de diminuer la visibilité du producteur). Elle peut au contraire être versée « ex post », c’est-à-dire en fonction des quantités d’électricité réellement produites et des prix de marché observés (ce qui expose les producteurs d’électricité à base d’énergie renouvelable aux signaux de court terme du marché de gros tout en leur garantissant une visibilité et une sécurité financière importante).
  • Elle peut être versée en fonction de l’énergie produite (ce qui incitera les producteurs à produire tant que le prix de marché n’est pas inférieur à leur coût marginal) ou en fonction de la puissance installée (ce qui peut inciter à investir dans des matériels moins bons puisque l’incitation à produire est plus faible).
  • Elle peut aussi être définie dans le cadre d’un appel d’offres (qui permettent de répondre aux enjeux de pilotage du développement des filières) ou de guichets ouverts (qui assurent une meilleure visibilité aux producteurs).

La consultation a également relevé que les certificats verts ne permettaient pas de disposer d’un mix énergétique diversifié ; La consultation a aussi souligné que les technologies non matures devraient pouvoir bénéficier d’un mécanisme de soutien.

Notons que la CRE, dans sa réponse à la consultation nationale, a tenu à préciser que les dispositifs de soutien devaient répondre à deux objectifs fondamentaux :

  • Atteindre les objectifs politiques de développement des énergies renouvelables ;
  • Minimiser le coût des énergies renouvelables pour la société, notamment en restant transitoires.

Au regard de l’ensemble de ces éléments et des lignes directrices intervenues entre la consultation et sa restitution auxquelles la France est tenue de se conformer, l’évolution projetée des dispositifs de soutien envisagés par cette consultation nationale est le suivant : Un dispositif de vente sur le marché pour les installations de grande taille associée à une prime « ex post » ;

La vente sur le marché pourra se faire :

  • Soit sur les marchés ;
  • Soit aux travers de contrats bilatéraux par exemple avec des agrégateurs.

Les modalités de la prime ex post n’ont pas été définies par la restitution. Cette prime devra toutefois limiter l’incitation à produire en période de prix négatifs.

Ce système de vente de l’électricité directement sur les marchés ou au travers de contrats bilatéraux et le versement d’une prime ex post était la solution préférée par la CRE dans sa réponse sur la restitution. La CRE apprécie en effet que les autres mécanismes de soutien envisagés (prime ex ante ou marché de certificats verts transférant des risques plus grands aux producteurs).

  • Un système d’appel d’offres à partir du 1er janvier 2017 pour les installations de plus d’un MW. Précisons que la CRE a estimé dans sa réponse à la consultation nationale que la détermination du niveau de soutien par une procédure d’appel d’offre était une bonne solution car, d’une part, afin d’être désignés lauréats, le prix devant être le critère discriminant, les candidats devront demander un niveau de soutien raisonnable qui se rapprochera dès lors des coûts de production réels de la filière. D’autre part, l’appel d’offre permet de contrôler le développement des filières.
  • Le maintien des tarifs d’achat pour les installations d’une puissance inférieure à 500 kW, pour les projets de démonstration et, pour la filière éolienne, 3 MW ou à 3 unités de production.
  • Un soutien de l’innovation pour les installations non matures : Les projets de démonstration au sens du droit de l’Union européenne pourront être soutenus grâce à des aides l’innovation et aux investissements et de tarifs d’achat fixes de l’électricité produite. Ces aides pourront être conditionnées à des appels d’offres spécifiques aux technologies innovantes.

Les projets ne constituant pas des projets de démonstration au sens du droit de l’Union européenne mais considérées au niveau national comme innovantes ou non matures ne pourront bénéficier de tarifs d’achat fixes et devront être vendus sur le marché en pouvant être complétés avec une prime.

