Sablier - Temps - DuréeLe décret d’application n°2014-450 du 2 mai 2014 de l’ordonnance n°2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement dans certaines régions de France a été l’occasion pour le gouvernement de réformer les délais de caducité des autorisations ICPE et des autorisations d’urbanisme pour les éoliennes.

Le parcours d’un parc éolien de son projet à son exploitation est long et laborieux. Après une phase d’étude (notamment faunistique, floristique, chiroptérologique…) longue par nature, s’ensuit la phase administrative qui voit la DREAL et la DDT(M) instruire pour une durée d’un an et demi à deux ans les dossiers de demandes d’autorisation ICPE et de permis de construire. Régulièrement, une grande part des autorisations font l’objet de recours de tiers rallongeant encore le délai de mise en service. Ces contraintes extérieures doivent être combinées avec la concurrence croissante sur les capacités du réseau de distribution et de transport d’électricité, obligeant les opérateurs à patienter un long délai avant que les travaux de raccordement ne soient réalisés (lorsqu’ils le peuvent). S’ajoutent à cela les délais contractuels de validité des promesses de bail, de fourniture de turbines, de postes de livraison et du matériel technique indispensables au parc.

Face à ces constats, le droit en vigueur souffre de son manque de pragmatisme.

C’est dans ce contexte que les délais de caducité des autorisations d’urbanisme et ICPE viennent d’être modifiés, ce qui apporte un souffle de répit pour les opérateurs éoliens.

  • Nouveau délai de caducité pour les décisions ICPE

L’article R.512-74 du code de l’environnement prévoyait que l’arrêté d’autorisation ICPE cessait de produire ses effets lorsque l’installation n’avait pas été mise en service dans un délai de trois ans ou lorsque l’exploitation avait été interrompue pendant plus de deux années consécutives. Les éoliennes de plus de douze mètres relevant donc du régime de la déclaration ou de l’autorisation étaient soumises à cette caducité de droit commun.

Certes, l’article R 512-74 prévoit une suspension du délai dans certains cas de recours : « Le délai de mise en service est suspendu jusqu’à la notification à l’auteur de la décision administrative ou à l’exploitant, dans les deux premières hypothèses, d’une décision devenue définitive ou, dans la troisième, irrévocable en cas de :

1° Recours devant la juridiction administrative contre l’arrêté d’autorisation, l’arrêté d’enregistrement ou la déclaration ;

2° Recours devant la juridiction administrative contre le permis de construire ayant fait l’objet d’un dépôt de demande simultané conformément au premier alinéa de l’article L. 512-15 ;

3° Recours devant un tribunal de l’ordre judiciaire, en application de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, contre le permis de construire ayant fait l’objet d’un dépôt de demande simultané conformément au premier alinéa de l’article L. 512-15 du présent code. »

Néanmoins, des circonstances autres qu’un recours de tiers ont pu conduire à la caducité des autorisations, ce qui explique l’intérêt du décret n°2014-50 du 2 mai 2014 qui insère un article R.553-10 dans le code de l’environnement qui dispose maintenant :

« Le délai mentionné au premier alinéa de l’article R. 512-74 peut être prorogé dans la limite d’un délai total de dix ans, incluant le délai initial de trois ans, par le représentant de l’Etat dans le département, sur demande de l’exploitant, en l’absence de changement substantiel de circonstances de fait et de droit ayant fondé l’autorisation, lorsque, pour des raisons indépendantes de sa volonté, l’exploitant n’a pu mettre en service son installation dans ce délai, le cas échéant après prorogation de l’enquête publique en application de l’article R. 123-24.  La prorogation de l’enquête publique mentionnée à l’alinéa précédent est acquise si aucune décision n’a été adressée à l’exploitant dans le délai de deux mois à compter de la date de l’avis de réception par le représentant de l’Etat dans le département. »

Cette prorogation ne concerne donc que les éoliennes, ce qui explique la création de cette disposition dans chapitre III consacré aux aérogénérateurs.

