Un arrêt récent de la Cour administrative d’appel de Lyon illustre une fois encore l’appréciation jurisprudentielle des capacités techniques et financières de l’exploitant ICPE  (CAA Lyon, 5 avril 2012, n°10LY02466).

Or, cette problématique prend un nouveau relief  dans le cadre des projets de parc éolien, où les montages traditionnels sont confrontés à l’exigence posée par l’article R 512-3 du Code de l’environnement qui prévoit que le dossier de demande d’autorisation d’exploiter « mentionne les capacités techniques et financières de l’exploitant ».

 

  • Une exigence appréciée de façon concrète par le juge en matière d’ICPE

Différentes jurisprudences récentes illustrent l’analyse du juge en la matière, qui s’attache à déterminer, par un faisceau d’indices, si la démonstration des capacités techniques et financières est apportée. Il prend ainsi en compte s’agissant d’un élevage, la preuve du financement du projet par le biais d’une analyse financière réalisée par un cabinet, figurant en annexe au dossier, au vu des cinq dernières années clôturées, et d’une étude économique prévisionnelle du projet réalisée par un centre d’économie rurale concluant à une situation financière suffisamment solide pour supporter les investissements prévus ; et que, s’agissant des capacités techniques, le rappel de la formation initiale des exploitants, leurs diplômes, le type et la durée de leur expérience dans l’exploitation (CAA Lyon, n°09LY00624, 4 novembre 2011, « association les X »).

On rappellera que le chiffre d’affaires et le résultat net ne peuvent être transmis sous pli confidentiel au Préfet, si le dossier ne borne à citer ses partenaires industriels et son capital social, car cela peut être vu comme méconnaissant le droit au public d’être informé (CAA Douai, 30 Juin 2011, « Société A », n° 09DA00764).

Même si l’exploitant peut produire de tels justificatifs en cours d’instance en cas de recours à l’encontre de l’arrêté d’autorisation, des décisions peuvent se montrer strictes, en considérant comme insuffisante une attestation de saine gestion délivrée par la banque qui gère le compte de l’exploitant et une assurance responsabilité civile ainsi que des engagements de caution pour garantir la remise en état du site (CAA Douai, 5 Mai 2011, « Société I. », n°08DA00183)

 

  • Une exigence à laquelle les opérateurs éoliens doivent s’adapter

Evidemment, la question fondamentale que posent les montages éoliens est celle du caractère personnel des capacités techniques et financières du demandeur de l’autorisation d’exploiter.

Aucune démonstration « type » ne peut être préconisée, chaque dossier devant être analysé au regard des capacités de l’exploitant en cause.

Cependant, il est d’ores et déjà établi par la jurisprudence que les capacités techniques et financières de l’exploitant ne peuvent être celles d’un tiers, et notamment celles de la société mère.

Quand bien même une société appartiendrait à un groupe, la jurisprudence tient bien compte des propres capacités techniques et financières de l’exploitant (CAA Nantes, 13 février 2011, « société Carrières de B » n°09NT02464), même si la référence à l’appartenance de la société à un groupe est prise en compte au même titre que d’autres critères (CAA Bordeaux, 8 septembre 2008, n°06BX01509).

 

 

  • L’arrêt de la CAA de Lyon du 05 avril 2012 rappelle avec intérêt, s’agissant des capacités techniques, que l’expérience de la société mère dans un domaine considéré peut être prise en compte

Dans cette espèce, un exploitant d’un centre de stockage de déchets ultimes et un centre de transit avait vu son arrêté d’autorisation d’exploiter attaqué par plusieurs requérants.

Le Tribunal administratif avait rejeté le recours en annulation mais avait en revanche modifié (comme le lui permettent ses pouvoirs de plein contentieux) certaines dispositions de l’arrêté.

La Cour administrative d’appel était saisie à la fois d’un appel de la part de l’exploitant en tant que le jugement modifiait ces prescriptions, ainsi que d’un appel des requérants de première instance en tant que le jugement rejetait leur recours en annulation.

C’est en analysant l’appel interjeté par les opposants que la Cour a été conduite à apprécier les capacités techniques et financières de l’exploitant.

La CAA de Lyon alors jugé que

–          S’agissant des capacités techniques : « […] le pétitionnaire peut établir sa capacité technique sans faire état d’une expérience dans l’activité considérée ; qu’il s’ensuit que, si, comme en l’espèce, la société X n’a jamais exploité un centre de stockage de déchets, il ne saurait lui être reproché de ne pas produire des références dans ce domaine ; que son appartenance au groupe Y, qui justifie d’une expérience en matière de conception et de réalisation d’autres centres de stockage et de transfert de déchets suffit pour démontrer ces capacités techniques ».

Il s’agit là d’une appréciation pragmatique du savoir faire dont bénéficie l’exploitant par le biais de son appartenant à un groupe. Certes, on peut s’étonner du caractère succinct de ce considérant, mais l’on ignore les détails du dossier, qui ont pu également peser dans l’appréciation favorable des juges lyonnais.

 

–          S’agissant des capacités financières : « la société X  a produit un certificat de capacité financière de la Caisse d’épargne de Z attestant qu’elle disposait, avec les associés du groupe Y et ses partenaires bancaires, des moyens financiers nécessaires pour aménager et exploiter les futures installations et satisfaire à ses obligations légales et réglementaires lors de la cessation de l’activité ; qu’elle produit également un document établissant le cautionnement qui lui a été accordé pour un montant de 872 888 euros par la banque C ; que, dans ces conditions, ses capacités financières doivent être regardées comme suffisantes ; »

 

Ici encore, le juge est guidé par le principe de proportionnalité, et peut faire varier son degré d’exigence à l’égard des capacités financières en fonction du type d’installation et d’exploitant. Il est intéressant de noter qu’ici encore, les capacités financières de l’exploitant sont liées à celles du groupe auquel il appartient. On peut présumer que l’attestation bancaire ayant été faite aux noms à la fois de l’exploitant et de sa société mère,  la Cour n’a ainsi pas dénaturé le caractère personnel que doivent avoir ces capacités.

 

Il reste que chaque montage doit faire l’objet d’une vigilance particulière puisque  cela conditionne la délivrance de l’autorisation d’abord, sa légalité ensuite (CAA Nantes, 5 mars 2002, n°01NT00870, « Groupement agricole d’exploitation en commun de la ville de X»).

 

 Stéphanie Gandet

Avocat associé au Barreau de Lille

Green Law Avocat