  • La participation des producteurs à la gestion du système électrique : plusieurs moyens sont envisagés :
  • L’observabilité des moyens de production intermittents c’est-à-dire l’envoi aux gestionnaires de réseaux en temps réell de télémesures de puissance active :

Comme permettre aux GRD et à RTE d’observer la production raccordée en HTA ;

Comme pour les installations raccordées en BT les plus importantes, rendre obligatoire la collecte des données nécessaires aux modèles d’estimation de la production non observable

  • La commandabilité des moyens de production intermittents ;
  • La responsabilisation des moyens de production intermittents quant à la prévision de la production ;

Comme étendre l’obligation de participer au dispositif de programmation aux installations raccordées aux réseaux publics de distribution

Comme responsabiliser financièrement les producteurs d’électricité produite à base d’énergie renouvelable concernant leurs écarts entre la production programmée et la production réelle pour les installations qui ne seront pas sous obligation d’achat

  • La participation au mécanisme d’ajustement des capacités de production renouvelables (réglage de la tension…) ;
  • La participation aux services système : Comme accroître la contribution des installations de production d’électricité à base d’énergie renouvelable aux réseaux HTA et HTB au réglage de la tension ; Comme permettre la participation au réglage de la fréquence lorsque cela est techniquement possible.

La restitution évoque également du cas particulier de l’éolien terrestre.

L’éolien terrestre constitue un cas à part dans la mesure où, à la suite de l’invalidation de deux arrêtés du ministre de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire et de la ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, du 17 novembre 2008, fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent (JORF du 13 décembre 2008, p. 19032), et du 23 décembre 2008, complétant l’arrêté du 17 novembre 2008 (JORF du 28 décembre 2008, p. 20310) par la Cour de Justice de l’Union européenne le 19 décembre 2013 (CJUE, 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! Fédération nationale et autres contre Ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement et Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, C-262/12), un nouvel arrêté tarifaire a été pris le 17 juin 2014 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent implantées à terre après avoir été notifié en bonne et due forme à l’Union européenne en tant qu’aide d’Etat et après avoir été approuvé par celle-ci le 27 mars 2014. Cette aide d’Etat a une durée de validité de dix ans.

Par suite, la restitution nationale souligne que la filière éolienne ne devrait pas être concernée par le nouveau mécanisme de soutien aux énergies renouvelables, cette aide d’Etat ayant été approuvée par la Commission avant l’entrée en vigueur des lignes directrices. Rappelons à cet égard que les lignes directrices du 28 juin 2014 s’appliquent à toutes les mesures d’aide notifiées sur lesquelles la Commission est appelée à statuer « après leur entrée en vigueur, même si les projets ont été notifiés avant cette date. » Le dispositif concernant la filière éolienne n’a donc, en principe, pas besoin d’être refondu. Néanmoins, la restitution nationale annonce qu’une évolution de ce dispositif sera envisagée avant le terme de cette durée de validité (§I.2 de la restitution).

La conclusion de cette restitution précise que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte doit poser les bases de cette évolution et instaurer le mécanisme du complément de rémunération et que des textes réglementaires avec les modalités de mise en place de ce dispositif seront pris ultérieurement.

Elle ajoute enfin que les nouveaux mécanismes doivent être notifiés à la Commission européenne avant leur mise en œuvre et avant le 1er janvier 2016.

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Les dispositions prises pour respecter autant que faire se peut les lignes directrices de l’Union européenne

Plusieurs dispositions ont déjà été prises afin d’assurer une sûreté du réseau et l’équilibre entre la production et la consommation.

Ainsi, désormais, les producteurs sont responsables des écarts entre les injections et les soutirages d’électricité auxquels ils procèdent sur le réseau. Le gestionnaire du réseau public de transport veille à la mise en œuvre d’effacements de consommation sur les marchés de l’énergie et sur le mécanisme d’ajustement en cohérence avec l’objectif de sûreté du réseau avec celui de maîtrise de la demande d’énergie. (article L. 321-15 du code de l’énergie et s.)

Chaque fournisseur d’électricité doit désormais participer à la sécurité d’approvisionnement dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat (article L. 335-1 et suivants du code de l’énergie). A défaut, il encourt des sanctions administratives (article L. 335-7 du code de l’énergie).

  • La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Après une première lecture de chacune des assemblées parlementaires, une commission paritaire s’est réunie mais n’est pas parvenue à un texte de compromis. Le projet de loi a donc été présenté en nouvelle lecture à chacune des assemblées et, en l’absence d’accord sur une même version, il a été soumis à la lecture définitive de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2015.

Le mécanisme choisi dans la loi sur la transition énergétique figure dans le titre V, article 104 de la loi.

