Sortie du statut de déchet des chiffons d’essuyage

Recycling Altkleidersammlung Jeans - Recycling used clothing collection jeansPar Maître Yann BORREL – Avocat of counsel (yann.borrel@green-law-avocat.fr).

Publié au Journal officiel le 16 mars 2019, un arrêté ministériel du 25 février fixe les critères dont le respect permet à l’exploitant d’une installation relevant de la rubrique 2714 ou 2791 de la nomenclature des installations classées de faire sortir du statut de déchet les chiffons d’essuyage coupés élaborés à partir de textiles usagés (NOR: TREP1833757A).

Rappelons, à titre liminaire, que certains déchets peuvent sortir du statut de déchet à l’occasion de leur passage par une installation de traitement de déchet, lorsque cette possibilité est prévue dans un règlement européen ou un arrêté ministériel spécifique à ce type de déchets, et si l’intégralité des critères fixés par ce règlement européen ou cet arrêté ministériel sont respectés. On parle alors de sortie « explicite » du statut de déchet (cf. Avis paru au Journal officiel du 13 janvier 2016, NOR : DEVP1600319V, JORF).

Les critères en fonction desquels les chiffons d’essuyage coupés cessent d’être des déchets n’ont pas été définis au niveau de l’Union européenne. Dans ce contexte, FEDEREC a sollicité de la part du Ministre chargé de l’environnement qu’il fixe lui-même des critères. Ces critères nationaux de sortie du statut de déchet n’en doivent pas moins respecter l’ensemble des conditions énumérées par l’article 6 de la directive « cadre » déchets (Directive 2008/98/CE du 19 nov 2008) et transposées à l’article L. 541-4-3 du code l’environnement. Si la directive (UE) 2018/851 du 30 mai 2018 (JOUE n° L 150 du 14 juin 2018) a modifié ces conditions, l’article L. 541-4-3 est néanmoins, pour l’heure, demeure inchangé, le délai de transposition expirant le 5 juillet 2020.

Par ailleurs, il est à noter qu’à la différence de l’arrêté ministériel fixant les critères de sortie du statut de déchet pour les objets et les produits chimiques ayant fait l’objet d’une préparation en vue de la réutilisation (cf. notre commentaire de cet arrêté), l’arrêté ministériel du 25 février 2019 s’applique expressément aux seuls exploitants d’I.C.P.E.

Aux termes de l’arrêté, pour pouvoir faire sortir les chiffons d’essuyage coupés du statut de déchet, les critères doivent être satisfaits cumulativement en ce qui concerne :

–   les types de textiles usagés utilisés comme intrants dans l’opération de valorisation (1°) ;

–   le mode de valorisation des intrants (2°) ;

–   la qualité des chiffons d’essuyage coupés issus de l’opération de valorisation (3°) ;

–   la conclusion d’un contrat de cession (4°),

–   l’obligation pour l’exploitant de satisfaire à des exigences en termes de procédure qualité et d’auto-contrôle (5°).

1°.   Les types de textiles usagés utilisés comme intrants dans l’opération de valorisation

L’annexe 1 de l’arrêté ministériel du 25 février 2019 détermine la liste des déchets susceptibles de sortir du statut de déchets (cf. section 1.1). Plus précisément, sont autorisés comme intrants, les déchets couverts par l’un des codes déchets suivants :

–      les emballages textiles (relevant du code déchet 15 01 09) ;

–      les déchets suivants, relevant du code déchet 15 02 03 : absorbants, matériaux filtrants, chiffons d’essuyage et vêtements de protection autres que ceux visés à la rubrique 15 02 02 ;

–      les déchets relevant du code déchet 18 01 04 dont la collecte et l’élimination ne font pas l’objet de prescriptions particulières vis-à-vis des risques d’infection ;

–      les déchets textiles provenant du traitement mécanique des déchets (relevant du code déchet 19 12 08) ;

–      les vêtements usagés (relevant du code déchet 20 01 10) ;

–      les textiles usagés provenant de fractions collectées séparément (relevant du code déchet 20 01 11).

