Le Conseil d’Etat a, dans un arrêt lu le 25 juin annulé en partie la circulaire ministérielle du 1er juillet 2010 « relative aux tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque prévus par l’arrêté du 12 janvier 2010 et aux procédures d’instruction des dossiers« , en tant que cette circulaire institue le CEIAB (CE, 25 juin 2012, n°345912)

 

  • Rappel du cadre juridique applicable au CEIAB

Le CEIAB est un Comité dédié à l’évaluation de l’intégration au bâti, qui fut mis en place par le biais de cette circulaire à la suite de l’intervention de l’arrêté du 12 janvier 2010.

Rappelons que l’électricité produite par les installations photovoltaïque avait vu son prix d’achat abaissé par l’intervention de plusieurs arrêtés en début d’année 2010. D’aucuns ont considéré que la première modification tarifaire intervenue avec l’arrêté du 12 janvier 2010 s’opérait de façon rétroactive, ce qui n’a pourtant pas emporté la conviction du Conseil d’Etat saisi par plusieurs dizaines de producteurs (CE, 12 avril 2012, n°337528). Les recours contre l’arrêté du 12 janvier 2010 ont été dans l’ensemble rejeté, rendant les nouvelles règles tarifaires définitives.

Outre la baisse de tarif, l’arrêté du 12 janvier 2010 avait prévu de nouvelles conditions relatives au système d’intégration en toiture de l’installation photovoltaïque.

Tandis que le précédent arrêté du 10 juillet 2006 prévoyait une prime d’intégration au bâti  « […] lorsque les équipements de production d’électricité photovoltaïques assurent également une fonction technique ou architecturale essentielle à l’acte de construction. Ces équipements doivent appartenir à la liste exhaustive suivante :
– toitures, ardoises ou tuiles conçues industriellement avec ou sans supports ;
– brise-soleil ;
– allèges ;
– verrière sans protection arrière ;
– garde-corps de fenêtre, de balcon ou de terrasse ;
– bardages, mur rideau »,

l’arrêté du 12 janvier 2010 a prévu quant à lui deux primes d’intégration, selon leur degré simplifié (article 4 de l’annexe 2) ou non (articles 1, 2 et 3 de l’annexe 4) (arrêté fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000, NOR: DEVE0930803A).

C’est au sujet des caractéristiques techniques d’intégration des modules que la circulaire du 1er juillet 2010 avait prévu, en son article 1er (page 3) la création d’un Comité chargé d' »examiner les dispositifs photovoltaïques que les producteurs » devaient lui soumettre. Et ce n’est qu’après une certaine période d’analyse (qui s’avéra dans les faits assez longue) que le CEIAB devait publier sur un site internet la liste des produits remplissant ces critères d’intégration au bâti.

Comme rappelé par l’arrêt du 25 juin 2012, le comité d’évaluation de l’intégration au bâti est composé de représentants de directions d’administration centrale, de services déconcentrés de l’Etat et d’établissements publics. Les décisions prises par le CEIAB conditionnaient donc l’éligibilité d’une installation, selon le dispositif technique retenu, à la prime d’intégration au bâti… rendant son intervention attendue et déterminante de la faisabilité économique de l’opération.

 

  • L’annulation de la circulaire instituant le CEIAB

L’une des associations représentatives des producteurs photovoltaïques avait sollicité l’annulation de la circulaire, en soulevant parmi d’autres moyens, son illégalité en tant que le Ministre de l’Energie excédait sa compétence en instituant un tel Comité.

Rejetant tous les autres moyens, le Conseil d’Etat a cependant annulé en partie la circulaire en tant qu’elle prévoit la création du CEIAB:

« Considérant que le ministre chargé de l’énergie ne pouvait, sans excéder sa compétence, instituer seul, par des dispositions qui, eu égard à leur portée, ont un caractère réglementaire, une procédure d’examen, fût-ce à titre facultatif, des dispositifs photovoltaïques, destinée à permettre aux fabricants de se prévaloir, à l’égard des producteurs d’électricité et des installateurs, de la reconnaissance de la satisfaction des conditions d’attribution de la prime d’intégration au bâti ou de la prime d’intégration simplifiée au bâti et à inciter les producteurs d’électricité à choisir les dispositifs bénéficiant de cette reconnaissance ; que l’association requérante est, par suite, fondée à soutenir que les dispositions de la circulaire relatives au CEIAB sont entachées d’illégalité ; qu’elle ne saurait toutefois utilement contester, à l’appui de ses conclusions dirigées contre la circulaire, les actes pris par ce comité « ;

Bien que la procédure d’examen soit facultative, le Conseil d’Etat analyse la circulaire comme ayant un caractère réglementaire. C’est là une application de la jurisprudence « Duvignères » (CE, Sect., 18 déc. 2002, « Mme Duvignères », voir le commentaire du Conseil d’Etat ici), qui non seulement rend recevable les recours contre une circulaire réglementaire mais permet de censurer  ses dispositions impératives lorsque, par exemple, celles-ci fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d’incompétence. C’est précisément le cas en l’espèce puisque les dispositions de la circulaire sont vues, compte tenu de leur portée obligatoire (seuls les dispositifs techniques ayant reçu validation du CEIAB pouvant prétendre à la prime), comme réglementaires.

Or, une telle compétence excède celle du Ministre de l’Energie: cette disposition de la circulaire est donc entachée d’illégalité, et encourt l’annulation.

 

  • Une annulation à portée potentiellement faible

La portée de cette décision est rétroactive, comme toute annulation juridictionnelle. Se pose dès lors légitimement la question des dispositifs techniques n’ayant pas reçu l’aval du CEIAb, et dont les producteurs auraient pourtant pu prétendre à la prime d’intégration… il ne faut pas ici fonder beaucoup d’espoir, à notre sens, de la responsabilité de l’Etat en la matière tant les arguments avancés par ses représentants sont connus: aucun droit au maintien du tarif, pas d’espérance légitime tant que le contrat d’achat n’est pas signé, outre les autres conditions traditionnelles d’engagement de la responsabilité pour faute de l’Etat.

 

Stéphanie Gandet

Avocat associé

Green Law Avocat