Ce mécanisme prévoit notamment une modification de l’article L. 314-1 du code de l’énergie. Désormais, les contrats d’obligation d’achat ne seront proposés qu’à certaines installations dont la liste et les caractéristiques seront précisées par décret parmi les installations suivantes, déjà listées à l’article L. 314-1 du code de l’énergie[1] :

« 1° Les installations qui valorisent des déchets ménagers ou assimilés mentionnés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ou qui visent l’alimentation d’un réseau de chaleur ; dans ce dernier cas, la puissance installée de ces installations doit être en rapport avec la taille du réseau existant ou à créer ;

2° Les installations de production d’électricité qui utilisent des énergies renouvelables, à l’exception des énergies mentionnées au 3° ou les installations qui mettent en œuvre des techniques performantes en termes d’efficacité énergétique telles que la cogénération. Un décret en Conseil d’Etat fixe les limites de puissance installée des installations de production qui peuvent bénéficier de l’obligation d’achat. Ces limites, qui ne peuvent excéder 12 mégawatts, sont fixées pour chaque catégorie d’installation pouvant bénéficier de l’obligation d’achat sur un site de production. Pour apprécier le respect de ces limites, deux machines électrogènes, appartenant à une même catégorie d’installations, exploitées par une même personne ou par les sociétés qu’elle contrôle directement ou indirectement au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, ne peuvent être considérées comme situées sur deux sites distincts si la distance qui les sépare est inférieure à une distance minimale fixée par voie réglementaire. Ces limites sont révisées pour prendre en compte l’ouverture progressive du marché national de l’électricité.

Les nouvelles installations destinées au turbinage des débits minimaux mentionnés à l’article L. 214-18 du code de l’environnement réalisées par le titulaire d’une autorisation ou d’une concession hydroélectrique en cours bénéficient de l’obligation d’achat indépendamment de l’ouvrage principal à la condition que leur puissance installée respecte les limites prévues à l’alinéa précédent ;

3° Les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent qui sont implantées à terre ou qui sont implantées sur le domaine public maritime ou dans la zone économique exclusive et les installations qui utilisent l’énergie marine, l’énergie solaire thermique ou l’énergie géothermique ou hydrothermique.

4° Les moulins à vent réhabilités pour la production d’électricité ;

5° Les moulins à eaux réhabilités pour la production d’électricité ;

6° Les installations qui valorisent des énergies de récupération dans les limites et conditions définies au présent article, notamment au 2° ;

7° Dans les départements d’outre-mer, les installations électriques qui produisent de l’électricité à partir de la biomasse, dont celle issue de la canne à sucre. »

En principe, il convient de rappeler qu’une installation ne peut bénéficier qu’une fois d’un contrat d’achat. Il existe déjà une exception à ce principe selon laquelle «  Cette disposition ne s’applique pas aux contrats d’achat d’une durée de quinze ans, qui arrivent à échéance à partir de 2012, dont bénéficient les installations de production hydroélectrique qui pourront être renouvelés une fois à leur échéance aux mêmes conditions et pour une durée de quinze ans, sous réserve de la réalisation d’un programme d’investissement défini par arrêté. » (article L. 314-2 du code de l’énergie)

La loi sur la transition énergétique complète l’article L. 314-2 du code de l’énergie avec une nouvelle exception. Désormais, « Cette disposition ne s’applique pas non plus aux installations situées dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, ni aux installations, définies par décret, situées sur le territoire métropolitain continental ayant été amorties et pour lesquelles le niveau des coûts d’exploitation d’une installation performante représentative de la filière est supérieur au niveau de l’ensemble de ses recettes, y compris les aides financières et fiscales auxquelles elle est éligible, tant que ces coûts restent supérieurs à ces recettes. Lorsque ces installations demandent à bénéficier une nouvelle fois de l’obligation d’achat, les conditions d’achat mentionnées à l’article L. 314-7 sont adaptées à leurs nouvelles conditions économiques de fonctionnement. »

En outre, l’article L. 314-4 relatif à la fixation des conditions dans lesquelles les ministres chargés de l’économie et de l’énergie arrêtent, après avis de la Commission de régulation de l’énergie, les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations mentionnées à l’article L. 314-1 est complété. La loi sur la transition énergétique ajoute ainsi que ces conditions « sont établies en tenant compte, notamment, des frais de contrôle mentionnés à l’article L. 314-7-1. »