Par ailleurs, seuls les déchets propres, secs et dépourvus de substances dangereuses peuvent être utilisés comme intrants (cf. section 1.2).

2°.   Le mode de valorisation des intrants

Pour pouvoir sortir du statut de déchet, les intrants doivent être valorisés selon les conditions définies au sein de la section 2 de l’annexe I.

Tout d’abord, les textiles usagés doivent être triés et débarrassés de leurs corps étrangers selon les critères suivants :

–      premièrement, les textiles humides, sales ou non conformes, doivent être retirés et redirigés vers une filière de traitement de déchets adaptée ;

–      deuxièmement, les textiles doivent être triés par catégorie de textiles ;

–      troisièmement, les textiles doivent être débarrassés des corps étrangers tels que les boutons, les fermetures éclairs, les surépaisseurs (poches, cols, etc.).

Par ailleurs, l’arrêté ministériel exige que le tri soit réalisé manuellement par reconnaissance visuelle des textiles usagés. Les textiles usagés sales ou avec une mauvaise apparence, très déchirés, mouillés, ou ne répondant pas à la nature de textile compatible avec la spécification, doivent être retirés.

Ensuite, les textiles usagés doivent être découpés et mis au format selon une spécification client ou d’un secteur industriel (cf. section 2.4).

Enfin, les chiffons d’essuyage coupés doivent être identifiés et entreposés séparément sur le site de l’installation de valorisation.

3°.     Exigences en termes de qualité des chiffons d’essuyage coupés valorisés

Pour pouvoir sortir du statut de déchet, les chiffons d’essuyage coupés issus de l’opération de valorisation doivent également satisfaire à des exigences en termes de qualité (cf. art. 3 c). Précisément, une fois que l’opération de valorisation a été réalisée, les chiffons d’essuyage coupés doivent rester propres et secs. Par ailleurs, les chiffons issus du processus doivent être assemblés en lots conformément au le cahier des charges du client ou selon une catégorie de textiles particulière. Enfin, chaque lot doit être conditionné et entreposé selon des pratiques permettant de garantir son intégrité.

4°.       Conclusion d’un contrat de cession

Pour pouvoir sortir du statut de déchet, les chiffons d’essuyage coupés issus de l’opération de valorisation doivent être cédés par l’exploitant (cf. art. 3 d).

5°.       Exigences en termes de procédure qualité et d’auto-contrôle

Pour que l’exploitant soit autorisé à faire sortir du statut de déchet les chiffons d’essuyage coupés, il doit avoir respecté des exigences en matière de procédure qualité et d’auto-contrôle. Ces exigences sont, plus précisément, les suivantes :

  • Etablissement d’une attestation de conformité dont le contenu figure à l’annexe II ;
  • Identification des lots de chiffons coupés grâce à un système de numérotation et consignation de ce système dans le manuel de qualité ;
  • Mise en place d’un système de gestion de la qualité conformément à l’arrêté ministériel du 19 juin 2015 (JORF du 2 juillet 2015) ;
  • Mise en œuvre de plusieurs mesures d’auto-contrôle (consistant notamment dans des opérations de vérification administrative et d’inspection visuelle).

Enfin, lorsqu’un doute subsistera sur la nature ou sur la composition du déchet ou du chiffon coupé, entrant ou sortant de l’installation de valorisation, et si aucune analyse complémentaire ne saurait permettre d’écarter ce risque, le personnel compétent devra expédier cet objet vers une installation de gestion de déchet autorisé à le recevoir (cf. art. 7). Cette exigence nous semble justifiée par le principe de précaution que la Cour de justice de l’Union européenne a récemment appliqué en matière de classification des déchets dont la composition en substances dangereuses n’est pas déterminable (cf. CJUE, 28 mars 2019, C-487/17 et 489/17).