Péremption du permis de construire : le Conseil d’Etat précise les modalités de calcul des délais (CE, 10 mai 2017, n°399405)

Law Concept. Bright gray backgroundPar Maître Lou DELDIQUE

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lou.deldique@green-law-avocat.fr

Par un arrêt en date du 10 mai 2017 (CE, 10 mai 2017, n°399405, consultable ici), le Conseil d’Etat apporte d’intéressantes précisions sur les modalités de calcul du délai de caducité du permis de construire.

Rappelons en effet qu’aux termes de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme, le permis de construire est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans (deux ans avant le Décret n°2016-6 du 5 janvier 2016) à compter de sa notification au pétitionnaire. Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année.

 

En l’espèce, un permis de construire avait été délivré à un couple de particuliers en 2006 puis transféré à une SCI en 2009. Un permis modificatif avait ensuite été délivré en 2011, et l’autorisation avait de nouveau été transférée la même année.

 

Saisi d’un recours de riverains, le Tribunal administratif de Nantes avait annulé la seconde décision de transfert en considérant que le permis initial était périmé depuis 2009 en raison de l’interruption du chantier entre 2008 et 2010. Cette appréciation avait été confirmée par la Cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 1er mars 2016, n°14NT02566).

 

Les juges du fond avaient donc estimé que l’interruption des travaux pendant plus d’un an avant suffi à rendre le permis caduc, alors que cette interruption était intervenue pendant la période de validité de l’autorisation (le permis avait en effet bénéficié du décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008, dit décret « anti-crise », et sa durée de validité était donc de 3 ans).

 

Le Conseil d’Etat censure cette appréciation et précise que le délai d’un an ne peut commencer à courir qu’une fois que le délai de validité initial a expiré :

 

« Il résulte des dispositions citées au point 3 que l’interruption des travaux ne rend caduc un permis de construire que si sa durée excède un délai d’un an, commençant à courir après l’expiration du délai de deux ans, porté à trois ans par le décret du 19 décembre 2008, imparti par le premier alinéa de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme.

 

[…] Pour annuler l’arrêté du 29 décembre 2011 transférant le permis de construire litigieux à M.D…, la cour administrative d’appel de Nantes a jugé, en se fondant sur un courrier du 17 juin 2008 dans lequel les titulaires de ce permis affirmaient être dans l’incapacité de poursuivre des travaux, que cette interruption avait, en application des dispositions de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme, conduit à la caducité du permis au plus tard le 17 juin 2009. Toutefois, à cette date, le délai de trois ans résultant de la combinaison du premier alinéa de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme et de l’article 1er du décret du 19 décembre 2008 n’était pas arrivé à son terme. Par suite, la cour a commis une erreur de droit en déduisant de la durée d’interruption des travaux que le permis de construire délivré le 1er août 2006 était périmé à compter du 17 juin 2009. »

Il résulte de cette décision que deux délais doivent être distingués :

  • Le premier est relatif à l’engagement des travaux, qui doit aujourd’hui intervenir au plus tard 3 ans après la notification du permis ;
  • Le second est relatif à l’interruption de ces travaux : ce délai ne peut excéder un an, mais il ne court qu’à compter de l’expiration du premier délai.

Notons que cette interprétation peut sembler évidente à la lecture de l’article R. 424- 17, puisque celui-ci indique que le second délai ne commence à courir qu’une fois que le premier est passé («Le permis de construire, d’aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l’article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. »).

Mais cela n’était pas le cas sous l’empire des dispositions applicables avant 2007, et le Conseil d’Etat avait pu juger que l’interruption des travaux pendant plus d’un an rendait le permis caduc alors même que le délai laissé pour le commencement des travaux n’avait pas expiré (CE, 8 novembre 2000, 197505).

 

En tout état de cause, on ne manquera pas de rappeler que le pétitionnaire a toujours la possibilité de solliciter une prorogation du permis (C. urb., art. R. 424-21) et que la durée de validité de celui-ci est suspendue en cas de recours contentieux (C. urb., art. R. 424-19).

 

La computation des délais peut donc s’avérer plus complexe qu’il n’y parait !