L’article L. 314-7-1 susvisé a été créé par la loi sur la transition énergétique. Aux termes de cet article :

« Les installations pour lesquelles une demande de contrat d’achat a été faite en application de l’article L. 314-1 peuvent être soumises à un contrôle lors de leur mise en service ou à des contrôles périodiques, permettant de s’assurer que ces installations ont été construites ou fonctionnent dans les conditions requises par la réglementation ou par les stipulations prévues par le contrat d’achat. Ces contrôles sont effectués aux frais du producteur par des organismes agréés.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. Il fixe notamment, selon les caractéristiques des installations, la périodicité, les modalités de fonctionnement du système de contrôle et, en particulier, les conditions d’agrément des organismes contrôleurs et les conditions dans lesquelles les résultats sont tenus à la disposition de l’administration ou, lorsque certaines non-conformités sont détectées, transmis à l’autorité administrative compétente. »

Par ailleurs, les contrats d’achat peuvent être suspendus par EDF, les entreprises locales de distribution ou les organismes agréés mentionnés à l’article L. 314-6-1 (article L. 314-7 modifié du code de l’énergie)[2].

L’article L. 314-6-1 du code de l’énergie, nouvellement créé, permet à  l’autorité administrative d’agréer des organismes qui, lorsqu’un producteur en fait la demande dans un délai de six mois après la signature d’un contrat d’achat conclu avec Électricité de France ou des entreprises locales de distribution, peuvent se voir céder ce contrat dans certaines conditions[3].

 

Les surcoûts éventuels des installations de production d’électricité exploitées par Electricité de France, par les entreprises locales de distribution ou par les organismes agréés mentionnés à l’article L. 314-6-1 et qui entrent dans le champ d’application de l’article L. 314-1 font l’objet d’une compensation dans les conditions prévues aux articles L. 121-6 et suivants (article L. 314-3 modifié). Précisons à cet égard que l’article définissant les charges imputables aux missions de service public a lui aussi été modifié par la loi sur la transition énergétique.[4]

Ajoutons enfin que la loi sur la transition énergétique que les instances représentatives de chaque filière d’énergies renouvelables sont consultées sur les évolutions des dispositifs de soutien préalablement à leur adoption.

Excepté ces cas où des contrats d’achat seront possibles, le producteur d’électricité produite à base d’énergie renouvelable devra vendre son électricité au prix du marché à l’instant où il l’injectera sur le réseau. Il percevra ensuite un « complément de rémunération » complétant l’écart entre le prix du marché et un niveau préalablement déterminé.

Le complément de rémunération est défini au chapitre IV du titre Ier du livre III du code de l’énergie qui sera complété par une section 3 intitulée « Le complément de rémunération ».

Ce complément de rémunération sera conclu entre EDF et les producteurs intéressés (nouvel article L. 314-18 du code de l’énergie[5]). Il ne pourra bénéficier aux installations qui bénéficient déjà d’un contrat d’achat sauf exception : certaines installations sous contrat d’achat pourront en effet bénéficier dans certaines conditions, à l’expiration ou à la rupture du contrat d’achat, du complément de rémunération (nouvel article L. 314-19 du code de l’énergie[6]).

Le nouvel article L. 314-20 du code de l’énergie[7] dispose que le complément de rémunération devra tenir compte de plusieurs paramètres qui seront révisés périodiquement. Le complément de rémunération devra tenir compte :

  • Des investissements et des charges d’exploitation d’installations performantes, représentatives de chaque filière ;
  • Du coût d’intégration de l’installation dans le système électrique ;
  • Des recettes de l’installation ;
  • De l’impact de ces installations sur l’atteinte des objectifs mentionnés aux articles L. 100-1 et L. 100-2 ;
  • Des cas dans lesquels les producteurs sont également consommateurs de tout ou partie de l’électricité produite.

Il devra être proportionné aux risques inhérents aux installations.

Le complément de rémunération fera l’objet d’expérimentations pour les petits et moyens projets ainsi que pour les filières non matures dont les modalités seront fixées par arrêté.