Par conséquent, les décisions relatives aux déclarations ou aux autorisations ICPE des éoliennes peuvent désormais faire l’objet d’une prorogation du délai de validité mentionné à l’article R.512-74 al. 1 du code de l’environnement dans la limite d’un délai total de dix ans (ce délai incluant le délai initial de trois ans). C’est à l’exploitant de demander cette prorogation, qui sera alors accordée par Préfet de département. On peut s’interroger d’emblée sur l’articulation de cette disposition avec les arrêtés du Préfet de région qui aurait évoqué la compétence en lieu et place du Préfet de département.

Il convient en tout état de cause d’être vigilant sur le fait que cette prorogation des décisions ICPE en matière d’éoliennes est soumise à une double condition :

  • l’absence de changement substantiel de circonstances de fait et de droit ayant fondé l’autorisation
  • à l’existence de raisons indépendantes de la volonté de l’exploitant et justifiant qu’il n’a pu mettre en service son installation dans le délai de droit commun.

L’attention des opérateurs doit être portée sur la preuve de la satisfaction de ces deux conditions. Il leur appartiendra d’apporter tout élément utile au Préfet de nature à prouver l’absence de changement substantiel, comme l’existence de circonstances exogènes conduisant à ne pas pouvoir respecter le délai de validité initial.

Naturellement, il fallait combiner la prorogation de la décision ICPE avec le délai de validité de l’enquête publique. Aux termes de l’article R123-24 en effet, si les travaux n’ont pas été entrepris dans un délai de 5 ans à compter de la décision soumise à enquête, une nouvelle enquête doit en principe être menée, sauf prorogation de la durée de validité de l’enquête.

Le nouvel article R553-10 du code prévoit ainsi que la prorogation de la décision ICPE pourra être accordée éventuellement après prorogation de l’enquête publique, qui est acquise si aucune décision n’a été adressée à l’exploitant dans un délai de deux mois à compter de la date de l’avis de réception par le représentant de l’Etat dans le département.

  • Prorogation des autorisations d’urbanisme

Les décisions en matière d’urbanisme sont également concernées par le décret du 2 mai 2014.

L’article R.424-21 du code de l’urbanisme prévoyait que le permis de construire pouvait être prorogé d’une année, sur demande de son bénéficiaire si les prescriptions d’urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n’ont pas évolué de façon défavorable à son égard. Le décret n°2014-450 du 2 mai 2014 insère dans cet article deux alinéas supplémentaires qui disposent :

« Pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent, la demande de prorogation mentionnée au premier alinéa peut être présentée, tous les ans, dans la limite de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation, le cas échéant après prorogation de l’enquête publique en application de l’article R. 123-24 du code de l’environnement.

La prorogation de l’enquête publique mentionnée à l’alinéa précédent est acquise si aucune décision n’a été adressée à l’exploitant dans le délai de deux mois à compter de la date de l’avis de réception par le représentant de l’Etat dans le département. »

Il nous semble que la différence de rédaction entre le nouveau texte relatif aux permis de construire et celui relatif aux décisions ICPE implique moins de sévérité pour les permis. Ainsi, les conditions tenant à l’absence de changement de circonstance et aux conditions étrangères à l’opérateur n’ont pas été reprises dans l’article R 424-21 du code de l’urbanisme.

Dès lors, et uniquement pour les éoliennes, les permis de construire peuvent être prorogés sur demande de l’exploitant, tous les ans dans la limite de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation et le cas échéant après prorogation de l’enquête publique. De même que pour l’arrêté d’autorisation ICPE, la prorogation de l’enquête publique est acquise si aucune décision n’a été adressée à l’exploitant dans le délai de deux mois à compter de la date de l’avis de réception par le Préfet de département.

Dans l’un ou l’autre cas, les décisions prises par le Préfet apparaissent comme pouvant faire l’objet de recours… mais on peine à voir s’agissant des prorogations de PC le type de moyen qui pourrait être accueillis à leur encontre.

Ces dispositions s’appliquent aux autorisations et aux permis de construire en cours de validité à la date d’entrée en vigueur du décret, soit le 5 mai 2014.

 

Stéphanie Gandet- Avocat associé

Camille Colas- Juriste, Master droit de l’environnement

Green Law Avocat