Interdiction de l’apposition d’étiquettes directement sur les fruits et légumes : les Sages saisis d’une QPC

fruits et légumes

Par Yann BORREL, avocat associé (Green Law Avocats)

L’article 80 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire dite « AGEC » (JORF n°0035 du 11 février 2020) a prévu une mesure interdisant l’apposition d’étiquettes directement sur les fruits et légumes (pour en savoir plus sur la loi « AGEC », consultez notre commentaire sur le blog).

Aux termes de cet article : « au plus tard le 1er janvier 2022, il est mis fin à l’apposition d’étiquettes directement sur les fruits ou les légumes, à l’exception des étiquettes compostables en compostage domestique et constituées en tout ou partie de matières biosourcées ».

Par sa décision n°466929 du 26 avril 2023, le Conseil d’État transmet au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité concernant une telle mesure interdiction (téléchargeable ci-dessous).

En l’occurrence, l’Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais avait sollicité l’abrogation des dispositions du paragraphe III de l’article 1er du décret n°2020-1724 du 28 décembre 2020 relatif à l’interdiction d’élimination des invendus non alimentaires et à diverses dispositions de lutte contre le gaspillage (JORF n°0315 du 30 décembre 2020).

L’association interprofessionnelle des fruits et légumes frais a dirigé  un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande d’abrogation.

Les dispositions du décret n°2020-1724 du 28 décembre 2020 ont modifié l’article R. 543-73 du code de l’environnement en ajoutant à la liste des infractions prévues par cet article et punies de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe le fait « 4° D’apposer une étiquette directement sur un fruit ou un légume, à l’exception de celles qui sont compostables en compostage domestique et constituées de tout ou partie de matières biosourcées, en méconnaissant ainsi l’article 80 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ».

A l’occasion du recours en excès de pouvoir qu’elle a dirigée contre le décret, l’association interprofessionnelle des fruits et légumes frais a demandé au Conseil d’État que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l’article 80 de la loi « AGEC ».

A l’appui de sa question prioritaire de constitutionnalité, l’association interprofessionnelle des fruits et légumes frais a argué qu’en plus d’être entachées d’incompétence négative ces dispositions méconnaissent :


Après avoir considéré que ces dispositions sont applicables au litige et n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, le Conseil d’État a considéré que le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution soulève une question présentant un caractère sérieux.