Un décret devra déterminer les conditions dans lesquelles les ministres chargés de l’énergie et de l’économie arrêtent, après avis de la Commission de régulation de l’énergie, les conditions du complément de rémunération. C’est ce décret qui est attendu et à propos duquel la CRE vient de rendre son avis.

Les installations bénéficiant du complément de rémunération au titre de l’article ne pourront, en principe, bénéficier qu’une seule fois du complément de rémunération (nouvel article L. 314-21 du code de l’énergie[8]). La durée maximale du contrat offrant un complément de rémunération sera, pour chaque filière, fixée par arrêté mais ne pourra dépasser vingt ans (nouvel article L. 314-21 du code de l’énergie[9]).

Le complément  de rémunération pourra, sous réserve du maintien des contrats en cours, être partiellement ou totalement suspendu par l’autorité administrative si ce dispositif ne répond plus aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (nouvel article L. 314-23 du code de l’énergie[10]).

Les contrats offrant des compléments de rémunération seront des contrats administratifs qui ne seront conclus et qui n’engageront les parties qu’à compter de leur signature. Ils peuvent être suspendus ou résiliés par Électricité de France, dans des conditions approuvées par l’autorité administrative (nouvel article L. 314-24 du code de l’énergie[11]).

Les installations bénéficiant d’un complément de rémunération pourront faire l’objet d’un contrôle (nouvel article L. 314-25 du code de l’énergie[12]).

Un dispositif d’acheteur de secours, lorsque les producteurs dont les installations bénéficient du complément de rémunération ne trouvent pas d’acheteur sur le marché, a également été prévu (nouvel article L. 314-26 du code de l’énergie[13]). Ce dispositif transitoire est destiné à sécuriser le financement des installations d’énergie renouvelable sous complément de rémunération tant que le marché des agrégateurs n’est pas suffisamment mature.

L’impatience demeure donc en attendant la publication du décret…

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[1] La loi précise ainsi :

« (S1) I. – L’article L. 314-1 du code de l’énergie est ainsi modifié :

1° Après les mots : « national par », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « les installations dont la liste et les caractéristiques sont précisées par décret parmi les installations suivantes : » ;

2°  À la deuxième phrase du 2°, les mots : « en Conseil d’État » sont supprimés. »

[2] « L’article L. 314-7 du même code est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les contrats prévoient les conditions dans lesquelles ils peuvent être suspendus ou résiliés par Électricité de France, les entreprises locales de distribution ou les organismes agréés mentionnés à l’article L. 314-6-1, dans des conditions approuvées par l’autorité administrative. » ;

2° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi modifiée :

  1. a)  Les mots : « ces acheteurs » sont remplacés par les mots : « Électricité de France, les entreprises locales de distribution ou les organismes agréés mentionnés à l’article L. 314-6-1 » ;
  2. b) Sont ajoutés les mots : « , ou une prime prenant en compte les cas dans lesquels les producteurs sont également consommateurs de tout ou partie de l’électricité produite ». »

[3] « Art. L. 314-6-1. – À l’exception des contrats concernant des installations situées dans les zones non interconnectées, l’autorité administrative peut agréer des organismes qui, lorsqu’un producteur en fait la demande dans un délai de six mois après la signature d’un contrat d’achat conclu avec Électricité de France ou des entreprises locales de distribution, peuvent se voir céder ce contrat. Cette cession ne peut prendre effet qu’au 1er janvier suivant la demande de cession par le producteur. Toute cession est définitive et n’emporte aucune modification des droits et obligations des parties. Le décret en Conseil d’État mentionné à l’article L. 314-13 précise les conditions de l’agrément et les modalités de cession. Il prévoit également les modalités de calcul des frais exposés, par l’acheteur cédant, pour la signature et la gestion d’un contrat d’achat jusqu’à la cession de celui-ci et devant être remboursés par l’organisme agréé cessionnaire. »

[4] L’article 104 de la loi sur la transition énergétique précise ainsi : « VII III. – L’article L. 121-7 du même code est ainsi modifié :

1° VI. La première phrase du 1° est ainsi rédigée :

