La réforme de l’autorisation environnementale : des modifications marginales des régimes d’enregistrement et déclaration

Natural grass exclamation markPar Stéphanie GANDET- avocat associé et

Lucie Marin – Juriste

Le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, publié au Journal Officiel le 27 janvier 2017, précise que :

 « Les procédures d’autorisation ICPE et IOTA disparaissent donc en tant que telles. Les procédures de déclaration et d’enregistrement restent inchangées ».

 

Il ressort toutefois d’une lecture attentive de l’ordonnance du 26 janvier 2017 et des décrets n°2017-81 et 2017-82 du même jour que quelques modifications – d’une importance relative certes, mais dont il devra bien évidemment être tenu compte – se sont en réalité glissés dans ces régimes, aussi bien en matière de déclaration et enregistrement ICPE (I) qu’en matière de déclaration IOTA (II), ainsi qu’en ce qui concerne le contentieux relatif à ces titres (III).

I Les apports pour l’enregistrement et la déclaration ICPE

  • Une nouveauté : la généralisation de l’effet attractif de l’ICPE

Il est de principe constant que dès lors que des installations qui seraient seules soumises à déclaration ou enregistrement au titre de la réglementation ICPE présentent un lien de connexité ou de proximité avec une installation soumise à autorisation, l’arrêté d’autorisation régira également leur fonctionnement (ancien article R. 512-32 du code de l’environnement). C’est l’effet dit « attractif » de l’autorisation ICPE.

Ce principe a été repris tel quel dans le régime de l’autorisation environnementale, à l’article L. 181-1 relatif à son champ d’application :

« L’autorisation environnementale inclut les équipements, installations et activités figurant dans le projet du pétitionnaire que leur connexité rend nécessaires à ces activités, installations, ouvrages et travaux ou dont la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers ou inconvénients ».

Cet effet « attractif » trouve une autre application dans l’articulation entre le régime ICPE et le régime IOTA. En effet, l’ancien article L. 214-1 prévoyait qu’était exclues du régime IOTA les installations qui figurent à la nomenclature ICPE. En contrepartie, les ICPE devaient respecter les obligations de fond de la loi sur l’eau (ancien article L. 214-7).

Les régimes des autorisations IOTA et ICPE – et donc ces dispositions, « disparaissant », il était nécessaire de réaffirmer cette attractivité en ce qui concerne les régimes de l’enregistrement et de la déclaration.

C’est chose faite avec la modification des articles L. 512-7 et L. 512-8, qui prévoient désormais que la déclaration et l’enregistrement ICPE pourront porter sur les IOTA également projetés par le pétitionnaire et « que leur connexité rend nécessaires à l’installation classée ou dont la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers ou inconvénients ».

Il doit être précisé que les IOTA anciennement soumis à autorisation relevant désormais de l’autorisation environnementale, seules ceux anciennement soumis au régime déclaratif pourront donc être intégrés dans la déclaration ou l’enregistrement ICPE.

Logiquement, dans ces cas, l’arrêté d’enregistrement (L. 512-7-3) et l’éventuel arrêté de prescriptions spéciales complémentaire à la décision de non-opposition à déclaration (L. 512-12) devront donc permettre le respect des intérêts protégés par la loi sur l’eau.

Enfin, il est à noter qu’un nouvel article L. 555-2 vient préciser que les canalisations de transport de gaz, d’hydrocarbures et de produits chimiques ne sont pas inclues dans le dispositif de l’autorisation environnementale.

Il est explicitement ajouté que les autorisations relatives à ces canalisations sont soumises à la plupart des dispositions de fond de la loi sur l’eau (dispositions des articles L. 211-1, L. 212-1 à L. 212-11, L. 214-2, L. 214-8, L. 214-17, L. 214-18, L. 216-6 et L. 216-13, ainsi qu’aux mesures prises en application des décrets prévus au 1° du II de l’article L. 211-3).

  • L’articulation avec l’autorisation environnementale

Notons que tout comme le pétitionnaire à la demande d’enregistrement avait la possibilité de demander le basculement de sa demande vers le régime de l’autorisation ICPE, l’article R. 512-46-9 modifié permet désormais le basculement de l’enregistrement vers le régime de l’autorisation environnementale.

