La C.S.P.E. « éolienne » n’est pas remboursable ! (CE, avis n° 388853 du 22 juillet 2015)

Piggy Bank With CalculatorPar Maître Yann BORREL

Green Law Avocat

Par un avis contentieux rendu le 22 juillet 2015, le Conseil d’Etat (n°388853 )a porté un coup fatal aux procédures qui ont été initiées en vue d’obtenir le remboursement de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) après que le mécanisme de l’obligation d’achat de l’électricité éolienne a été qualifié d’aide d’Etat (cf. CE 28 mai 2014, Association Vent de Colère, req. n° 324852, commentaire Green Law Avocat)

En effet, il est établi dans la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne que les taxes n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatives aux aides d’Etat, à moins qu’elles constituent le mode de financement d’une mesure d’aide, de sorte qu’elles font partie intégrante de cette mesure (CJUE 21 octobre 2003, van Calster e.a., C-261/01 et C-262/01, Rec. p. I-12249, point 49 ; CJUE 15 juillet 2004, Pearle e.a., C-345/02, Rec. p. I-7139, point 29). Et dans son avis rendu à la demande de la Cour administrative d’appel de Paris (cf. CAA Paris 17 mars 2015, société Praxair, req. n° 12PA03983), la Section du contentieux a rappelé qu’« il résulte de l’interprétation que la Cour de justice de l’Union européenne a donnée des stipulations du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatives aux aides d’Etat dans son arrêt de grande chambre du 22 décembre 2008 Société Régie Networks (aff. 333/07) que « pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide concernées en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide et influence directement l’importance de celle-ci et, par voie de conséquence, l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun » (CE, avis n° 388853 du 22 juillet 2015, considérant n° 12). Par conséquent, la circonstance qu’une aide d’Etat soit illégale n’implique pas le remboursement de l’impôt qui sert à financer cette aide, en l’absence de lien d’affectation contraignant entre l’aide et l’impôt. Cette solution jurisprudentielle a déjà été appliquée par le Conseil d’Etat dans une précédente affaire (CE 9 novembre 2011, SNC Stop Hôtel Villeneuve d’Ascq, req. n° 323273, concl. Aladjidi, Droit fiscal n° 5, 2 Février 2012, comm. 127).

En l’espèce, la Section du Contentieux a constaté, au terme d’un considérant particulièrement motivé que : « le montant de l’aide d’Etat que constitue l’obligation d’achat à un prix supérieur à sa valeur de marché de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent, ainsi que, le cas échéant, par les installations utilisant d’autres énergies renouvelables, lequel correspond à la différence entre le tarif de rachat par les acheteurs obligés et le coût évité à ces acheteurs, lié à l’acquisition de l’électricité correspondante, ne dépend pas, en vertu de la règlementation applicable, du produit de la contribution au service public de l’électricité. En outre, la contribution collectée, dont le tarif, à défaut d’arrêté du ministre chargé de l’énergie, était reconduit chaque année jusqu’à l’intervention de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, et ne peut depuis lors augmenter de plus de 0,003 euros par kilowattheure par an en application des dispositions de l’article 5 de la loi du 10 février 2000 reprises à l’article L. 121-9 du code de l’énergie, n’est pas suffisante pour couvrir les charges de service public en cause, la différence cumulée entre les charges à compenser et la contribution collectée s’élevant, au 31 décembre 2014, à 4,8 milliards d’euros. Cette différence porte d’ailleurs intérêt à un taux fixé par décret en application de l’article L. 121-19-1 du code de l’énergie » (considérant n° 15). La Section du Contentieux a conclu que « le produit de la CSPE n’influence pas directement l’importance des aides en cause, qui ne sont pas accordées dans la limite des recettes escomptées de cette contribution » (considérant n° 16).

Cette solution qui assurément à le mérite d’assurer la protection des deniers publics était attendue (cf. nos remarques sur le sujet) dans la mesure où elle s’avère parfaitement conforme à la lettre de la jurisprudence de la CJUE, même si les conclusions prononcées par Mme Claire Legras sur l’arrêt Association Vent de Colère du 28 mai 2014, avaient pu faire naître quelques interrogations à ce sujet (cf. C. Legras, BDCF 2014 – n° 88 – Août / Septembre, concl. sur n° 324852). D’ailleurs, cette solution avait été anticipée par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) qui avait fait savoir, dès la publication de l’arrêt du Conseil d’Etat le 28 mai 2014, que l’annulation du tarif d’achat éolien n’ouvrirait pas droit au remboursement de la CSPE [http://www.cre.fr/documents/deliberations/communication/cspe]. Manifestement, l’impartialité de l’analyse de la CRE avait été mise en doute par la plupart des requérants, qui avaient maintenu leurs demandes en saisissant le Tribunal administratif de Paris de requêtes à l’encontre des décisions de refus de remboursement de la CSPE que la CRE leur avait opposées. Il appartient encore aux juridictions du fond « d’appliquer » la solution retenue par le Conseil d’Etat dans son avis contentieux, en rejetant les demandes de remboursement.

Au-delà de cet évident coup d’arrêt porté aux demandes de remboursement de la CSPE, l’avis rendu le 22 juillet 2015 apporte, dans la continuité de la décision n° 2014-419 QPC du 8 octobre 2014, d’intéressantes précisions sur le régime de la réclamation préalable tendant à sa restitution.