LES INITIATIVES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE CONTRE LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE

Pollution en France - Nuage et particules finesPar maître Yann BORREL (Green Law Avocats). yann.borrel@green-law-avocat.fr

Depuis le début des années 2000, la Commission européenne prend des initiatives dans le but de lutter contre la pollution atmosphérique. Deux directives de l’Union européenne visent plus particulièrement à protéger la qualité de l’air en Europe. Il s’agit, d’une part, de la directive n° 2001/81/CE, du 23 octobre 2001, fixant des plafonds d’émissions nationaux pour certains polluants atmosphériques (JOCE n° L 309 du 27/11/2001) et d’autre part, de la directive n° 2008/50/CE, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe qui réglemente la surveillance et l’évaluation de la qualité de l’air (JOCE n° L 152 du 11.6.2008). Ces deux directives font parties du « paquet européen qualité de l’air » qui comprend également des règlements tels le règlement n° 715/2007 du 20 juin 2007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions de véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules (JOCE officiel L 171 du 29.6.2007).

 

Au regard des données scientifiques les plus récentes de l’O.M.S sur l’impact de la pollution de l’air sur la santé des populations européennes (lien ici), la Commission européenne a intensifié ses initiatives afin de lutter contre cette pollution invisible qui serait la cause de plus de 400 000 décès prématurés par an au sein de l’Union européenne (lien ici). Cette politique de lutte contre la pollution atmosphérique s’est traduite par un durcissement de certaines normes d’émissions avec la modification de la directive du 23 octobre 2001 par la directive n° 2016/2284, du 14 décembre 2016, instituant de nouveaux objectifs de réduction des émissions atmosphériques de dioxyde de souffre (SO2), d’oxydes d’azote (NOx), de composés organiques volatils non méthaniques (COVNM), d’ammoniac (NH3), et de particules fines.

 

Cette politique connaît également des développements sur le terrain juridictionnel. Le 17 mai 2008, la Commission européenne a ainsi introduit des recours en manquement à l’encontre de certains États membres, parmi lesquels la France, devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour non-respect de la directive sur la qualité de l’air ambiant. Dans un communiqué de presse (lien ici), la Commission européenne a indiqué qu’elle entend faire sanctionner les dépassements notables et persistants des valeurs limites fixées pour deux polluants nocifs :

 

–      le dioxyde d’azote, essentiellement dû à la circulation routière et à l’activité industrielle ;

 

–      les particules, qui sont principalement présentes dans les émissions générées par le secteur industriel, le chauffage domestique, la circulation routière et l’agriculture.

 

L’introduction de ces recours est consécutive à l’organisation du Sommet ministériel sur la qualité de l’air du 30 janvier 2018 au cours duquel la Commission européenne a annoncé qu’elle engagerait des actions juridictionnelles à l’encontre des Etats membres qui ne présenteraient pas de mesures efficaces de lutte contre la pollution de l’air dans les délais impartis. Dans son communiqué de presse (lien ici), la Commission européenne a également précisé qu’elle souhaite promouvoir de nouvelles mesures afin d’aider les États membres à respecter les valeurs limites d’émission. Ces mesures reposent sur trois piliers : les normes de qualité de l’air, d’une part, les objectifs nationaux de réduction des émissions, d’autre part, et enfin, les normes en matière d’émissions applicables aux principales sources de pollution, notamment les véhicules.

 

En contrepoint de ces différentes initiatives en faveur de la protection de la qualité de l’air, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer l’adoption du règlement n° 2016/646 du 20 avril 2016 portant modification du règlement (CE) n° 692/2008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 6) (JOUE L 109 du 26.04.2016). Par ce règlement, la Commission a défini les limites d’émission d’oxydes d’azote à ne pas dépasser à l’occasion de nouveaux essais en conditions de conduite réelles (« essais RDE ») auxquels les constructeurs automobiles doivent soumettre les véhicules particuliers et utilitaires légers, notamment dans le cadre des opérations de réception des nouveaux types de véhicules.

 

Si l’adoption de ce règlement répond à la volonté affichée de déjouer l’emploi éventuel de « logiciels truqueurs » (lien ici) elle est aussi perçue par ses détracteurs comme étant une concession faite aux constructeurs dans la mesure où ceux-ci sont temporairement dispensés de mettre leurs véhicules en conformité totale avec la valeur limite d’émission de 80 mg/km pour les dioxydes d’azote qui est fixée dans le règlement n° 715/2007 du 20 juin 2007. Les villes de de Paris, Madrid, Athènes et Bruxelles ont saisi le Tribunal de Première instance de l’Union Européenne (TPUE) pour obtenir l’annulation de ce règlement (lien ici). Selon le maire de Paris ce règlement est un « permis de polluer » présentant un risque significatif pour la santé publique (lien ici). Dans le même temps, par une ordonnance du 4 mai 2018, le Tribunal de l’UE a rejeté l’action en indemnité engagée par près de 1 429 personnes arguant du fait que ce règlement leur causerait un préjudice moral et un préjudice matériel (lien ici). Sans se prononcer sur la légalité de ce règlement, le Tribunal a estimé que les requérants n’étaient pas parvenues à démontrer le caractère réel et certain ou personnel des préjudices allégués.

 

Affaire à suivre, donc.