PC avec injonction de délivrance en appel : pas de notification R.600-1

Stickman Black DirectionPar Maître Lou DELDIQUE, Avocat of counsel – GREEN LAW AVOCATS (lou.deldique@green-law-avocat.fr)

 

Par un avis en date du 8 avril 2019 (consultable ici), le Conseil d’État précise que l’obligation de notification du recours dirigé contre une autorisation d’urbanisme ne s’applique pas en cas d’appel contre un jugement qui annule un refus de permis et enjoint à l’autorité compétente de délivrer l’autorisation demandée.

En l’espèce, le refus de permis de construire opposé par le Maire d’une commune à un pétitionnaire avait été annulé par le Tribunal administratif de Poitiers, qui avait également enjoint à l’autorité d’urbanisme de délivrer l’autorisation demandée dans un délai d’un mois.

Au moment de statuer sur la recevabilité de la requête d’appel introduite contre ce jugement, la Cour administrative d’appel de Bordeaux s’était demandé si celui-ci devait être considéré comme une décision entrant dans le champ d’application de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme.

Rappelons que cette disposition prévoit que les recours (gracieux ou contentieux) dirigés contre des autorisations d’urbanisme doivent être notifiés à l’auteur de la décision et à son bénéficiaire, et précise que « [c]ette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un certificat d’urbanisme, ou une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code. »

La Cour avait donc posé au Conseil d’Etat les deux questions suivantes :

« 1°) Lorsque le juge a enjoint à l’autorité compétente, dans l’hypothèse où il a annulé un refus d’autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l’ensemble des motifs que cette autorité a énoncé dans sa décision conformément aux prescriptions de l’article L. 424-3 du code d’urbanisme ainsi que le cas échéant les motifs qu’elle a pu invoquer en cours d’instance, de délivrer un permis de construire, le droit du pétitionnaire à obtenir un permis de construire ainsi reconnu à l’issue du jugement implique-t-il la notification de la requête au pétitionnaire par le requérant qui fait appel de ce jugement, en application des dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 ?

2°) En cas de réponse positive à la première question, l’autorité à laquelle est enjoint de délivrer le permis de construire doit-elle être considérée comme l’auteur de la décision d’urbanisme, auquel est opposable l’irrecevabilité prévue par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme malgré le défaut d’accomplissement des formalités d’affichage prescrites par l’article R. 424-15 du même code ? »

En effet, il est de jurisprudence constant que seuls les recours dirigés contre des décisions créatrices de droits doivent être notifiés. Il a ainsi déjà été jugé que l’appel dirigé contre le jugement annulant un permis de construire n’a pas à l’être (CE, avis 26 juill. 1996, n° 180373), mais qu’il en va autrement si le jugement a reconnu l’existence d’un permis de construire tacite (CE, 19 avril 2000, n° 176148). L’avis commenté confirme ce point au considérant n°2.

 

Toutefois, dans un avis de 2018 (CE, avis, 25 mai 2018, n° 417350), le Conseil d’Etat a précisé que depuis l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (qui a modifié l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme en imposant à l’autorité qui refuse un permis d’exposer tous les motifs l’ayant conduite à prendre cette décision), l’annulation d’un refus d’autorisation conduit normalement le juge à enjoindre à l’administration de délivrer celle-ci.

 

C’est dans ce contexte que la Cour se demandait si le jugement contesté ne constituait pas une décision créatrice de droit au sens de la jurisprudence précitée.

Le Conseil d’Etat refuse cette interprétation au motif qu’il existe toujours deux décisions -l’ordre donné par le juge à l’autorité, et l’autorisation délivrée par cette dernière– et que seule la seconde crée des droits au profit du pétitionnaire :

 

« D’autre part, il résulte des dispositions de l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, de l’article L. 600-4-1 du même code et de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, que, lorsque le juge annule un refus d’autorisation d’urbanisme ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l’ensemble des motifs que l’autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu’elle a pu invoquer en cours d’instance, il doit, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction, ordonner à cette autorité de délivrer l’autorisation ou de prendre une décision de non-opposition.

 

La décision juridictionnelle qui, dans les conditions rappelées au point précédent, annule un refus d’autorisation d’urbanisme et enjoint à l’autorité compétente de délivrer cette autorisation n’a ni pour effet de constater l’existence d’une telle autorisation ni, par elle-même, de rendre le requérant bénéficiaire de cette décision, titulaire d’une telle autorisation. Par suite, le défendeur à l’instance initiale qui forme un appel ou se pourvoit en cassation contre cette décision juridictionnelle n’est pas tenu de notifier son recours sur le fondement des dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme. »

 

L’appel dirigé contre le jugement portant injonction de délivrer n’avait donc pas à être notifié. Enfin, de manière tout à fait logique, la seconde question a été jugée sans objet.