Scrap fencePar une question du 13 décembre 2012, le Sénateur M. Jean Louis Masson interrogeait le Ministre de l’Intérieur sur les moyens d’action dont dispose le Maire d’une commune à l’encontre d’un particulier qui entreposerait des objets et des matériaux usagés sur son propre terrain.

En effet, de tels dépôts constituent immanquablement une gêne esthétique pour le voisinage.

Dans une réponse du 26 septembre 2013 n°05045, le Ministre rappelle que le Maire ne peut agir sur la base de ses pouvoirs de police générale, dans la mesure où l’esthétique ne fait pas partie des composantes de l’ordre public (CE, 18 février 1972, Chambre syndicale des entreprises artisanales du bâtiment, n° 77277). Ainsi, aux termes de l’article L. 2212-2 du CGCT, les missions de police municipale se limitent à assurer « le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ».

Mais cette réponse donne également au Ministre l’occasion de rappeler la définition que le code de l’environnement donne de la notion de déchet depuis la transposition de la directive 2008/98/CE : il s’agit de  « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire » (Code de l’environnement, article L. 541-1-1).

En l’espèce, le Ministre considère que le propriétaire des objets usagés ne manifeste pas d’intention de s’en défaire, et que ces derniers ne peuvent donc être qualifiés de déchets. C’est donc bien l’acte de d’abandon  ou encore de renonciation qui constitue le critère d’identification principal, et non l’état de l’objet. Il a ainsi déjà été jugé que des plastisols déclassés dont le détenteur initial entendait se défaire doivent considérés comme des déchets, même si  ledit détenteur entendait les commercialiser  (CAA Marseille, 7e ch., 29 mai 2012, n°10MA01496).

Aussi, le  Maire ne peut mettre en œuvre le pouvoir de police spéciale que  l’article L. 541-3 du code l’environnement lui confère en matière de déchets afin de faire enlever les matériaux entreposés.

Reste alors ce que la réponse ministérielle ne dit pas:

– Quid des pouvoirs de police générale du Maire si les matériaux usagés sont susceptibles de créer une pollution ou un risque pour la santé publique? Dans cette hypothèse, l’article L 2212-2 du CGCT serait à nouveau pertinent…

– Quid de l’action des riverains devant le juge civil sur le fondement de la théorie des troubles de voisinage? Evidemment, la question des pouvoirs du Maire est indépendante des actions pouvant être mises en œuvre par les voisins sur le fondement du Code civil…

Lou Deldique

Green Law Avocat