PLU : le Conseil d’État explique comment vérifier la cohérence du règlement avec le PADD (CE, 30 mai 2018, n°408068)

ブルドーザーが森林を伐採している様子

Par Maître Lou DELDIQUE, Avocat of counsel – GREEN LAW AVOCATS (lou.deldique@green-law-avocat.fr)

L’article L. 151-2 du code de l’urbanisme prévoit que le PLU se compose de différents documents :

  • Le rapport de présentation, qui explique les choix et les orientations retenus et présente les autres éléments du PLU (CU, art. L. 151-4) ;
  • Le projet d’aménagement et de développement durables (PADD), qui exprime le projet politique et définit les orientations générales des différentes politiques d’aménagement (CU, art. L. 151-5) ;
  • Les orientations d’aménagement et de programmation (OAP), qui sont des règles spécifiques en matière d’aménagement, d’habitat, de transport, de déplacements et, en zone de montagne, d’unités touristiques nouvelles (CU, art. L. 151-6) ;
  • Le règlement, qui délimite les différentes zones du plan et fixe les règles d’implantation des constructions applicables à l’intérieur de chacune de ces zones (CU, art. L. 151-8) ;
  • Les annexes (plan de zonage, cartes des périmètres renseignements relatifs aux servitudes d’utilité publique …) (CU, art. L.151-43).

Tous ces éléments n’ont pas la même portée : en effet, seuls le règlement, ses documents graphiques et les OAP sont directement opposables aux pétitionnaires.

Toutefois, leur élaboration doit se faire en cohérence avec le PADD, de sorte que celui-ci joue un rôle déterminant lorsque le PLU est contesté.

Par un arrêt en date du 2 octobre 2017 (CE, 2 octobre 2017, n°398322), le Conseil d’État a précisé que la notion de cohérence n’était pas assimilable à celle de compatibilité, ni à celle de conformité.

La décision commentée (CE, 30 mai 2018, n°408068, consultable ici) complète cette jurisprudence.

 

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Marseille avait annulé le PLU de la commune de Sète en considérant que :

  • La création d’un emplacement réservé en vue de la réalisation d’une voie publique n’était pas en cohérence avec l’objectif de protection d’une perspective paysagère remarquable fixé par le PADD ;
  • Et que le classement de deux parcelles était entaché d’erreur d’appréciation.

 

 

S’agissant du premier point, le Conseil d’État précise que la cohérence du règlement et du PADD doit s’apprécier à l’échelle de l’ensemble du territoire communal, et en tenant compte de l’ensemble des orientations définies :

« Pour apprécier la cohérence […] exigée au sein du plan local d’urbanisme entre le règlement et le projet d’aménagement et de développement durable, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire couvert par le document d’urbanisme,  si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d’aménagement et de développement durable, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l’inadéquation d’une disposition du règlement du plan local d’urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d’aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l’existence d’autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet. »

 

En l’espèce, la Cour n’avait tenu compte que d’un objectif particulier du PADD, sans relever que le projet d’emplacement réservé était cohérent avec d’autres orientations. En se limitant à cet aspect, elle a donc commis une erreur de droit :

« Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet d’aménagement et développement durables du plan local d’urbanisme de la commune de Sète comporte, outre une orientation générale numérotée IV tendant à  » préserver et valoriser les identités sétoises, anticiper le changement climatique, rechercher l’excellence environnementale et mieux considérer les risques naturels et les nuisances « , précisant notamment un objectif particulier de  » préservation des éléments paysagers remarquables notamment sur le Mont Saint-Clair, entité patrimoniale et emblématique de la ville et de son centre ancien « , une orientation numérotée III qui vise à  » organiser les déplacements pour limiter les nuisances et mettre en valeur la ville « , en précisant notamment l’objectif d’  » amélioration de la hiérarchisation du réseau viaire dans l’optique d’une voirie pour tous : par la poursuite des aménagements viaires structurants à vocation de diffusion des flux sur une trame viaire complétée (prolongement boulevard Grangent, …) (…) « . Pour juger que le règlement du plan local d’urbanisme n’était pas en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables de ce même plan, la cour s’est fondée sur la circonstance que la création de l’emplacement réservé n° 29, destiné à la réalisation d’une voie publique servant à relier le boulevard Grangent au chemin de la Croix de Marcenac, est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de l’objectif relatif à la protection de la perspective paysagère du Mont Saint-Clair. En exerçant ainsi son contrôle au regard d’un objectif particulier du projet d’aménagement et développement durables, sans prendre en compte l’ensemble des orientations et des objectifs de ce projet dans les conditions énoncées au point précédent, la cour a commis une erreur de droit. »

Notons que cette solution s’inscrit clairement dans la tendance engagée par la jurisprudence Danthony, puisqu’elle favorise une analyse globale du document d’urbanisme.

S’agissant du second point, l’arrêt relève que les juges d’appel s’étaient contentés, pour juger que deux parcelles auraient dû être qualifiées d’espaces naturels remarquables au sens de la loi Littoral, de relever qu’elles étaient en continuité d’un bois dont le PADD et le rapport de présentation soulignaient l’importance paysagère. Dans la mesure où ces parcelles ne présentaient en elles-mêmes aucun intérêt particulier, et où il n’était pas établi qu’elles constituent une unité paysagère avec le bois précité, cette appréciation était également entachée d’erreur :

« Pour juger que l’emplacement réservé n° 29 du plan local d’urbanisme devait être regardé comme ayant été créé sur des parcelles présentant le caractère de site ou paysage remarquable à protéger au sens des dispositions du premier alinéa de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme citées au point précédent, la cour s’est bornée à relever que ces parcelles, dont elle constatait qu’elles étaient vierges de toutes construction et boisées d’essences d’arbres ne présentant aucun intérêt particulier, étaient situées en continuité avec le Bois des Pierres Blanches dont le rapport de présentation et le projet d’aménagement et de développement durables du plan local d’urbanisme soulignent l’importance paysagère. La cour, en relevant l’absence d’intérêt propre de ces parcelles, a ainsi nécessairement écarté le caractère remarquable de celles-ci prises isolément. En se fondant par conséquent sur leur seule continuité avec un bois présentant, selon son appréciation, un tel caractère, sans rechercher si elles constituaient avec cet espace une unité paysagère justifiant dans son ensemble cette qualification de site ou paysage remarquable à préserver, la cour a commis une erreur de droit. »

Cette solution est tout à fait logique, dans la mesure où il est constant que le zonage d’un terrain doit être décidé au regard de ses caractéristiques propres. La Cour administrative d’appel de Marseille l’a d’ailleurs récemment appliquée à propos d’une parcelle anthropisée située à proximité des contreforts du massif naturel des Maures (CAA Marseille, 12 juin 2018, n°16MA03735 ; voir aussi pour un raisonnement a contrario : CAA Marseille, 16 mai 2007, n° 03MA01869).

[/cm

[/cmsms_text][/cmsms_column][/cmsms_row]