De la même manière, le Préfet pouvait imposer au pétitionnaire à l’enregistrement de se soumettre aux règles de procédure de l’autorisation ICPE dans trois cas, il en est de même désormais pour l’autorisation environnementale :

« « 1° Si, au regard de la localisation du projet, en prenant en compte les critères mentionnés au point 2 de l’annexe III de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, la sensibilité environnementale du milieu le justifie ;

2° Ou si le cumul des incidences du projet avec celles d’autres projets d’installations, ouvrages ou travaux situés dans cette zone le justifie ;

3° Ou si l’aménagement des prescriptions générales applicables à l’installation, sollicité par l’exploitant, le justifie ; »

Enfin, l’article R.512-46-24 applique aux installations soumises à enregistrement les mesures de publicité de l’arrêté d’autorisation environnementale prévues à l’article R.181-44.

***

Demeurent à évoquer les cas de renouvellement des demandes d’enregistrement ou des déclarations, prévus à l’article L. 512-15.

Alors qu’auparavant ce renouvellement était obligatoire en cas de transfert, extension ou transformation de ses installations, ou de changement dans ses procédés de fabrication, entraînant des dangers ou inconvénients pour les intérêts environnementaux, désormais un renouvellement est nécessaire :

  • en cas de déplacement de l’activité,
  • en cas de modification substantielle du projet, qu’elle intervienne avant la réalisation de l’installation, lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation,
  • ou en cas de changement substantiel dans les circonstances de fait et de droit initiales .

 

II. Les apports de la réforme au régime de la déclaration IOTA

Le transfert du bénéfice de la déclaration IOTA est désormais soumis à une déclaration du nouveau bénéficiaire dans les trois mois de la prise en charge du IOTA ou du début de l’exercice de son activité. Cette déclaration fait l’objet d’un donné acte du Préfet.

Attention néanmoins, le transfert du bénéfice de la déclaration des barrages, digues et installations hydroélectriques reste soumis une déclaration préalable et accompagnée d’une note justifiant les capacités techniques et financières (article R.214-40-2).

 

Il est également à noter qu’en application de l’objectif de dématérialisation des procédures administratives, la déclaration IOTA peut dorénavant prendre la forme électronique (article R.214-32).

Les cas de suspension du délai de caducité de la déclaration IOTA sont précisés. L’article R. 214-51 se bornait à préciser jusqu’à maintenant que le délai était suspendu jusqu’à la notification d’une décision devenue définitive d’une autorité juridictionnelle en cas de recours contre le titre IOTA ou le titre d’urbanisme, sans plus de précision, le nouvel article R. 214-40-3 précise désormais les procédures concernées :

  • recours devant le juge administratif contre le récépissé de déclaration ou ses arrêtés complémentaires ;
  • recours devant le juge administratif contre le permis de construire du projet ;
  • une action en démolition devant un tribunal de l’ordre judiciaire et en considération du permis de construire du projet.

Un dispositif anti-fractionnement de projets qui fait écho à celui qui se trouve dans le régime de l’autorisation environnementale (article L. 181-7) est introduit également pour la déclaration IOTA, à l’article R. 214-42 :

« Lorsque la réalisation d’opérations simultanées ou successives fait apparaître que le découpage qui a été opéré a eu pour effet de soustraire un projet aux dispositions de l’alinéa précédent, le préfet fait application de l’article L. 171-7 ».

On note qu’un tel découpage est ainsi susceptible de faire l’objet de sanctions administratives.

Il est enfin à noter que les effluents d’élevage sont exclus du champ d’application de la rubrique 2.1.4.0 de la nomenclature IOTA relative à) l’épandage d’effluents ou de boues épandues.

III. Les apports de la réforme en matière de contentieux

Les récépissés de non-opposition à déclaration IOTA et ICPE, ainsi que les arrêtés d’enregistrement ICPE peuvent faire l’objet d’un recours dans le délai de 4 mois pour les tiers intéressés et de 2 mois pour le demandeur/exploitant, étant précisé que l’exercice d’un recours administratif proroge ces délais de deux mois (R. 514-3-1).

Lorsqu’il statuera sur un recours à l’encontre des déclarations IOTA, le juge de plein contentieux pourra bénéficier des nouveaux pouvoirs prévus en matière d’autorisation environnementale, puisqu’un renvoi est explicitement prévu à l’article L. 214-10 modifié vers les nouveaux articles L. 181-17 et L. 181-18 – même si les dispositions de ce dernier article ne visent, et ne semblent pouvoir s’appliquer, qu’aux « autorisations ». Ce ne semble en revanche pas être le cas dans le cadre de la déclaration et de l’enregistrement ICPE, l’article L. 514-6 modifié ne visant pas ces articles.