« Les surcoûts qui résultent, le cas échéant, de la mise en œuvre des articles L. 311-10 à L. 311-13-5 dans le cadre des contrats conclus en application du 1° de l’article L. 311-12, des articles L. 314-1 à L. 314-13 et de l’article L. 314-26 L. 314-22-2 par rapport aux coûts évités à Électricité de France ou, le cas échéant, à ceux évités aux entreprises locales de distribution, aux organismes agréés mentionnés à l’article L. 314-6-1 qui seraient concernés ou à l’acheteur en dernier recours mentionné à l’article L. 314-26 L. 314-22-2, ainsi que les surcoûts qui résultent des primes et avantages consentis aux producteurs dans le cadre de ces dispositions. » ;

2° Il est ajouté un 4° ainsi rédigé :

« 4° Les coûts résultant de la mise en œuvre des articles L. 314-18 à L. 314-27 L. 314-23 et des articles L. 311-10 à L. 311-13-5 dans le cadre des contrats conclus en application du 2° de l’article L. 311-12. »

[5] « « Art. L. 314-18. – Sous réserve de la nécessité de préserver le fonctionnement des réseaux, Électricité de France est tenue de conclure, lorsque les producteurs intéressés en font la demande, un contrat offrant un complément de rémunération pour les installations implantées sur le territoire métropolitain continental, dont la liste et les caractéristiques sont précisées par décret, parmi les installations mentionnées aux 1° à 7° de l’article L. 314-1. »

[6]  « « Art. L. 314-19. – Les installations qui bénéficient d’un contrat d’achat au titre de l’article L. 121-27, du 1° de l’article L. 311-12 ou de l’article L. 314-1 ne peuvent bénéficier du complément de rémunération prévu à l’article L. 314-18.

« Le décret mentionné à l’article L. 314-27 L. 314-23 précise les conditions dans lesquelles certaines installations qui ont bénéficié d’un contrat d’achat au titre de l’article L. 121-27, du 1° de l’article L. 311-12 ou de l’article L. 314-1 peuvent bénéficier une seule fois, à la demande de l’exploitant, à l’expiration ou à la rupture du contrat, du complément de rémunération prévu à l’article L. 314-18. La réalisation d’un programme d’investissement est une des conditions à respecter pour pouvoir bénéficier de ce complément, à l’exception des installations pour lesquelles les producteurs souhaitent rompre leur contrat d’achat pour un contrat de complément de rémunération sur la durée restante du contrat d’achat initial et des installations, définies par décret, ayant été amorties et pour lesquelles le niveau des coûts d’exploitation d’une installation performante représentative de la filière est supérieur au niveau de l’ensemble de ses recettes, y compris les aides financières et fiscales auxquelles elle est éligible. Les conditions de rémunération mentionnées à l’article L. 314-20 applicables aux installations mentionnées au présent alinéa tiennent compte de leurs conditions économiques de fonctionnement »

[7]  « « Art. L. 314-20. – Les conditions du complément de rémunération pour les installations mentionnées à l’article L. 314-18 sont établies en tenant compte notamment :

« 1° Des investissements et des charges d’exploitation d’installations performantes, représentatives de chaque filière, notamment des frais de contrôle mentionnés à l’article L. 314-25 L. 314-22-1 ;

« 2° Du coût d’intégration de l’installation dans le système électrique ;

« 3° Des recettes de l’installation, notamment la valorisation de l’électricité produite, la valorisation par les producteurs des garanties d’origine et la valorisation des garanties de capacités prévues à l’article L. 335-3 ;

« 4° De l’impact de ces installations sur l’atteinte des objectifs mentionnés aux articles L. 100-1 et L. 100-2 ;

« 5° Des cas dans lesquels les producteurs sont également consommateurs de tout ou partie de l’électricité produite par les installations mentionnées à l’article L. 314-18.

« 6° (Supprimé)

« Le niveau de ce complément de rémunération ne peut conduire à ce que la rémunération totale des capitaux immobilisés, résultant du cumul de toutes les recettes de l’installation et des aides financières ou fiscales, excède une rémunération raisonnable des capitaux, compte tenu des risques inhérents à ces activités.

« Les conditions du complément de rémunération font l’objet d’une révision périodique afin de tenir compte de l’évolution des coûts des installations nouvelles bénéficiant de cette rémunération.

