Fondation d'éolienneDans la lignée de la récente jurisprudence administrative qui ouvre au juge la possibilité de procéder à l’annulation partielle d’un permis de construire ne répondant pas au traditionnel critère de la divisibilité matérielle des constructions (CE, 1er mars 2013, n°350306, Fritot et autres c/ Ventis, commenté sur ce blog CE, 23 février 2011, n° 325179, SNC Hôtel la Bretonnerie ; CAA Nantes, 13 juillet 2012, n°11NT00006 ; CAA Paris, 16 décembre 2010, n°08PA0172), la cour administrative d’appel de Bordeaux a, toujours en matière de contentieux éolien, jugé dans un arrêt du 24 janvier 2013 (CAA Bordeaux, 24 janvier 2013, n°12BX00095) que l’irrégularité de l’étude d’impact pouvait également déboucher sur une telle annulation.

 

Par cinq arrêtés, le préfet de l’Aveyron avait autorisé à un opérateur éolien à construire  quinze éoliennes et un poste de livraison électrique. Plusieurs associations et quelques riverains ont contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Toulouse. Leur demande ayant été rejetée dans son intégralité, les requérants ont interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux.

La Cour fait droit à un seul moyen : celui tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact, qui avait omis d’analyser le risque que présentait une seule machine (l’éolienne E12) pour l’alimentation d’un captage d’eau situé à proximité.

Ainsi, après avoir rappelé que seules les inexactitudes, omissions ou insuffisances substantielles, à savoir celles qui « ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou [qui] ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative » sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entacher la décision d’illégalité, la cour constate que l’étude d’impact était irrégulière en ce qu’elle ne comportait pas d’analyse spécifique sur les éventuels effets néfastes de l’implantation de l’éolienne E12 sur le captage d’eau.

« Considérant ensuite, que les requérants font valoir que les travaux de construction de l’éolienne E12 auraient des conséquences néfastes sur le captage de Douzoumayroux en se prévalant d’un rapport rédigé par un hydrogéologue en 2001 en vue de la définition d’un périmètre de protection du captage et d’une lettre que ce dernier a écrite le 29 avril 2010 aux termes de laquelle il indique que  » Le point d’implantation de l’éolienne E12 est situé à l’amont hydrogéologique de la source Douzoumayroux. Cette émergence exploite des écoulements très peu profonds. La distance de captage est telle que les fondations du mat et les travaux de terrassement du chemin d’exploitation risqueraient de perturber très fortement les écoulements, le débit et la qualité des eaux captées. Cette éolienne serait au milieu du périmètre rapproché du captage que j’avais défini dans mon rapport du 21 juin 2001. Actuellement, j’interdis l’implantation d’éoliennes non seulement dans le périmètre rapproché mais aussi dans le périmètre éloigné de captages  » ; que l’étude intitulée  » Proximité du captage de Douzoumayroux  » précise qu’une distance de quinze mètres devrait séparer l’éolienne E12 de la limite Est du bassin d’alimentation de ce captage d’eau ; que le Parc Naturel régional des Grands Causses avait relevé, dans son avis en date du 31 mai 2007, s’agissant des effets de ce projet sur les eaux souterraines, que  » contrairement à ce qui est indiqué en page 67 de l’étude d’impact, les installations peuvent modifier les circulations d’eaux souterraines car les aquifères sont en général présents dans les formations d’altération du granite et donc, dans la frange superficielle  » et il avait précisé que la source Douzoumayroux était notamment susceptible d’être impactée par ce projet ; que le maire d’Arques avait d’ailleurs souligné le risque que l’éolienne E12 était susceptible d’engendrer sur le captage d’eau de Douzoumayroux ; […] que le fait que l’étude d’impact ne comporte pas d’analyse spécifique concernant les effets de l’éolienne E12 sur le captage d’eau de Douzoumayroux a été de nature à fausser l’information du public et l’appréciation de l’administration sur les impacts de ce projet et en particulier sur ses incidences en matière de salubrité publique et constitue, en conséquence, une insuffisance substantielle de l’enquête publique ; »

Mais dans un second temps, le juge relève que l’éolienne E12 est un ouvrage distinct des autres machines, et qu’il y a donc divisibilité matérielle du projet (sur l’application de ce critère, voir CE, 17 juillet 2009, n° 301615, Commune de Grenoble).

Il limite dès lors son annulation à la seule éolienne E12 : 

« Considérant que l’éolienne E12 constitue un ouvrage distinct des autres éoliennes relevant du même permis de construire n° PC 012 010 06 N1008 du 26 juin 2009 ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions de ce permis applicables à cette éolienne ne seraient pas divisibles des autres dispositions de ce même permis ; que l’insuffisance de l’étude d’impact sur les incidences de l’éolienne E12 sur le captage d’eau de Douzoumayroux ne concerne que cette seule éolienne, au regard de la distance séparant les autres aérogénérateurs de cette source, et n’est ainsi pas susceptible d’affecter la régularité de l’ensemble de la procédure ayant conduit à la délivrance des permis de construire les quatorze autres éoliennes ; qu’ainsi la méconnaissance par l’étude d’impact des exigences énoncées par l’article R.122-3 du code de l’environnement n’entache la légalité que du permis de construire n° PC 012 010 06 N1008 en tant qu’il autorise la construction de l’éolienne E12 ; »

On ne peut que se réjouir d’une telle décision, qui marque la volonté du juge administratif d’exercer son office de manière plus efficace et plus pragmatique en n’obligeant pas le pétitionnaire à reprendre l’ensemble d’une procédure longue et contraignante pour une irrégularité n’affectant qu’une partie de son projet.

 

Lou Deldique- Green Law Avocat

Elève-Avocat