Loi Littoral : la présence d’un camping ne permet pas nécessairement de caractériser une urbanisation continue (CE 11 juillet 2018)

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Par Maître Lou DELDIQUE (Green Law Avocats)

Par une décision en date du 11 juillet 2018 (CE, 11 juillet 2018, n°410084, consultable ici), le Conseil d’État explicite l’obligation d’urbanisation continue dans les communes littorales.

Rappelons que cette obligation, qui vise à éviter les phénomènes de mitage, résulte de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (qui correspond à l’ancien article L. 146-4 du même code), aux termes duquel : « l’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. »

La notion de « continuité avec les agglomérations et villages existants » avait déjà été précisée par le Conseil d’État, qui avait dit pour droit que : « les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu’aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d’autres constructions, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées des agglomérations » (CE, commune du Lavandou, 27 septembre 2006, n°275924 ; voir aussi : CE, 9 novembre 2015, Commune de Porto-Vecchio, n° 372531).

En l’espèce, la maire d’une commune littorale avait autorisé la construction d’une maison individuelle à proximité immédiate d’un camping comprenant des mobil-homes et des installations en dur. Considérant que la règle d’urbanisation en continuité n’était pas respectée, le Préfet avait déféré l’acte au tribunal administratif de Pau, qui avait rejeté sa demande.

La question que le Conseil d’État devait trancher était donc celle de savoir si le camping pouvait être considéré comme une « zone déjà urbanisée » au sens de la jurisprudence précitée.

Comme le rappelle le Rapporteur public dans ses conclusions (Concl. de Mme A. BRETONNEAU, consultables ici), cette qualification avait déjà été refusée

  • aux pistes d’un aéroport (CE, 28 juillet 2017, n° 397783),
  • à l’ensemble formé par une caserne de pompiers et une déchetterie (CE, 19 juin 2013, n° 342061),
  • mais aussi à quelques maisons dispersées (CE, 27 juillet 2009, n° 306946)
  • et à un lotissement (CE, 3 juillet 1996, n° 137623).

S’agissant des campings, certaines cours administratives d’appel avaient déjà considéré qu’ils ne pouvaient pas être considérés comme constituant une urbanisation (CAA Nantes, 15 janvier 2016, n° 14NT01028 ; CAA Nantes, 12 février 2018, n° 16NT02409 ; CAA Lyon, 26 mai 2015, n° 13LY02304).

 

La position retenue par l’arrêt est plus nuancée, puisque le Conseil d’État estime que si un camping peut caractériser une zone déjà urbanisée, cela n’est pas systématique :

« En jugeant que le projet de M. B… devait être regardé comme réalisé en continuité avec une agglomération existante en raison de sa proximité immédiate avec un camping, sans rechercher si les constructions soumises à autorisation qui se trouvent dans ce camping assurent la continuité avec l’ensemble des constructions avoisinantes et si la construction projetée est elle-même dans la continuité des constructions du camping, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. »

Tout dépendra donc de la densité des constructions nécessitant une déclaration préalable ou un permis de construire au sein du camping, mais aussi de la continuité existant déjà entre celles-ci et les constructions avoisinantes.

Cette solution nous semble devoir être approuvée, car elle est dans l’esprit de la Loi littoral, qui privilégie toujours une appréciation in concreto. Surtout, elle permet, comme le soulignait le Rapporteur public dans ses conclusions :

« […] si vous interdisiez par principe que des constructions puissent s’implanter, disons, sur la bordure Est d’un camping dont la bordure Ouest longe comme en l’espèce tout un côté de l’agglomération existante, alors vous bloqueriez mécaniquement toute urbanisation vers l’Est dans cette zone. Car la différence entre une bande d’urbanisation diffuse classique et un camping, c’est que, naturellement, une maison d’habitation ne peut pas s’implanter à l’intérieur de l’enceinte d’un camping. Il n’est donc pas question de densifier la zone d’urbanisation diffuse qu’il constitue en bordure de zone dense plutôt que de s’installer à ses franges. De ce fait, il nous semble que la démarche consistant à implanter sa maison en bordure d’un camping configuré de la sorte revient à se coller au plus près possible de la zone dense qu’il longe, pas à miter le territoire. Juger le contraire en interdisant par principe qu’un camping ainsi configuré puisse jamais être pris en compte comme formant avec la zone dense qu’il jouxte un ensemble urbanisé en continuité duquel l’implantation est possible reviendrait à faire du camping une frontière intangible au-delà de laquelle l’extension de l’urbanisation ne sera plus du tout possible vers l’Est de l’agglomération ou village d’origine, alors même que le camping, par sa configuration, s’inscrit lui-même dans une logique d’extension en dur de l’urbanisation. »