« Le complément de rémunération fait l’objet de périodes d’expérimentation pour les petits et moyens projets ainsi que pour les filières non matures. Les modalités de ces expérimentations sont fixées par arrêté des ministres chargés de l’énergie et de l’économie.

« Les conditions dans lesquelles les ministres chargés de l’énergie et de l’économie arrêtent, après avis de la Commission de régulation de l’énergie, les conditions du complément de rémunération pour les installations mentionnées à l’article L. 314-18 sont précisées par le décret prévu à l’article L. 314-27 L. 314-23 ».

[8]  « « Art. L. 314-21 L. 314-20-1. – Sous réserve du maintien des contrats en cours, les installations bénéficiant du complément de rémunération au titre de l’article L. 314-18 ne peuvent bénéficier qu’une seule fois du complément de rémunération.

« Par dérogation au premier alinéa du présent article, peuvent bénéficier plusieurs fois d’un contrat offrant un complément de rémunération lorsque le niveau des coûts d’une installation performante représentative de la filière est supérieur au niveau de l’ensemble de ses recettes, y compris les aides financières et fiscales auxquelles elle est éligible, tant que ces coûts restent supérieurs à ces recettes :

« 1° Les installations hydroélectriques, sous réserve de la réalisation d’un programme d’investissement défini par arrêté ;

« 2° Les installations, définies par décret, ayant été amorties.

« Les conditions de rémunération mentionnées à l’article L. 314-20 applicables aux installations mentionnées aux 1° et 2° du présent article tiennent compte de leurs conditions économiques de fonctionnement. »

[9]  « « Art. L. 314-22 L. 314-20-2. – Pour chaque filière d’énergies renouvelables, la durée maximale du contrat offrant un complément de rémunération prévu à l’article L. 314-18 est fixée par arrêté. Cette durée ne peut dépasser vingt années. »

[10] « « Art. L. 314-23 L. 314-21. – Sous réserve du maintien des contrats en cours, le complément de rémunération des installations mentionnées sur la liste prévue à l’article L. 314-18 peut être partiellement ou totalement suspendu par l’autorité administrative si ce dispositif ne répond plus aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie. »

[11]  « « Art. L. 314-24 L. 314-22. – Les contrats conclus en application de la présente section sont des contrats administratifs qui ne sont conclus et qui n’engagent les parties qu’à compter de leur signature.

« Les contrats prévoient dans quelles conditions ils peuvent être suspendus ou résiliés par Électricité de France, dans des conditions approuvées par l’autorité administrative. »

[12] « « Art. L. 314-25 L. 314-22-1. – Les installations pour lesquelles une demande de contrat de complément de rémunération a été faite en application de l’article L. 314-18 peuvent être soumises à un contrôle lors de leur mise en service ou à des contrôles périodiques, permettant de s’assurer que ces installations ont été construites ou fonctionnent dans les conditions requises par la réglementation ou par le contrat de complément de rémunération. Ces contrôles sont effectués aux frais du producteur par des organismes agréés.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. Il fixe notamment, selon les caractéristiques des installations, la périodicité, les modalités de fonctionnement du système de contrôle et, en particulier, les conditions d’agrément des organismes contrôleurs et les conditions dans lesquelles les résultats sont tenus à la disposition de l’administration ou, lorsque certaines non-conformités sont détectées, transmis à l’autorité administrative compétente. »

[13]« Art. L. 314-26 Art. L. 314-22-2 (nouveau). – Par exception à l’article L. 314-18, l’autorité administrative peut désigner, par une procédure transparente, un acheteur en dernier recours tenu de conclure un contrat d’achat de l’électricité produite par les installations bénéficiant d’un contrat de complément de rémunération au titre du même article L. 314-18 ou du 2° de l’article L. 311-12 avec tout producteur qui en fait la demande et qui justifie l’impossibilité de vendre son électricité. Ce contrat se substitue au contrat de complément de rémunération susmentionné. L’achat de cette électricité ne peut engendrer un niveau de rémunération supérieur à 80 % de la rémunération totale qui aurait été tirée de la vente de l’électricité produite sur le marché et du versement du complément de rémunération. Les modalités d’application du présent article sont définies par le décret mentionné à l’article L. 314-27 L. 314-23 »