Projet de loi biodiversité : vers l’intégration des continuités écologiques dans les PLU

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Maître Yann BORREL (Green Law Avocat)

Le 24 mars 2015, l’Assemblée Nationale a adopté, en première lecture, le projet de loi n° 1847 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages: http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0494.asp. Le renforcement de la préservation des espaces de continuités écologiques dans les plans locaux d’urbanisme (PLU) est une mesure adoptée par l’Assemblée Nationale à la faveur de deux amendements au projet de loi en faveur de la protection de la biodiversité. Ces amendements découlent du constat selon lequel le droit de l’urbanisme ne serait pas suffisamment adapté pour assurer la préservation des espaces de continuités écologiques.
Plus précisément, l’on se souvient qu’en instituant la « trame verte » et la « trame bleue » dans la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (dite loi « Grenelle 2 »), le législateur avait entendu enrayer la perte de biodiversité en faisant participer ces « trames » à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques (C. env., art. L. 371-1 et s.). Dans cette même loi, le législateur a fixé, parmi les objectifs assignés aux documents d’urbanisme, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques.
En marge des discussions sur le projet pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, des voix se sont élevées pour améliorer la prise en compte des continuités écologiques dans les PLU au motif que le code de l’urbanisme serait inadapté pour concrétiser les objectifs poursuivis par les trames verte et bleue. C’est dans ce contexte que l’Assemblée Nationale a adopté l’article 36 quater au projet de loi. L’examen de l’article amène à formuler deux séries d’observations.
Tout d’abord, cet article définit les « espaces de continuité écologique » dans un nouveau chapitre du livre III du code de l’urbanisme. Il s’agit là d’une réelle innovation. Les « espaces de continuité écologique » sont désignés comme étant les espaces et formations végétales ou aquatiques, naturelles ou semi-naturelles qui font partie de la trame verte et de la trame bleue : « les espaces de continuités écologiques mentionnés au 2° du III de l’article L. 123-1-5 sont les espaces et les formations végétales ou aquatiques, naturelles ou semi-naturelles, mentionnés aux II et III de l’article L. 371-1 du code de l’environnement, nécessaires à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques ».
Ensuite, il ressort de l’article 36 quater que le renforcement de la préservation des espaces de continuités écologiques dans les plans locaux d’urbanisme se traduit par l’identification, dans les règlements des PLU, des espaces de continuité écologique et non, par la création d’un nouveau zonage.
La mesure de renforcement est donc moindre que celle souhaitée par les associations de protection de l’environnement. En effet, à leur demande, un amendement adopté en Commission avait prévu la création d’un nouveau zonage à l’intérieur duquel aurait été interdit toute utilisation du sol de nature à compromettre la préservation ou la remise en état des espaces de continuité écologique (amendement n° CD340). Néanmoins, se rangeant à l’avis de la Ministre de l’Ecologie, l’Assemblée Nationale a opté en faveur de l’utilisation des plans locaux d’urbanisme pour répondre au problème posé, tout en évitant la rigidité d’un nouveau zonage.
Par ailleurs, l’article 36 quater encadre les conditions d’intégration des espaces de continuités écologiques dans les PLU. En effet, aux termes de cet article, les espaces de continuité écologique ne pourraient être identifiés, localisés et réglementés dans les PLU que sous réserve d’une justification au regard de l’intérêt patrimonial des espaces et des formations végétales visés ou de leur identification dans le schéma mentionné à l’article L. 371-3 du code de l’environnement. Les rédacteurs des PLU doivent également prendre en compte les activités humaines, notamment agricoles.
Pour autant, il serait erroné de croire que la mesure instituée à l’article 36 quater du projet de loi est anodine. En effet, s’il était adopté en l’état, cet article ouvrirait la voie à l’insertion des Schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) dans les PLU, étant rappelé que les SRCE sont les outils prévus par le code de l’environnement pour assurer la mise en œuvre de la trame verte et bleue au niveau régional. Or, il arrive que ces schémas identifient des pans importants de territoires dans la trame verte et bleue. Reste à savoir comment serait organisée la conciliation de l’objectif de préservation des espaces de continuité écologique avec la prise en compte des activités humaines, notamment agricoles, en milieu rural, que les trames verte et bleue ont pourtant déjà vocation à prendre en considération (C. env., art. L. 371-1, I).
Le texte du projet de loi a été transmis au Sénat à la fin du mois de mars. Affaire à suivre, donc en espérant que le vert ne soit pas déjà dans le fruit …